L'Assemblée nationale examine depuis le 19 janvier un projet de loi sur le Numérique. Huguette Bello est intervenue à la tribune de l'Hémicycle pour attirer l'attention du gouvernement sur la situation de ce secteur à la Réunion. Elle a ainsi demandé que l'arrivée de la 4G ne soit pas une fois de plus reportée.
Premier volet des deux textes consacrés au numérique, ce projet de loi vise à poser le cadre juridique, notamment en matière de protection des données personnelles et de lutte contre la fracture numérique, qui permettra à ce secteur de répondre à ses innombrables promesses.
Irriguant l’ensemble de la société et à l’origine de nouvelles configurations, le numérique est désormais un critère d’attractivité économique. Il est créateur de nouveaux métiers et de nombreux emplois, diffuse de nouveaux usages, modifie l’accès aux services publics, élargit la diffusion des connaissances. Les technologies numériques sont aussi devenues des outils essentiels à l’aménagement du territoire et peuvent devenir un facteur de cohésion territoriale.
Cette réalité, qui s’impose à tous, revêt un coefficient particulier pour les territoires insulaires dont la faible superficie et l’éloignement ont toujours été présentés comme des handicaps structurels à leur développement. Pour eux, le numérique représente aussi un puissant vecteur de désenclavement géographique. Ce qui suppose des investissements adaptés et des infrastructures performantes.
A cet égard, permettez-moi d’attirer l’attention du gouvernement sur le nouveau report de l’arrivée de la 4G à la Réunion. Alors qu’elle est presque partout présente et qu’elle est déployée en France hexagonale depuis 2012, cette technologie, qui est la clé du très haut débit mobile, ne devrait être disponible à la Réunion qu’à partir de 2017. La décision de l’ARCEP de retarder une fois encore l’attribution des licences 4G à la Réunion est d’autant plus mal ressentie que, sur le plan technique, rien ne s’oppose à un déploiement en 2016. Nous souhaitons donc que cette échéance puisse être respectée pour que la Réunion ne reste pas à l’écart des nouveaux services, des nouvelles applications et donc des nouveaux emplois que cette technologie permet de créer.
Le deuxième point concerne la souveraineté numérique. Défendue par le Ministre de l’économie (notamment lors de la vente de Dailymotion), cette notion n’a subi à ce jour, qu’une et une seule exception. À la Réunion, en effet, la souveraineté numérique n’a pas été considérée comme un principe incontournable au moment des opérations de revente qui ont suivi la fusion SFR-Numéricable. De manière paradoxale, la première et unique entorse à ce principe a eu lieu dans la seule région française qui compte un opérateur local (Zeop), pionnier et leader de la fibre optique dans l’île.
Rappeler ce point est indispensable pour éviter d’aggraver les délocalisations en termes d’emplois et d’activités, de formations et d’expertises, de recherches et de développement. Il est déraisonnable, dans un territoire miné par le chômage, que l’engagement des opérateurs de créer des emplois locaux ne soit pas un critère de choix.
Pour la Réunion, la continuité territoriale numérique est un enjeu majeur. Avec ces technologies, les chances sont réelles de passer de la logique du rattrapage à celle du développement. D’où notre ambition de devenir un territoire doté de l’internet le plus performant et parmi les moins chers du monde.
Le déploiement du très haut débit fixe s’est accéléré depuis que, après Zeop, les deux opérateurs historiques se sont à leur tour engagés. Il s’agit désormais de mutualiser les investissements pour garantir la couverture de l’ensemble de l’île ainsi que le préconisent l’ARCEP et la Mission Très Haut débit. La convention- type prévue à cet effet entre les opérateurs, l’État et les collectivités ne peut donc en aucun cas devenir facultative, au risque de conduire à une situation d’anarchie telle qu’elle commence à se profiler à la Réunion.
Mettre à disposition des Réunionnais un internet moins cher renvoie à la question du coût de la desserte internationale. La croissance exponentielle des besoins en débits, la nécessité de diminuer sensiblement les surcoûts de la bande passante mais aussi l’obsolescence des infrastructures actuelles rendent indispensables la construction d’un nouveau câble sous-marin de télécommunication pour relier la Réunion au reste du monde.
En dépit de ce constat unanime, aucune proposition n’a suivi l’abandon du projet de serveur de cache présenté sinon comme une alternative à la construction d’un nouveau câble, du moins comme une étape avant sa mise en œuvre.
Aucune amélioration n’a non plus été enregistrée, depuis l’avis rendu en avril 2014 par l’Autorité de la concurrence qui jugeait insuffisante la concurrence dans la gestion des câbles sous-marins de la zone Réunion-Mayotte.
Ces infrastructures sont pourtant décisives, tant pour la sécurité des flux que pour la diminution du coût des accès internet. C’est pourquoi, les propositions de la mission Très Haut Débit méritent d’être présentées rapidement. De même, la France ayant connaissance ou étant associée à la réflexion quant aux différents projets en cours dans notre environnement géographique, une communication du gouvernement à ce sujet serait très appréciée.
Nous approuvons l’essentiel des dispositions du présent projet de loi. Mais, elles ne trouveront à la Réunion leur pleine application et leur totale efficacité si et seulement si l’égalité numérique ne reste pas virtuelle.
Huguette Bello