Justice

Pénurie de magistrats et de greffiers à La Réunion : la justice en manque de bras et de temps

  • Publié le 5 octobre 2022 à 08:06
  • Actualisé le 5 octobre 2022 à 09:39

À compter de ce mardi 4 octobre 2022, le secrétaire général de l’Unsa service judiciaire est à La Réunion pour une visite de quinze jours. Objectif : rencontrer les personnels des tribunaux et faire remonter les difficultés à l’administration centrale à Paris. Et des difficultés, il y en a. Manque d’effectifs, manque de moyens, les services judiciaires suffoquent.

Manque d’effectifs, de greffiers et de magistrats… Cette absence crée un véritable engorgement des tribunaux et du retard dans les dossiers. Pour Laurent Payen, bâtonnier de l’Ordre de Saint-Denis, « même si on est pas mal loti, le nombre de magistrats est insuffisant pour faire face à la demande des justiciables ».

Les tribunaux ont besoin de magistrats et de greffiers. Le greffier étant le seul qui atteste des actes et signe les jugements aux côtés du magistrat. C’est lui le garant de la procédure.

Là où cette absence se fait le plus ressentir, c’est d’ailleurs au niveau des affaires familiales. « En matière d’affaires familiales c’est quasiment paralysé », souligne le Bâtonnier. Il ajoute, « on peut même parler d’engorgement selon les contentieux ».

Une personne qui souhaite divorcer risque d’attendre des mois. Pas forcément simple quand les histoires familiales sont compliquées.

« Ce manque d’effectifs allonge les délais », indique Hervé Bonglet, secrétaire général de Unsa service judiciaire.  Côté pénal, certains dossiers sont traités plus de 10 ans après les faits. « Cela pose la question du délai raisonnable tel que le prévoit la convention européenne des Droits de l’homme », souligne Jean-Jacques Morel, avocat au barreau de Saint-Denis.

Un manque de moyens qui impacte également les conditions de travail du personnel des tribunaux. « Il y a une réelle sinistrose. Les gens sont en difficultés ».

Pour Hervé Bonglet, il faudrait entre 20 et 30 greffiers pour « donner un coup d’oxygène à cette juridiction ». Concernant les magistrats, selon le Bâtonnier Laurent Payen, il faudrait au moins 10 magistrats supplémentaires pour « pouvoir assurer un turn-over efficace ». Écoutez-le :

https://www.youtube.com/watch?v=QKX9tFMCT8U

Toutefois, Jean-Jacques Morel salue l’implication des personnels qui « malgré le manque de moyens, sont très impliqués pour faire face ». « Tout le monde s’y met, les greffiers font leur maximum, les juges essaient d’être diligents et les avocats essaient de raccourcir les délais afin d’éviter trop de renvois ».

- La Réunion, mauvais élève -

À La Réunion, si le manque de moyens est criant, difficile pour l’heure de le chiffrer. Ce que l’on sait seulement, c’est qu’au niveau national, « on est à 7 à 8% de manque d’effectifs en parlant standard français », explique Hervé Bonglet, secrétaire général de l’Unsa.

La France comme La Réunion est d’ailleurs qualifiée de mauvais élèves. « Si on se basait sur le standard européen on serait beaucoup plus en manque de personne », ajoute le représentant syndical. « On est à 1,7 fois moins de personnels par rapport aux tribunaux d’Allemagne, d’Italie ou encore d’Espagne », ajoute-t-il.

Pour l’heure, la France compte 22.000 personnels de greffe, alors qu’elle devrait en compter 39.000.

Écoutez Hervé Bonglet :

https://www.youtube.com/watch?v=NSo-mHBTjBo

- Un budget en hausse mais des effectifs en berne -

Pourtant, tout devrait fonctionner correctement, puisque le budget du Ministère de la justice marque une hausse de 8% pour les services judiciaires. « C’est même la troisième année consécutive qu’on note une hausse », précise Hervé Bonglet. « Cependant, on part de tellement loin que cette problématique va mettre plus de temps à se rattraper », indique-t-il. Comme l’explique le représentant syndical, « il faut du temps pour recruter des gens ». Écoutez :

https://www.youtube.com/watch?v=Eoun8XbjUwc

Toutefois, ce qu’aimerait l’Unsa service judiciaire, c’est que le Ministère revalorise certains métiers sous-évalués. « On veut une vraie réforme statutaire, notamment par rapport aux missions que le greffier effectue », note Hervé Bonglet.

Pour le Bâtonnier Laurent Payen, « il faudrait que l’État fasse des efforts supplémentaires pour allouer des moyens ».

Pour Maître Jean-Jacques Morel, « on a des progrès à faire, on n’a pas à rougir de notre justice, même si l’on prend l’eau sur certains sujets, notamment sur les délais raisonnables ».

Une fois ces doléances récoltées, Hervé Bonglet, secrétaire générale de l’Unsa service judiciaire a une mission : faire remonter les difficultés au Garde des Sceaux. « On espère que certaines décisions seront prises rapidement », conclut-il.

ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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