Si l'on pourrait croire que tout n'irait que vers le meilleur en matière de droits des femmes, les chiffres ont tendance à montrer le contraire. Et avec la multiplication des vidéos où discours sexistes, voire carrément violents envers les femmes, les jeunes sont de plus en plus exposés à une misogynie particulièrement rétrograde. Du contenu qui a un impact direct sur la vision que portent les jeunes hommes sur leurs homologues féminines, et qui inquiètent les associations, jusqu'au Haut conseil à l'égalité du gouvernement (Photo d'illustration sly/www.imazpress.com)
"Harcèlement sexuel, culture du viol, sexisme destructeur, inégalité des chances, absence d’éducation à la vie sexuelle et affective, la société est en train de fabriquer des générations de plus en plus perdues" a alerté dès 2022 le Haut conseil à l'égalité du gouvernement.
La situation ne s'est pas améliorée entre temps, le constat étant "alarmant" en 2023. Et en 2024, les clichés sexistes sont toujours aussi présents, voire progressent chez les jeunes.
"Chez les jeunes adultes masculins, mais aussi parfois chez les femmes, on observe un retour aux valeurs traditionnelles : l’idée "qu’il est normal que les femmes s’arrêtent de travailler pour s’occuper de leurs enfants" gagne 7 points (34 %) chez les intéressés" s'alarme le HCE.
"La "résistance" masculine se fait également sentir par rapport aux évolutions de la société : 37% (+3 points) des hommes considèrent que le féminisme menace leur place" ajoute-t-il. Enfin, "plus d’un homme sur 5 de 25-34 ans considère normal d’avoir un salaire supérieur à sa collègue à poste égal" et "70% des hommes pensent encore qu’un homme doit avoir la responsabilité financière de sa famille pour être respecté dans la société".
On pensait ces réflexions réservées aux franges les plus âgées de la population, elles trouvent finalement aussi leur public chez les plus jeunes. Une tendance qui pourrait encore s'aggraver avec la multiplication de vidéos sexistes et rétrogrades qui pullulent sur les réseaux sociaux.
Cela se traduit par "une forme de passivité, voire d’hostilité et de résistance à l'émancipation des femmes dans la société, tout particulièrement chez les hommes" alerte le HCE.
37 % d’entre eux considèrent que le féminisme menace la place et le rôle des hommes (+ 3 points), 32 % que ces derniers sont en train de perdre leur pouvoir (+ 3 points).
- Influenceurs -
Cette résistance touche toutes les générations d’hommes. "84 % des 65 ans et plus considèrent par exemple que les hommes doivent protéger les femmes et 51 % que les femmes doivent s’arrêter pour s’occuper de leurs enfants" détaille le HCE, et la tranche des hommes de 25-34 ans sont "plus nombreux à considérer que l’on s’acharne sur les hommes (52 %) et qu’il n’est plus possible de séduire une femme sans être vu comme sexiste (59 %).
Un phénomène sur lequel la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) alertait déjà en 2023.
"Les masculinistes considèrent que les femmes seraient désormais dominantes et favorisées. Les adeptes de ces théories militeraient ainsi activement pour la défense des hommes dont les droits seraient bafoués de toutes parts" détaille-t-elle dans un rapport.
"En France, l’implantation du masculinisme semble se faire principalement via Internet. Plusieurs youtubeurs très en vogue développent ainsi un discours explicitement masculiniste et peuvent proposer des programmes payants" souligne par ailleurs la Miviludes.
De nombreux "influenceurs", français ou pas, sont suivis par de jeunes adolescents. Avec parfois plusieurs centaines de milliers d'abonnés qui les écoutent tenir des discours rétrogrades et profondément misogyne.
Des discours qui sont répétés par nombre de ces adolescents, notamment sur les réseaux sociaux qui sont devenus de véritables défouloirs de haine. Le cyber-harcèlement est toujours plus violent, mais aussi toujours plus misogyne. D'ailleurs, 85% des femmes auraient été victimes de cyberharcèlement en 2021.
Dernièrement, des jeunes hommes ont d'ailleurs créer une intelligence artificielle spécialement pour "rhabiller les femmes" qu'ils trouvent trop dévêtues à leur goût. Sans jamais demander l'autorisation des intéressées, évidemment.
- Les jeunes femmes aussi visées -
Les jeunes hommes ne sont pas l'unique cible de ces nouveaux influenceurs. On peut aussi citer les "tradwives", un mot-valise anglais qui se traduit par "femme traditionnelle". Sous couvert de contenu aux visuels lissés, ces jeunes femmes prônent un retour à la place "naturelle" de la femme : la cuisine.
Être soumise à son mari, arrêter le travail, avoir beaucoup d'enfants, être toujours belle et apprêtée, faire le ménage et la cuisine seule, considérer que seul le mari doit être en charge des finances du foyer : ces valeurs sont érigées comme modèle, bien loin de la libération des femmes. S'il n'y a aucun mal à être mère au foyer, si cela est son souhait, ces comptes promeuvent cette vie comme l'objectif unique des femmes.
"Ce phénomène est particulièrement inquiétant, car il marque, au moins dans les mentalités, une réassignation des femmes à la sphère strictement domestique, qui va à contre-courant des enjeux des luttes féministes et des politiques publiques pour l'émancipation des femmes, notamment depuis les années 1950" note d'ailleurs le HEC.
De nombreuses militantes dénoncent depuis quelques années le "backlash" provoquée par l'ère #MeToo. Théorisé en 1991 par la journaliste américaine Susan Faludi, ce "retour de bâton" s'observerait à chaque avancée, c'est-à-dire d'une régression face aux droits que nous avons réussi à acquérir au fil du temps.
Alors si beaucoup estiment aujourd'hui que les femmes n'ont plus de souci à se faire, ni même de raison de se plaindre, rappelez-vous d'une chose : aucune avancée sociétale n'est définitive, particulièrement en matière de droits des femmes.
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