Pratique disproportionnée et dangereuse

Le nombre des refus d'obtempérer baisse en France, Retailleau veut quand même des courses-poursuites

  • Publié le 6 juin 2025 à 10:49
  • Actualisé le 6 juin 2025 à 12:04

Engager une course-poursuite en cas de refus d'obtempérer d'un automobiliste va être systématiser pour les forces de l'ordre. Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur, a adressé une circulaire en ce sens à tous les préfets le 18 mai 2025. Une directive pour le moins disproportionnée. Elle arrive alors que le nombre de refus d'obtempérer est en baisse dans toute la France - y compris La Réunion -, depuis trois ans, selon les chiffres du... ministère de l'Intérieur. À La Réunion, victimes collatérales de courses-poursuites en 2019 et en 2003 au Chaudron et à Sainte-Clotilde (Saint-Denis), un homme et à une fillette de 8 ans ont été tués (Photo : www.imazpress.com)

Jusqu’à présent, les courses-poursuites étaient autorisées, en principe, uniquement à Paris. Sur le reste du territoire, c’était la note 89 de la Sécurité publique, adoptée par la Direction centrale de la sécurité publique (DCSP), qui primait.

Elle stipule que seuls les "faits d’une grande gravité" impliquant "la fuite ou l’évasion d’un individu dangereux" ou "la traque d’un auteur de crime de sang", devaient donner lieu à une course-poursuite systématique.

"Il y a longtemps que nous militons pour une harmonisation de (l'autorisation de courses-poursuites - ndlr) à l'ensemble du territoire" indique Stéphane Patché, délégué régional dy syndicat Alliance Police nationale 974.

La circulaire de Bruno Retailleau est "une avancée" estime Aude Robert, déléguée zonale de Alternative police. 

- À La Réunion il y a moins de 4 refus d'obtempérer pour 10.000 habitants - 

Fait notable, la mesure voulue par Bruno Retailleau arrive alors que selon les chiffres de son ministère, en 2024 "les refus d'obtempérer routiers (...) étaient en baisse pour la troisième année" consécutive. 

"En 2024, en France, les forces de sécurité intérieure ont enregistré 3,6 refus d’obtempérer routiers pour
10.000 habitants, ou encore 0,5 pour 1.000 véhicules" détaille ensuite le ministère de l'Intérieur. 

Selon ces mêmes chiffres, La Réunion compte parmi les départements recensant moins de 4 refus d’obtempérer pour 10.000 habitants. 

En 2024, 198 délits de ce type ont été recensés. 69 faits ont été relevés depuis le début de l'année 2025,contre 76 pour la même période en 2024, soit une baisse de 14,8% précise la préfecture de La Réunion.

Systématiser les courses-poursuites malgré ces chiffres globalement en baisse dans toute la France, y compris dans notre île, semble pour le moins disproportionné et en tout cas ne pas répondre à une réalité de terrain. 

"Refuser d’obtempérer, c’est mettre des vies en danger. Le signal envoyé (par le ministre l'Intérieur - ndlr) est enfin clair, il signifie : refusez d'obtempérer et vous serez poursuivi, intercepté et sanctionné" estime néanmoins Gilles Clain d'Unité SGP Police.

- "La course-poursuite ajoute du danger là où les agents risquent déjà leur vie et celles des autres" -

Interrogé sur la dangerosité que représentent ces courses-poursuites pour les autres usagers de la route et pour les forces de l'ordre elles-mêmes, Stéphane Patché n'hésite pas : "il faut un cadre réglementaire et législatif donnant une protection juridique aux policiers pour encadrer la prise en charge de ces véhicules".

Il lâche ensuite : "s'il y a un refus d'obtempérer, que l'auteur fonce dans un poteau et meurt, la responsabilité des policiers doit être dégagée".

Le syndicaliste d'Alliance Police nationale 974 va ensuite plus loin : "dans une course-poursuite, les policiers vont forcément rouler vite et pousser le conducteur dans ses retranchements. S'ils heurtent une personne (un piéton ou un autre automobiliste - ndlr) pendant la course-poursuite, leur responsabilité dont aussi être dégagée. La faute incombe à l'auteur du refus d'obtempérer"

Avocate et députée, Émeline K'Bidi tempère largement cette prise de position. "Exempter les forces de l'ordre de poursuites ne serait pas possible. Cela ouvrirait la porte à tout."

Le député Frédéric Maillot remarque : "dans un état de droit, lorsque les forces de l'ordre nous demandent de nous arrêtent, nous devons obtempérer".  Il poursuit "mais selon moi, cette mesure de course-poursuite ajoute du danger à un métier où les agents risquent déjà leur vie et celles des autres. Tout cela doit être pesé et analysé".

- Un piéton et une fillette tués à La Réunion - 

À La Réunion, au moins deux courses-poursuites ont eu une issue mortelle au cours des dernières années. En 2003, une petite fille de 8 ans a été tuée et sa tante blessée à la jambe par un fourgon de gendarmerie, qui les a fauchées à Saint-Clotilde.

Au Chaudron, en 2019, en filant à toute allure, le conducteur d'un camion volé avait perdu le contrôle, renversant un cycliste et un piéton. Ce dernier est tué sur le coup. Âgé d’une cinquantaine d’années il se rendait à son travail au collège des Alizés à Saint-Denis où il était agent d’entretien.

Lire aussi - Accident mortel au Chaudron : deux personnes auditionnées

En février 2025, aux alentours de 18h à Saint-Pierre, un mineur roulant sans permis et sans casque au guidon d'une motocross, a tenté de faire demi-tour à la vue de la police. Il a alors heurté et blessé une fillette de 7 ans qui a dû être transportée en urgence au CHU sud. 

- Des policiers et des gendarmes blessés -

Deux policiers ont été blessés dans la nuit de vendredi 7 février à samedi 8 février 2025 à Saint-Denis, après un refus d'obtempérer. Un automobiliste alcoolisé a refusé de se soumettre à un contrôle et a foncé sur le véhicule des forces de l'ordre.

Le 28 mars 2025, lors d'un contrôle de routine, deux motards de la Brigade motorisée ont été violemment percutés par un conducteur de motocross qui refusait de s’arrêter.

- Le refus d'obtempérer est puni par de la prison ferme -

Le refus d’obtempérer est défini par l’article L.233 1 du Code de la route comme "le fait, pour tout conducteur d’omettre d’obtempérer à une sommation de s’arrêter émanant d’un fonctionnaire ou agent chargé de constater les infractions et muni des insignes extérieurs et apparents de sa qualité".

Ce refus intentionnel d’obéir à l’injonction donnée par les forces de l’ordre de s’arrêter est puni de deux ans d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende.

Cette infraction peut être aggravée en cas de vitesse excessive, de manœuvres mettant en danger autrui ou lors de conduite sous stupéfiants. Avec l’une de ces circonstances aggravante, le conducteur risque jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende.

www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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5 Commentaires
Athena974
Athena974
1 jour

On a bien compris : s’il y a des victimes c’est forcément la faute des Forces de l’Ordre … Merci à M. Clain et M. Patché pour leur langage de vérité. Soutien aux FDO

HULK
HULK
1 jour

nos ministres sont des politiciens en campagne ,ils se remplissent les poches et s arrangent entre copain,ratélleau veut faire parler de lui peu importe les conséquences: combien de morts innocentes vont etre les victimes collatérales des courses poursuites?il faut une reforme de la justice mais les politiciens ont tout piquer l argent.

HULK
HULK
1 jour

Victimes innocentes? Vous mélangez tout. Au départ les rodéos sauvages, les refus d'obtempérer,voilà les vrais coupables. Laxisme et lâchetés les accompagnent.

Bruno Lateigne
Bruno Lateigne
1 jour

Maintenant, si la Police fait une "course-poursuite autorisée" , qu'elle blesse ou tue des gens , la Police sera "dégagée" de toute responsabilité??? Quelle belle avancée vers le "Far West" Mr Retailleau !!! Si voulez une guerre civile, vous êtes sur la bonne voie !!

pouet
pouet
1 jour

Tant qu'il y aura des moto cross il y aura des refus et heureusement des courses poursuites. Demander aux voisins du moto cross crevé a st andré comment il vivent maintenant sans cette nuisance humaine (qui s'est tué tout seul, ouf, sans blesser personne, la moindre des choses). Il faut poursuivre et attraper tous les rodéos. Ils tombent et se coupent en deux? Pas grave, meme leur parents s'en foutent, comme leur pote.