La demande d'asile des six pêcheurs tamoules arrivés à La Réunion ce dimanche 31 juillet 2022, est examinée ce mercredi par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Les six hommes ont accosté au port de la Pointe des Galets àbord d'un bateau de pêche sous pavillon sri-lankais. Ils ont notamment été réceptionnés par Médecins du Monde Océan Indien (MDM OI). Interrogée par Imaz Press, le docteur Dupont Emmanuelle, coordinatrice régionale de MDM OI, mobilisée au port dimanche, les pêcheurs "ont quitté le Sri-Lanka dans l'urgence. Ils étaient tous en short et sans chaussures, seul l'un d'entre eux avait un pull" (Photo rb/www.ipreunion.com)
"La mission principale de Médecins du Monde a été d'évaluer l'état de santé des réfugiés Sri-lankais", explique Emmanuelle Dupont. "Après 4.238 km dans une embarcation sommaire, ils étaient fatigués des conditions de leur voyage mais aussi soulagés et émus d'être arrivés", raconte la coordinatrice régionale de Médecins du Monde Océan Indien. "Ils sont partis dans l'urgence", assure-t-elle. Elle ajoute : "Ils étaient tous en short et sans chaussures, seul l'un d'entre eux avait un pull".
Pour remplir leur mission, l'organisation non gouvernementale les a accueillis, un à un, à bord de son véhicule d'intervention. Un interprète était présent pour les aider à traduire. "Nos équipes aussi étaient très émuse, nous avons fait au mieux pour les accueillir et évaluer leur état de santé", fait savoir Emmanuelle Dupont. "Après la consultation, ils sont retournés sur le bateau jusqu'à leur prise en charge par la police aux frontières", reprend la coordinatrice régionale.
Les six sri-lankais sont en zone d'attente à l'aéroport Roland Garros. Leur dossier est donc examinée ce mercredi. si leur demande d'asile en est acceptée ils pouront rester dans l'île. Si elle est refusée, ils devront retourner dans leur pays. Ce renvoi ne sera pas exécuté immédiatement si les pêcheurs engage un recours devant le tribunal administratif. Cette juridiction administrative aura alors 72 heures pour statuer.
- Une crise débutée en 2018 –
L'arrivée de ce bateau dimanche n'est pas sans précédent. Depuis 2018, six bateaux ont accosté sur notre île, avec un total de 356 sri-lankais ayant foulé le sol réunionnais. Là encore des demandes d'asile ont été faites, certaines acceptées, d'autres rejetées. Quelques dizaines de migrants ont finalement pu rester à La Réunion.
Le premier navire arrive en mars 2018, avec six Sri Lankais retrouvés au large de Saint-Gilles à bord d'un radeau de fortune. Ils entament ensuite une procédure de demande d’asile. Certains ont depuis regagné leur pays. En septembre 2018 la marine sri-lankaise arrête au large de la côte ouest du Sri-Lanka, 90 personnes qui voyageaient illégalement dans un chalutier à destination de l'île. En octobre 2018 à bord d’un bateau en relatif bon état, huit Sri-lankais sont interceptés. Le bateau aurait navigué plusieurs jours en pleine mer. Ils sont expulsés vers leur pays quelques jours plus tard.
Le 14 décembre 2018, 62 personnes, dont une dizaine de femmes et d'enfants, arrivent à bord d'un bateau de pêche. D'abord placés en zone d'attente, tous les migrants ont été remis en liberté par le tribunal au motif que leurs droits ne leur avaient pas été notifiés à leur arrivée dans l'île.
Le 4 février 2019, un bateau avec à son bord environ 70 personnes dont 5 enfants et 8 femmes, est intercepté au large à 5 kilomètres au large de la côte de la commune de Saint-Philippe. Le 14 février, 64 des 70 migrants sont expulsés de La Réunion et renvoyés dans leur pays à bord d'un avion spécialement affrété.
Le 13 avril 2019, à bord d'un bateau en mauvais état, 120 de personnes tentent d'accoster dans le port de Sainte-Rose. Elles sont interceptées. Parmi elles se trouvent trois ressortissants indonésiens soupconnées d'être des passeurs. 60 des 120 migrants seront ensuite expulsés vers leur pays. Les passeurs seront jugés le 15 mai par le tribunal correctionnel de Saint-Denis. Ils sont condamnés à des peines de prison allant de 12 à 18 mois de prison ferme pour "aide à l'entrée ou au séjour irrégulier en bande organisée". Ils feront appel mais finiront par se désister de leur requête. Leurs condamnations sont donc définitives.
- Soupçons de trafic d'êtres humains -
Autour des migrants, une traversée bien mystérieuse… Plus de 4.200 kilomètres séparent les deux îles, et entre elles, un océan qui n’est pas calme tous les jours. La question d'une filière criminelle s'est rapidement posée du côté des autorités. "Ce qui est certain, c’est qu’il y a manifestement des filières d’immigration illégales qui sont à l’œuvre, actives et de plus en plus actives depuis le mois de mars 2018. Elles organisent ces afflux" disait la préfecture fin 2018, interrogée par Imaz Press.
Pour la première fois en 2019, des hommes ont clairement été soupçonnés d’être des passeurs. Les trois marins indonésiens ont ainsi été déférés devant le tribunal de Champ Fleuri pour "aide à l'entrée ou au séjour irrégulier en bande organisée. et condamnés à des peines de prison allant de 12 à 18 mois de prison ferme.
Avant eux, identifier les passeurs ou les capitaines s’avérait très compliqué. Le doute planait pourtant autour d’un homme, et de sa famille pour le "Prashansa", bateau arrivé en février 2019. Une journaliste sri-lankaise du Daily Mirror, nous avait indiqué que ce Chaminda Kumara Fernando était soupçonné d’avoir volé l’embarcation à son propriétaire pour emmener sa famille et des dizaines de personnes à La Réunion. L’histoire en était restée là pour nous, l’homme avait été renvoyé en charter dans son pays natal.
- Le Sri Lanka, un pays en crise –
De nombreux conflits agitent le Sri-Lanka depuis plusieurs années, sur fond de persécutions contre les minorités. Mais ces dernières semaines, la situation s'est largement empirée, le pays étant en proie à la pire crise économique de l'histoire de l'île. Des semaines de coupures de courant et de graves pénuries de nourriture, de carburant et de produits pharmaceutiques ont plongé une grande partie des 22 millions d'habitants dans la misère.
La crise, due à la pandémie de Covid-19 qui a privée le pays de sa manne touristique, a été aggravée par une série de mauvaises décisions politiques. L'île, qui a fait défaut en avril sur sa dette étrangère de 51 milliards de dollars, n'a même plus assez de devises pour financer ses importations essentielles, et espère un plan de sauvetage du Fonds monétaire international (FMI).
De violentes manifestations ont agité le pays, se concluant sur l'invasion du palais présidentiel le 10 juillet dernier. Le Premier ministre Mahinda Rajapaksa et le Président Gotabaya Rajapaksa ont finalement démissionné, peu après de violentes attaques perpétrées par les partisans du premier contre des manifestants antigouvernementaux, ayant fait au moins 78 blessés. Dinesh Gunawardena et Ranil Wickremesinghe ont été désignés pour le remplacer.
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