Ce mercredi 29 novembre 2023, Rima Abdul-Malak, ministre en charge de la Culture, entamera une visite de deux jours sur notre île. Au programme de sa venue, l'inauguration du pont de la rivière de l'Est et des rencontres avec des professionnels du secteur. Des directeurs de salles, des artistes, des intermittents, des techniciens… pour qui le quotidien est particulièrement difficile. Et beaucoup d'entre-eux n'attendent pas grand chose de la visite ministérielle
Une venue dont l'annonce est d'ailleurs passée un peu inaperçue pour certains, pas forcément conviés par le ministère. "On n'a pas été sollicité par la ministre de la culture, ce qui donne déjà un premier aperçu de ce déplacement", indique Nathalie Soler, directrice du Kabardock au Port.
- La culture sous tension -
Un déplacement nécessaire (ou pas) – tout dépend les annonces qui pourraient être faites - , face à un secteur professionnel en crise.
"Au niveau du Kabardock, on a travaillé avec les députés et sénateurs, ainsi que la direction des affaires culturelles pour un rehaussement du plancher de financement de l'État pour les "SMAC" (Scène de musique actuelle)."
"On est la seule de l'Océan Indien et même des Dom Tom et aujourd'hui on a un gros souci sur les musiques actuelles", dit-elle.
Ce plancher de financement sert à assurer une somme d'argent à un projet pour faire fonctionner la structure et le projet artistique et culturel. "Aujourd'hui nous avons un plancher qui est à 100.000 euros mais on en demande 200.000 car nous sommes un secteur en tension, les artistes sont en grande difficulté", indique Nathalie Soler.
Raison pour laquelle le secteur de la culture demande le rehaussement de ce plancher. Toutefois, si à l'Assemblée, les amendements déposés ont déjà été balayés par le 49.3, reste au Sénat d'essayer d'agir pour la culture.
- Un secteur en mal d'artistes -
Outre ce souci, se pose également la question des salaires, des intermittents et de l'émergence des artistes.
"Aujourd'hui le torchon brûle", alerte Nathalie Soler du Kabardock. "On assiste à pas mal de choses, comme la perte complète d'attractivité du secteur."
"C'est un secteur avec énormément de postes vacants, peu de candidats, un secteur mal payé avec énormément de missions. On est toujours sous tension." "Comment expliquer à un jeune qui a fait cinq années d'études qu'il va commencer avec le salaire que nous propose le secteur", ajoute Nathalie Soler.
Un salaire qu'ont du mal à atteindre les intermittents à La Réunion. "Le nombre d'heures à faire est de 107 heures, soit 43 cachets, sauf qu'ici c'est compliqué", souligne Thierry Gauliris, membre du groupe Baster.
Ce que l'artiste aimerait, "c'est que l'on adapte ce principe de cachets à avoir au mois aux spécificités de La Réunion". "Là les intermittents sont obligés de jouer à droite et à gauche… mais même avec cela ce n'est pas suffisant", lance-t-il.
"Ce n'est pas une bonne situation pour la création musicale."
"La création ultramarine dans le domaine du spectacle vivant, et spécifiquement la création réunionnaise, souffre d’une très forte sous-représentativité sur le territoire national, liée à sa difficulté à se rendre visible. Les questions financières et logistiques ne sont pas les seules à mettre en cause dans ce déficit. Il existe encore un regard très ignorant de la part des structures culturelles hexagonales sur la réalité de la création réunionnaise", note Gilles Cailleau, directeur Le Séchoir. "On entend encore très souvent des professionnels s’étonner du professionnalisme, de la singularité d’une proposition pour peu qu’ils aient pu la voir."
- Et des artistes inaccessibles -
D'un côté il y a des salaires de misère et de l'autre des cachets exorbitants.
"Aujourd'hui avec l'inflation, l'effondrement du disque et le Covid les cachets des artistes se sont envolés", explique Nathalie Soler, directrice de la salle de spectacle du Port.
De ce fait, il devient de plus en plus difficile "d'avoir des têtes d'affiche abordables". D'autant plus que le portefeuille du public est en berne. "Le public, avec moins d'argent, choisit ce qu'il va aller voir et va parfois préférer voir des artistes qu'il connait plutôt que de découvrir des artistes qu'il ne connait pas."
"Ce qui pose un énorme problème au niveau de l'émergence" analyse-t-elle.
Pour les salles, c'est également difficile. "Parmi nos missions on veut accompagner les artistes mais parfois on est préoccupé car il est plus facile de remplir une salle avec des gens connus." Et encore, "nous n'avons pas forcément les moyens de s'offrir de grosses têtes d'affiche".
- "Il faut désenclaver La Réunion" -
Si le secteur de la culture est sous tension, c'est également en raison de l'éloignement. "Organiser un concert ici et dans l'Hexagone ça n'a rien à voir."
"Il faut pouvoir avoir un système d'aides pour que les artistes locaux puissent faire leur tournée – car tous n'y ont pas le droit – et des aides pour faire venir les artistes", souligne Nathalie Soler du Kabardock.
"En tant que diffuseur, il n'y pas suffisamment de prise en compte de l'éloignement pour les artistes", note Pascal Saint-Pierre, directeur du Bisik à Saint-Benoît. "Il y a des aides mais les budgets sont limités et tout le monde n'y a pas droit."
Un éloignement qui ne concerne pas seulement les déplacements entre l'île et le continent.
À Saint-Benoît, au Bisik, "on attend que soit fait un rééquilibrage culturel", souligne Pascal Saint-Pierre. "On attend une prise en compte des difficultés de cette région, avec une salle plus grande, moderne, adaptée."
"On a coutume de dire que l'Est c'est loin, mais pas plus loin que Saint-Paul pour un Bénédictin ou Saint-Pierre pour un habitant de Saint-Denis." "On a vraiment le sentiment d'être délaissés", confie Pascal Saint-Pierre.
Il le dit, "il faut trouver le moyen de désenclaver culturellement l'Est de La Réunion et La Réunion dans sa totalité".
Aussi, "afin de combler le handicap de l’éloignement, nous avons besoin d'un renforcements des soutiens financiers au fret transport de décor et matériel, ainsi qu'aux transports des équipes artistiques. Pour éviter que les seules créations “exportables” soient les moins ambitieuses en termes de scénographie, équipe etc", souligne le directeur du Séchoir.
Pour Vincent Maillot, co-directeur de la compagnie Cirquons Flex, "on attend déjà qu'elle vienne observer ce qu'il se passe, partager avec elle pourquoi on fait les choses et comment on les fait".
L'objectif également pour cette compagnie circassienne, c'est d'inciter le ministère à faire plus pour rendre la culture accessible à tous.
"Notre projet c'est de montrer une salle de spectacle itinérante et pour nous c'est un enjeu majeur à La Réunion comme ailleurs, créer des formats qui permettent de sortir des sanctuaires de la culture qui malheureusement sont fréquentés par une partie de la sociologie de notre pays", souligne Vincent Maillot.
"Faire en sorte de multiplier les formats hors les murs et se déplacer dans des endroits où justement il n'y a pas de lieu de culture." "Les artistes sont là pour enchanter la société, créer de l'émotion et pour nous l'humain est trop mis à l'écart dans les grandes salles."
"Il faut que les artistes reprennent leur place dans la société mais pour cela il y a peu de moyens alloués à cette partie", ajoute Vincent Maillot, co-directeur artistique de la compagnie Cirquons Flex.
Et pourtant, des moyens matériels, humains, techniques il en faut pour rendre la culture abordable partout et pour tous.
ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com
C'est celle qui avait accordé une interview au JDD... C'est tout dire! Vraiment rien à attendre d'elle!
Et oui, quand on est artiste à la Réunion on travaille pour du beurre. Les gens ne se rendent pas forcément compte du boulot que représente un spectacle, une chanson, un mixage, un montage, un mastering, etc.
Après il y a ceux qui prennent des raccourcis pour se faire connaître à tout prix, même si la qualité de l’œuvre n’est pas extraordinaire.
Pour les maires ... la culture ... c'est "physique" ... là on "place les gros bras" lol !!!