Voilà une semaine que nos marmailles sont en vacances. Une semaine où, pour les parents, difficile de négocier avec des adolescents et des jeunes qui préfèrent rester enfermés que d'aller dehors. Enfermés pourquoi ? Face à l'essor des nouvelles technologies, des réseaux sociaux… nombreux sont ceux qui préfèrent passer des heures à "scroller" (faire défiler) les pages sur les réseaux, tandis que d'autres seront plus enclins à tapoter du clavier pour surfer ou jouer. Mais voilà, c'est les vacances, et le temps passé sur les écrans risque d'exploser… et cela, forcément, ce n'est pas bon pour leur santé (Photo : rb/www.imazpress.com)
Alors que certains parents seront au travail, ou occupés à autre chose… La tentation des écrans pour les plus jeunes est d'autant plus grande. Et même si les parents sont là, difficile parfois de réguler leur consommation.
Pendant la période des vacances, la crainte est encore plus grande. "Oui malheureusement certains parents qui travaillent rentrent tard, ne peuvent s'assurer que les jeunes enfants fassent d'autres activités que les écrans, téléphones, jeux vidéo, télé, ordinateurs…", indique Christine Lauret Brouhan, psychosomatothérapeute à Saint-Pierre.
"D'autres parents malheureusement – pour avoir leur propre sas de tranquillité ou s'affairer aux tâches quotidiennes vont utiliser ce moyen", ajoute-t-elle.
- Les enfants face au danger des écrans -
Passer des heures, des heures et des heures – sans même parfois (et souvent) se rendre compte de l'heure, sans faire de pause, sans même prendre le temps de manger (ou alors ils grignotent seulement), cela a forcément des effets néfastes sur la santé physique, comme psychologique.
En 2023, en France et selon les chiffres du gouvernement, 96% des enfants possèdent ou utilisent au moins un équipement numérique. Ils y passent, en moyenne, 1h19 par jour en semaine et 2h07 le week-end. Un chiffre qui augmente largement pendant les congés.
Une exposition qui peut avoir des effets néfastes pour la santé, a alerté l'Académie de médecine mercredi 8 février, notamment en raison de la lumière bleue "dont les effets délétères sur la rétine sont connus" et qui peut "endommager les photorécepteurs rétiniens" qui assurent "la vision fine, la lecture, l'écriture et la vision colorée", détaille l'institution.
Un constat, encore plus alarmant quand l'on sait que – selon une étude de Santé Publique France en 2022 - le temps d’exposition quotidien moyen à 1h pour les enfants de 2 ans, 1h20 à trois ans et demi et plus d’1h30 à cinq ans et demi.
De plus, "les enfants exposés aux écrans constamment, peuvent devenir addicts, car un réflexe s'installe dans leur quotidien", note la psychologue. "L'ennui amène les écrans, qui amènent le renfermement et par la suite la dévalorisation de soi." "Ils deviennent insociables, irritables, s'enferment dans une vie virtuelle et sont déconnectés de la réalité", ajoute la spécialiste.
Une utilisation des écrans qui d'ailleurs commence très tôt. Selon le rapport du Haut conseil de la santé publique datant de 2020, "l'exposition précoce aux écrans des très jeunes enfants, dès leurs premiers mois de vie, est une distraction qui pourrait avoir des conséquences sur leur développement cognitif et leur développement physique et modifiant leur comportement alimentaire vers une consommation d'aliments nocifs".
De manière générale, les risques sont les suivants :
- troubles des apprentissages
- risques en matière de surpoids et obésité
- troubles de la santé mentale et les conséquences sur les relations familiales et sociales
- troubles de la vision
- troubles du sommeil
- Écrans et sédentarité, attention danger ! -
Une spécialiste qui, dans son cabinet, suit très fréquemment des jeunes de 8 à 25 ans. "Je parle volontairement d'addiction. Pour eux, cela concerne notamment les jeux vidéo. Parfois même ils jouent toute la nuit et là ils n'ont plus de vie", alerte Christine Lauret Brouhan.
Des addictions dont il découle souvent des conflits. "Des conflits qui s'installent dans la famille car le jeune dort toute la journée et joue la nuit, ce qui amène aucune vie, des incompréhensions." Elle va même jusqu'à dire : "la tête est aux commandes dans les défis, jusqu'à perdre totalement la raison qui est utile pour le bon fonctionnement de l'être humain".
Le docteur David Mété, chef du service addictologie du CHU Nord suit également des personnes addicts aux écrans. "Nous avons dans nos structures d’addictologie des jeunes suivis pour addiction aux écrans, en général il s’agit de jeux vidéo. Ce sont plutôt des garçons." Il ajoute d'ailleurs que le trouble lié aux jeux vidéo est un trouble addictif reconnu par l’OMS depuis 2019.
Toutefois, du côté de l'Agence régionale de santé, on préfère parler d'exposition au risque plutôt que d'addiction. "La stratégie menée vise à accompagner au mieux les parents et leurs enfants en s’appuyant sur les professionnels de l’éducation des jeunes enfants et en prévention de comportements parentaux inadaptés."
"De nombreux professionnels de santé (libéraux, PMI, …) réunionnais soulignent l’augmentation du temps d’exposition aux écrans des jeunes enfants et ont pu remarquer la nécessité d’accompagner les familles et les enfants dans leur utilisation", ajoute l'ARS.
Dans le cabinet du Docteur Fatiha Belghomari, psychanalyste., "les jeunes que je reçois et qui sont dits "victimes" ou "addicts" des écrans sont en effet engrande souffrance et bien souvent il s’agit de jeunes qui n’ont trouvé que l’écran pour être un peu apaisé face aux angoisses qui les débordent. Ce peut être en particulier au moment du changement hormonal — ce temps de la puberté qu’on appelle l’adolescence — que des questions liées à la sexualité mais aussi à l’existence se posent de façon massive".
"Il s’agit ainsi de savoir si l’écran est un outil qui permet d’être en lien avec d’autres pour limiter les effets délétères que ces phénomènes produisent : avoir un ami en réseau est possible car on peut couper le lien puisque l’écran se passe de la présence des corps.
- Accompagner les parents dans l'usage des écrans -
Mais alors que la période de vacances scolaires vient à peine de commencer, avec la crainte que les jeunes ne passent leurs journées sur les écrans, quels conseils ?
Pour Christine Lauret Brouhan, psychologue à Saint-Pierre, les conseils à donner sont : "avoir ou créer des activités, ou alors se rapprocher des associations ou des communes qui peuvent proposer cela".
Et surtout, aux parents, "dès que vous observez un changement chez vos enfants, posez-vous avec eux, prenez le temps sans attendre de savoir pourquoi votre enfant se réfugie dans les écrans". Si besoin, "faites-vous aider par un professionnel".
Malheureusement, note le docteur David Mété, "l’interdiction des écrans semble peu réaliste dans le contexte actuel, sauf pour les très jeunes enfants (avant 2 à 3 ans selon les recommandations)."
"On peut conseiller de veiller à ce que les périodes d’exposition soit limitées dans le temps avec une variété des loisirs : sports extérieurs, jeux traditionnels, jeux de société, sorties en famille...", dit-il.
Par ailleurs, il préconise d'"appliquer la règle du pas d’écrans lors des repas en famille et pas dans la chambre la nuit".
"Dans certains cas, un suivi spécialisé sera nécessaire, notamment quand il existe une souffrance psychologique", conclut le chef du service addictologie.
De plus, Si les parents proposent des activités ou mettent à disposition d’autres objets que les écrans (des livres, des ballons,.. ) il n’y a pas de risques car les enfant peuvent se réguler dans la diversité et s’organiser pour avoir un temps avec les copains ; ils peuvent aussi aller au cinéma, avoir une activité sportive ou se retrouver pour parler simplement et refaire le monde...", indique Fatiha Belghomari, psychanalyste.
"Les parents gagneraient à maintenir le cadre qu’ils ont choisi." "C’est très difficile de ne pas céder", ajoute-t-elle.
- L'exposition des enfants aux écrans bientôt encadrée ? -
Des écrans et surtout leur utilisation, notamment chez les plus jeunes, qui amène à se poser la question de leur régulation. Les députés ont eu à examiner en mars dernier une proposition de loi visant à prévenir la surexposition des enfants aux écrans.
Déposé par des élus de la majorité, le texte vise à informer les parents des conséquences de ces comportements sur le développement de l'enfant. Il souhaite également mieux former les professionnels de la petite enfance à ce sujet.
Ainsi, la proposition de loi, via son article 1, vise à la mise en place d’une politique publique de prévention des risques liés aux écrans numériques pour la jeunesse, via une plateforme numérique d’information à destination des parents ; une meilleure formation des professionnels de santé, du secteur médico-social, et des professionnels de la petite enfance ; l’ajout de mentions spéciales sur les emballages d’ordinateurs, tablettes et téléphones portables pour alerter sur les dangers de la surexposition aux écrans ; et la limitation de l’utilisation des appareils électroniques dans les écoles et crèches. Les députés souhaitent également introduire ces messages de prévention dans les carnets de grossesse
Pour le docteur David Mété, "la régulation arrive malheureusement toujours un peu en retard. De nombreux jeux vidéo sont conçus pour être très addictifs (ex.Fortnite, LOL, etc). Certains pays ont adopté des mesures assez strictes comme la Chine qui ne paraissent pas compatibles avec les pays démocratiques. L’intégration obligatoire d’outils de contrôle parental semble être l’une des mesures efficaces…à condition qu’elle ne soit pas détournée par des jeunes qui s’y connaissent bien souvent mieux que leurs parents !"
"Le gouvernement en place aujourd'hui est accro à ces nouvelles technologies dont les écrans, tous les services sont désormais par internet et téléphone, les écrans remplacent les gens", note Christine Lauret Brouhan. La psychologue se demande donc "comment une loi pourrait changer quelque chose qu'ils mettent en place eux-mêmes".
"Les valeurs sont inculquées par la famille, les parents, alors commençons par les parents", conclut-elle.
Le rapport "Effets de l’exposition des enfants et des jeunes aux écrans" de 2020 du Haut conseil de la santé publique, met en avant des recommandations concernant les comportements sédentaires des enfants et des adolescents :
- limiter la durée quotidienne totale des activités sédentaires en période d’éveil
- limiter la durée de chaque activité sédentaire, pour ne pas dépasser 1h en continu pour les moins de 5 ans et 2h pour les 6-17 ans.
De son côté, l'Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA) conseille d'appliquer la règle du 3-6-9-12. Il s'agit là de ne pas exposer les enfants âgés entre 3 et 5 ans plus d'1h30 par jour aux écrans, et pas plus de deux heures pour les plus de six ans, en utilisant la règle du 3-6-9-12 du psychiatre Serge Tisseron : pas de télévision avant trois ans, pas de console de jeux avant six ans, pas d'Internet avant neuf ans et pas d'Internet seul avant 12 ans. Il est également conseillé de ne pas utiliser d'écran le matin pour éviter un manque d'attention sur la suite de la journée, notamment à l'école.
À noter que le gouvernement vient lui aussi de lancer, au début du mois de février 2023, un guide pour un meilleur usage des écrans pour les enfants.
Disponible sur la plateforme jeprotegemonenfant.gouv.fr, il reprend les recommandations du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) pour mieux gérer les usages numériques.
Il conseille d'utiliser l'écran pour un objectif précis avec un temps donné, de les éviter en mangeant ou le soir au moins une heure avant l'endormissement, de les ôter de la chambre ou encore d'éviter les outils numériques 3D pour les enfants âgés de moins de cinq ans.
Retrouvez plus d’informations et de conseils :
Sur la plateforme : www.jeprotegemonenfant.gouv.fr
Sur les sites internet de l’ARS :Parentalité numérique : éduquer les enfants à un usage raisonné des écrans | Agence régionale de santé La Réunion (sante.fr)
ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com