Drôles de priorités

Education nationale : l'école s'effondre, le ministre s'intéresse aux tenues des élèves

  • Publié le 9 juin 2023 à 02:59
  • Actualisé le 9 juin 2023 à 03:01

Lycéens absents depuis la fin des épreuves du Bac, réforme du lycée professionnel contestée, manque d'enseignants, conditions de travail dégradées, salaires trop bas…Les problématiques s'accumulent à l'Education nationale, au grand dam des syndicats enseignants. Pourtant, depuis plusieurs jours, le ministre Pap Ndiaye écume les plateaux de télévision pour aborder un tout autre thème, qui n'a pas grand-chose à voir avec les problèmes rencontrés aujourd'hui dans les établissements scolaires : le port de l'abaya chez certaines jeunes filles.

Après les crop top et les nombrils apparents dénoncés par Jean-Michel Blanquer, l'Education nationale s'attaque cette fois-ci aux robes trop larges. Dans la lignée de la lutte pour le respect de la laïcité, les tenues des élèves, principalement des jeunes filles, sont scrutées depuis plusieurs mois maintenant. Et les professeurs sont encouragés à signaler les tenues qui, selon leur appréciation, seraient trop connotées religieusement.

Depuis quelques jours, on voit donc de nouveau le sujet pulluler un peu partout dans les médias nationaux. Comme s'il n'y avait vraiment rien de plus urgent, comme si à l'approche de l'été continental il fallait absolument relancer un débat sur telle ou telle tenue liée à l'islam, un sujet qui devient semble-t-il récurrent chaque année.

"On a une loi sur la laïcité, c'est une bonne chose qu'on veuille l'appliquer, mais aujourd'hui cela semble surtout être une diversion face aux vrais problèmes qu'on rencontre" estime Joël De Palmas, secrétaire départemental de la CGTR Educ'Action.

"On a de gros problèmes sur la revalorisation des salaires, sur laquelle les promesses n'ont pas été tenues, nous n'allons pas du tout obtenir ce qui était dit et ces augmentations ne nous permettront pas de rattraper l'inflation. Il y aussi la réforme des lycées professionnels qui va amener énormément de casse au niveau des formations, les personnels sont inquiets, on ne parle même pas du Bac qui est une catastrophe…" liste-t-il.

Pour le syndicaliste, "aujourd'hui on parle du voile, des abayas…pour détourner l'attention, mais il y a d'autres sujets bien plus importants".

"Je pense qu'on est dans le domaine de la panique morale en France hexagonale. Si on pose ce débat à La Réunion ou même dans le reste de la France, je ne pense pas que ce soit un phénomène si important que ça" estime de son côté Guillaume Aribaud, membre de la FSU. "J'enseigne à des élèves très majoritairement de confession musulmane, avec qui je n'ai jamais rencontré de problème. J'ai plus l'impression qu'on subit une focale islamophobe de la part du ministère, et que les politiques essaient surtout de jouer sur le terrain d'extrême-droite."

- Question de priorités -

Classes surchargées, manque d'enseignants pour remplacer les absents, chute vertigineuse de candidats aux concours de l'Education nationale, mal-être des personnels, harcèlement scolaire, vétustés de certains établissements…Les problématiques sont pourtant – trop – nombreuses.

"Nous ce qui nous préoccupe, ce sont les problématiques matérielles : les conditions d'étude et de travail des élèves, des enseignants, les réformes qui se succèdent mais diminuent nos moyens, les difficultés extrêmes" liste Guillaume Aribaud.

Que les chantiers soient trop nombreux pour tous être réglés en un coup de baguette magique va de soi. Qu'on décide de s'attaquer à une problématique finalement plutôt minime – et qui semble plus tomber sous le coup du contrôle du corps des jeunes filles – est plus inquiétant.

"On rentre dans des considérations où bizarrement on cible les jeunes filles, ce qui est étrange quand on parle aujourd'hui de tolérance, d'émancipation et d'égalité femmes-hommes" souligne le syndicaliste.

"Je vois quelqu'un qui s'est embarqué dans quelque chose de trop grand pour lui, Pap Ndiaye n'arrive pas à s'imposer, il va se contenter de ce type de mesures" analyse Joël De Palmas. "Mais il n'a pas le contrôle sur tous les vrais problèmes, c'est le Président qui annonce toutes les nouvelles mesures, il est juste là pour essayer de tout mettre en musique."

En attendant, la fin de l'année scolaire se rapproche, et les enseignants pensent déjà à la rentrée prochaine, loin des préoccupations vestimentaires du ministre. "Les collègues sont surtout occupés à devoir digérer et lutter contre les nouvelles lubies ministérielles pour nos missions et nos revalorisations salariales. On doit prévoir une nouvelle réorganisation des services, on redoute les nouvelles attaques sur nos statuts, on attend les effets des annonces qui ont été faites…" conclut Guillaume Aribaud.

as/www.imazpress.com / redac@ipreunion.com
 

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6 Commentaires
HULK
HULK
1 an

MACRON s'entoure de gens incompétents et méprisants. Plus on paye d'impôts, plus les services publics sont à la ramasse. Cherchez l'erreur.

ZembroKaf
ZembroKaf
1 an

Effectivement...drôle de priorités...cacher les vrais problèmes de l'EN ... derrière un "bout de tissus" ... qui n'a rien de religieux !!!

Dom
Dom
1 an

L' Accusation d'islamophobie tue et consiste à mettre une cible sur le dos de ceux qui en sont accusés.
Souvenez-vous de Samuel Paty...

RIVIERE
RIVIERE
1 an

D’accord avec vous . Mais de dire qu’ils sont mal payés est une boutade sûrement

Dom
Dom
1 an

L'un n'empêche pas l'autre ...
Souvenez vous de Creil 1989 (je crois). Et puis le mot "islamiphobe" inventé par les islamistes et dégainé à chaque fois qu'est dénoncée une de leurs manœuvres.
Les faits les plus marquants contre la laïcité se déroulent en Métropole.
Faut pas se voiler la face.

CHABA
CHABA
1 an

ProfS absents
1/3 du programme réalisé

En 1ere en Français pas de note au 2ème trimestre car professeur absent depuis fin novembre....

Grève,

réunion....