Ce mardi 22 novembre 2022, trois organisations syndicales de magistrats et deux organisations syndicales des personnels de greffe appellent à la grève devant le tribunal de Saint-Denis à 14 heures. Manque d'effectifs, manque de temps... Tous dénoncent les conditions de travail dans lesquels ils doivent exercer. Nous sommes en direct. (Photo photop RB imazpress )
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Des magistrats trop peu nombreux pour la population
« Derrière nos procédures il y a des justiciables qui ont des attentes » dit Sylvaine Schumacher, vice procureure au tribunal de Saint-Pierre. "Le nombre de magistrats est insuffisant au regard du bassin de population" ajoute-t-elle.
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Une situation dégradée partout en France
"La situation dans les tribunaux à La Réunion, comme partout en France, est extrêmement dégradée" dénonce Bérangère Prud’homme, procureure adjointe à Saint-Denis
"Le budget est en hausse, mais on part de très très loin" souligne-t-elle.
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Les avocats aussi mobilisés
"Nous nous associons à tous les fonctionnaires, ce n'est pas la première fois que nous nous réunissions sur le sujet" rappelle Laurent Payen, bâtonnier
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Les professionnels de justice se mobilisent
Rassemblés devant le tribunal Champ Fleuri, les magistrats et greffiers dénoncent des conditions de travail dégradées, et un accès à la justice difficile pour la population
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"Nous voulons des moyens matériels et humains"
"Nous faisons suite, un an plus tard, au mouvement enclenché par la tribune dite des 3.000 et attendons toujours des mesures concrètes et non des simples annonces et des solutions à très courts termes (recrutements de contractuels)", déclare Jasmine Hoefler, directrice régionale du syndicat de la magistrature.
"Les attentes bien légitimes que l’on met dans la justice ne font que s’accentuer, les délais ne font que s’allonger et l’usure des personnels tant magistrats que greffes est réelle et se traduit par une souffrance au travail toujours plus vive", ajout-t-elle. "Le décès de notre collègue Charlotte, la tentative de suicide d’un greffier à Mayotte, le décès d’une de nos collègues à l’audience en sont l’illustration."
Ce que souhaite le syndicat, c'est de "réels moyens matériels et humains qui nous permettront de rendre une justice de qualité dans des conditions de travail décentes".
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Bonjour à tous
Bonjour à tous et merci de nous retrouver pour ce live dédié à la mobilisation nationale des syndicats de magistrats et de greffe.
À propos
Il y a de cela un an, dans un contexte de lancement des états généraux de la justice, ces mêmes syndicats nationaux et locaux avaient signé une tribune dite « des 3.000 ». Cette tribune montrait le profond malaise que vivent les magistrats et les greffiers. Quand il paraît dans Le Monde le 23 novembre 2021, ce "cri du coeur" affiche plus de 3.000 signataires, puis près du double en quelques semaines, soit les deux tiers des magistrats.
"Nous sommes finalement confrontés à un dilemme intenable: juger vite mais mal, ou juger bien mais dans des délais inacceptables", alertaient neuf jeunes juges et parquetiers dans cet appel co-écrit lors de "réunions Zoom" après le suicide de leur collègue Charlotte, 29 ans, magistrate à la cour d'appel de Douai.
Ce succès aussi fulgurant qu'inédit au sein d'une profession peu encline à s'exprimer à haute voix a "stupéfait", en premier lieu, les co-auteurs de la tribune.
"On était content entre guillemets et en même temps, c'est assez violent de se rendre compte que cette souffrance éthique qu'on dénonçait dans notre métier était largement partagée par nos collègues", déclare à l'AFP l'une des rédactrices, Bérangère Théry, substitut à Tours.
La tribune décrit ces audiences civiles où les juges n'ont "que sept minutes" pour écouter des personnes surendettées, ces audiences pénales surchargées où il faut "choisir entre juger à minuit" ou renvoyer le dossier à un an plus tard, une "perte de sens" et même une "honte" de cette "justice maltraitante" pour les citoyens et ceux qui la rendent.
"Parce qu'il y a eu ce texte-là, certains collègues ont osé dire je suis à bout. Cela a créé une libération de la parole", renchérit Clara Lanoës, juge à Arras.
Sur les réseaux sociaux, une multitude de récits exprimant la "désespérance" de magistrats et greffiers affluent alors sous le mot-clé "Justice malade". Dans une sorte d'"union sacrée", la hiérarchie judiciaire partage le constat d'une "justice exsangue".
Malheureusement, rien n’a avancé, rien n’a bougé. Leurs conditions de travail restent les mêmes.
« On dénonce les conditions dans lesquelles on nous oblige, encore et toujours, à rendre une justice qui ne peut être de qualité et ce, au détriment de notre santé et de l’intérêt des justiciables qui ont droit, tout comme nous, à ce que l’on traite leurs situations avec attention, humanité et célérité », a déclaré le groupement syndical.
Lire aussi - Appel à la grève des syndicats de magistrats et de greffiers ce mardi - La justice « en berne » -Un manque d’effectifs et des conditions déplorables que l’Unsa service judiciaire avait déjà mis en avant. « La justice en manque de bras et de temps », tel était le titre de l’un de nos articles écrit à l’occasion d’une rencontre avec le secrétaire générale de l’Unsa. Nous étions le 4 octobre 2022.
À ce moment-là, les points qui faisaient défaut et pour lesquels les professionnels tiraient la sonnette d’alarme étaient : le manque d’effectifs de greffiers et de magistrats. Une absence qui crée un véritable engorgement des tribunaux et un retard dans les dossiers.
« Ce manque d’effectifs allonge les délais », indique Hervé Bonglet, secrétaire général de Unsa service judiciaire. Côté pénal, certains dossiers sont traités plus de 10 ans après les faits. « Cela pose la question du délai raisonnable tel que le prévoit la convention européenne des Droits de l’homme », soulignait Jean-Jacques Morel, avocat au barreau de Saint-Denis.
- Des annonces pour cacher la misère -Pourtant, les annonces du ministère de la Justice évoquant une hausse du budget ne manquent pas depuis 2021. Tout devrait fonctionner correctement, puisque le budget du Ministère de la justice marque une hausse de 8% pour les services judiciaires. Malheureusement la réalité est toute autre. « Toute personne qui a posé un pied en juridiction cette dernière année sait que cela est faux », déclare le syndicat national.
« La réalité du terrain, ce sont toujours des audiences surchargées qui se terminent trop souvent au milieu de la nuit, des délais au-delà du raisonnable, des jugements non expliqués, des décisions exécutées plusieurs mois – voire années – après", ajoute le groupement de syndicats.
Aux conditions déplorables s'ajoutent des tribunaux dont l'état laisse à désirer et un personnel en souffrance. « Ce sont toujours des tribunaux vétustes et des logiciels des années 90. Ce sont toujours des magistrats qui, en dépit des attaques à leur indépendance, renoncent à leurs congés et à leurs formations pour rédiger leurs décisions, des greffiers et fonctionnaires, relégués ou précarisés, qui renoncent à se faire payer leurs heures supplémentaires et des avocats contraints d’assister les citoyens dans un service public dégradé qu’ils subissent également », indiquent les syndicats.
Si des recrutements de magistrats et de fonctionnaires de greffe sont prévus pour 2023, ils sont largement insuffisants. À La Réunion, il faudrait entre 20 et 30 greffiers pour « donner un coup d’oxygène à cette juridiction », avait déclaré Hervé Bonglet, secrétaire général de Unsa service judiciaire. Concernant les magistrats, selon le Bâtonnier Laurent Payen, il faudrait au moins 10 magistrats supplémentaires pour « pouvoir assurer un turn-over efficace ».
A l'initiative du garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, les chefs de juridictions ont évalué à "4.991" les postes à créer pour que la justice fonctionne, rappelle Kim Reuflet, présidente du Syndicat de la magistrature. Pour l’heure, la France compte 22.000 personnels de greffe, alors qu’elle devrait en compter 39.000.
Lire aussi - Journée d'action de magistrats, avocats et greffiers contre "une justice au rabais" www.imazpress.com avec AFP/redac@ipreunion.com