Le samedi 14 décembre 2024 à 7h00 (heure locale), le département de Mayotte passait en alerte violette cyclonique, le plus haut niveau d'alerte interdisant la circulation de l'ensemble des résidents du territoire ainsi que des secours. L'œil du cyclone Chido passait sur l'Île aux parfums, entraînant avec lui des vents dévastateurs à plus 220 km/h.
Ce cyclone, a été identifié, plus d'une semaine avant son passage, comme un événement d’une grande intensité dont la trajectoire avait de fortes probabilités d’atteindre Mayotte et l’archipel des Comores.
Malgré les prévisions, aucune anticipation de l’État face à ce phénomène d’une grande puissance, le plus puissant depuis près d'un siècle et dont les conséquences n'étaient pas si inattendues. Comme dans tous les territoires ultramarins, la gestion de crise et la coordination des secours sont confiées aux préfectures. À Mayotte Monsieur François-Xavier Bieuville, préfet en place depuis février 2024 a pris la parole dans les médias locaux dès le lendemain de la catastrophe.
Ses premières interventions télévisées sont significatives et nous alertent sur son impuissance à répondre au drame humain qui vient de s'écouler. Il parle de dizaines, centaines, milliers de morts. Une imprécision déconcertante.
Les réseaux routiers, d’eau potable et d'électricité, les équipements publics, hôpitaux, maisons de santé, écoles, collèges, lycées, les infrastructures vitales, sont gravemet endommagés, ce qui amplifie des crises sanitaires et du logement déjà critiques, ainsi qu’un accès aux services publics déjà fortement dégradé.
La gravité de la situation est telle que toute polémique stérile est à proscrire. Le moment doit être celui du secours et l’aide à une population en plein désarroi.
Et pourtant, des questions restent pendantes.
Alors même que les risques pour Mayotte étaient clairement identifiés, pourquoi n’a-t-on pas anticipé et doté dans l’urgence le préfet de Mayotte de moyens qui lui auraient permis, autant que possible, d’accompagner la mise en sécurité de la population et surtout une plus grande réactivité devant la détresse des populations ?
Pourquoi les services de l’armée, dont tout le monde connaît la grande capacité à gérer ces situations de crise, n'ont-ils pas été mobilisés au plus tôt et de façon plus massive?
Les réponses à ces questions devraient permettre, demain, de mieux adapter et renforcer nos dispositifs de sécurité face à des évènements dont nous savons tous qu’ils seront plus nombreux et plus violents.
Nous le savons, cette situation est aggravée par une immigration importante apportant son lot de complexité pour recenser les habitants des bangas, ces bidonvilles d'une immense vulnérabilité.
Pour Place Publique aucune question identitaire, aucune question de provenance ne peuvent se poser pour secourir, nourrir et loger. Le "coup de menton” de Monsieur Retailleau, Ministre de l’Intérieur démissionnaire, qui renvoie à d’autres gouvernements la responsabilité d’une telle situation et qui pose, sans fond, la nécessité d’une réforme des lois sur l’immigration, ne peut que jeter de l’huile sur le feu. Les réponses du président de République aux questions posées par les citoyens mahorais en détresse renvoient à un inconscient colonial qui renforce la perte de confiance des Mahorais au regard des capacités de la France à gérer les crises successives que connaît leur territoire et qui fragilisent depuis de nombreuses années le vivre-ensemble.
De manière évidente, les prises de position des plus hauts représentants de l’Étatconfirment une méconnaissance de la situation mahoraise et une tentative maladroite de minimisation des conséquences du cyclone. L’eau ne sera pas au rendez-vous, demain, dans chaque foyer et le relogement prendra beaucoup plus de temps qu'annoncé.
Au-delà des grandes déclarations, il est primordial, et ce, «quoi qu’il en coûte», de maîtriser le plus rapidement possible les situations de pénurie. L’importance et la rapidité de mise en œuvre des moyens et ressources doivent être à la hauteur de la complexité de cette phase et de son caractère historique.
Une gestion inefficace à Mayotte pourrait entraîner des flux migratoires légitimes et difficilement quantifiables, alimentant des tensions régionales et renforçant les positions extrémistes de rejet et de repli.
Par ailleurs, il est nécessaire, malgré le caractère d’urgence des secours et de la mise en sécurité des populations, que soit engagé, concomitamment et en parfaite coordination, le gigantesque chantier de reconstruction de Mayotte.
Il est essentiel que les réponses apportées dans l’urgence soient considérées comme temporaires sauf à ce qu’elles préservent ou qu’elles s’inscrivent dans une véritable stratégie claire et partagée par l’ensemble des collectivités concernées.
Il est urgent que l’ensemble des acteurs concernés par le devenir de Mayotte se mette en situation de définir la vision, les enjeux et les défis du “Mayotte d’après” et qu’en fonction de ces éléments, il soit possible, dans les délais les plus courts, de poser les bases de ce qui pourrait être le "Schéma de Reconstruction de Mayotte".
Celui-ci doit être à la hauteur des ambitions que la France doit avoir pour toute partie de son territoire. Il doit être un démonstrateur des valeurs de solidarité, d’égalité et de fraternité comme des volontés de sobriété foncière et de développement durable que porte la Loi Climat et Résilience.
C’est en mesurant la réalité de la solidarité nationale et la justesse des politiques publiques engagées, et en partageant la construction d’un avenir commun que Mayotte sera à même de sortir du chaos que le cyclone Chido, par sa violence, a révélé.
Nous attendons de l’État qu’il agisse avec détermination, sans "effet de manche" et "parti pris politique" pour éviter que cette crise ne devienne un désastre humanitaire à grande échelle.
Nous resterons vigilants sur le fait qu’une fois l’émotion retombée, Mayotte ne soit pas à nouveau invisibilisée et que les promesses d’une reconstruction vertueuse ne restent pas lettre morte.
Pour Place Publique Réunion
Quel bla-bla déversé... sur la place publique !