Parlement - Société

Absentéisme scolaire, allocations supprimées

  • Publié le 16 septembre 2010 à 11:00

Le Parlement a adopté définitivement, ce mercredi soir 15 septembre 2010, la loi prévoyant la suspension des allocations familiales pour absentéisme scolaire. Cette suppression se fera sur demande d'un inspecteur d'académie. Le Sénat a voté sans le modifier le texte déjà adopté le 29 juin par les députés, ce qui rend l'adoption définitive. Seule la majorité l'a approuvé, la gauche a voté contre.

"Pour certaines familles, l'aide et le dialogue ne suffisent pas. Certaines familles refusent d'assumer leur autorité sur leur enfant, laissent libre cours à son absentéisme" a plaidé le ministre de l'Éducation, Luc Chatel. Cité par le journal Le Monde, il précise que cette suspension des allocations est "un ultime recours".

La majorité sénatoriale a voté le texte sans enthousiasme. Déjà à l'Assemblée, le projet n'avait pas fait le plein des voix de la droite, des élus de premier plan n'ayant pas pris part au vote ou s'étant abstenus, comme les UMP Christian Jacob ou Pierre Méhaignerie. Une bonne partie des centristes se sont abstenus et les élus du MoDem ont voté contre.

L'opposition a combattu ce texte, également dénoncé par les principaux syndicats d'enseignants et la première fédération de parents d'élèves, la FCPE. Ainsi à La Réunion, Benoît Blard, président départemental de la FCPE, avait commenté lors de l'annonce du projet de loi en avril dernier, "ce n'est pas par ce moyen que nous parviendrons à faire revenir les enfants à l'école". Selon lui, "c'est le système éducatif qui pose problème. Les élèves ne s'y retrouvent plus". Il dénonçait notamment le manque de personnels et d'équipements dans les établissements scolaires. "Quand un enfant se retrouve dans une classe de 35 élèves, il ne se sent pas écouté. Il va donc se désintéresser de cet univers", estimait Benoît Blard. "Et pendant la récré ou les heures de pause, s'il n'y a pas d'équipement sportif, informatique ou culturel, il ne verra pas d'intérêt à rester dans l'enceinte de l'établissement", ajoutait-il.

Pour le président de la FCPE, "sanctionner les parents ne va faire qu'aggraver les difficultés des familles". Même s'il reconnaissait que le contexte familiale "joue en partie" dans l'absentéisme de l'enfant, il mettait une fois de plus la faute sur le "système scolaire". "Des parents normalement constitués veulent que leurs enfants réussissent. Mais il n'y a pas assez de dialogue entre l'école et les parents", expliquait-il. "Avec toutes les réformes dans l'éducation nationale, même les enfants s'y perdent alors comment les familles peuvent-ils se retrouver et porter un intérêt à ce qui se passe à l'école si personne ne les informe ?", s'interrogeait-il. "Cette loi n'a qu'un objectif, faire du chiffre", tranchait-il.

C'est sensiblement le même langage qui a été tenu après l'adoption du texte ce mercredi. Il s'agit d'une "mesure simpliste, inefficace, populiste et agressive", "d'une nouvelle forme de double peine pour les plus pauvres ; c'est indécent", s'est indignée Marie-Christine Blandin, des Verts. Pour Marie-Agnès Labarde (CRC-SPG, communistes et Parti de gauche) l'absentéisme "reste un phénomène marginal" qui, "contrairement à ce qu'on nous indique, est relativement stable". "On est passé de 6 à 7 %, ce n'est pas une explosion", a-t-elle soutenu. Yannick Bodin (PS) a dénoncé "une visée répressive insupportable" du gouvernement, qui "s'inscrit dans le contexte malsain de ces derniers mois", où il s'est "réapproprié des discours autoritaristes et démagogiques proches de l'extrême droite".

À La Réunion Thérèse Baillif, présidente du Cevif (collectif pour l'élimination des violences intra familiales), pensait pour sa part lors de la discussion sur le projet de réforme que cette loi serait "une bonne chose". "Il est important de responsabiliser les parents. Les enfants sont plus négligents et moins obéissants qu'autrefois. Beaucoup de parents ont du mal à se faire entendre", affirmait-elle. "Je suis toujours révoltée de voir des enfants arriver à un certain niveau et ne sachant ni lire ni écrire", lançait la responsable du collectif. "Cette loi aura un effet bénéfique pour toute la famille. Les parents seront poussés à agir. Les enfants réintégreront de nouveau le système scolaire", précisait-elle. La présidente du Cevif nuançait ensuite son propos. "Cette loi est bonne mais il faut d'abord privilégier le dialogue avant de recourir à la sanction", disait-elle.

Dan un communiqué publié ce jeudi après-midi, le SGPEN CGTR estime pour sa part que la suppression des allocations familiales "pour motif d'entorse à l'assiduité scolaire n'apportera aucune aide dans ce domaine aux parents ni aux jeunes frappés par une telle sanction.". le syndicat ajoute "Elle sera source au contraire d'aggravation des conditions de vie de l'ensemble de la famille. Il s'agit d'une punition au caractère archaïque, indigne des valeurs républicaines"

Le journal Le Monde indique que la nouvelle loi prévoit une réponse graduée. Lorsque le chef d'établissement constate l'absentéisme de l'élève - au moins quatre demi-journées d'absence non justifiées en un mois -, il le signale à l'inspecteur d'académie. Ce dernier adresse alors un avertissement à la famille et "l'oriente vers des dispositifs d'aide". Parallèlement, il saisit le président du conseil général afin que soit mis en place un contrat de "responsabilité parentale".

Si, au cours du mois suivant, l'absentéisme de l'élève est à nouveau constaté, l'inspecteur d'académie a alors "l'obligation" de saisir le directeur de la Caisse d'allocations familiales, qui suspendra le versement des allocations.

Si l'enfant retrouve le chemin de l'école et que son "assiduité" est constatée sur une durée d'au moins un mois, le versement des allocations pourra alors être rétabli. La possibilité de suspendre les allocations familiales est déjà inscrite dans la loi du 31 mars 2006 relative à l'égalité des chances, mais, jusqu'à présent, la décision était du seul ressort des présidents de conseils généraux.

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