Une Réunionnaise parmi les victimes

Accident du TGV Est : la SNCF reconnue coupable d'homicides et blessures involontaires

  • Publié le 11 octobre 2024 à 10:59
  • Actualisé le 11 octobre 2024 à 12:06

La SNCF a été condamnée jeudi à une amende de 400.000 euros par le tribunal correctionnel de Paris pour son rôle dans l'accident du TGV Est qui a causé la mort de 11 personnes et fait 42 blessés lors d'essais le 14 novembre 2015 à Eckwersheim (Bas-Rhin). Parmi les onze victimes, Fanny Mary, la fille de Christine Dujardin, est elle aussi morte dans cet accident. Elle avait 25 ans et était étudiante.

C'est au matin du 14 novembre 2015, que Christine qui habite à La Réunion, s’inquiète pour sa fille, qui vit à Paris avec son compagnon. Fanny appelle sa mère pour la rassurer. "Ne t’inquiète pas maman, on n'est pas dans un lieu public. On est dans un train pour son travail. On est juste avec quelques collègues", à confié la mère à France Info.

La jeune femme se trouve dans la rame 744.  À 14h28, le train d’essais quitte la voie 4 en gare de Meuse TGV. Direction Strasbourg. L’arrivée est prévue à 15h17. Mais le train ne parviendra pas jusque-là. A 15 heures 04 minutes et 42 secondes, le TGV déraille en amont d’un pont sur la commune d’Eckwersheim, à vingt kilomètres de la capitale alsacienne.

Pour Christine Dujardin, Fanny ne connaissait pas ces conditions exceptionnelles de circulation. "Ma fille ne savait pas qu’il n’y avait pas de système de freinage automatique", se désole-t-elle. Et pour Arthur, le frère de Fanny, la vitesse ne résout pas la question de la responsabilité : "On ne va pas accuser et condamner 'la vitesse'. Ça déplace seulement la question : pourquoi cette vitesse excessive ?"

- La SNCF reconnu coupable -

La SNCF, comme cinq des six prévenus, a été reconnue coupable d'"homicides et blessures involontaires par maladresse, imprudence, négligence ou manquement à une obligation de sécurité".

"La SNCF va étudier tranquillement le jugement dès qu'elle l'aura en sa possession et prendra une décision sur la suite de la procédure", a indiqué à la sortie de l'audience, Emmanuel Marsigny, avocat de la compagnie ferroviaire.

La société d'ingénierie Systra, chargée des essais, qui "porte la responsabilité la plus importante" dans l'accident, a été condamnée quant à elle à une amende de 225.000 euros.

SNCF Réseau (chargée de la gestion des voies) a été condamné à une amende de 150.000 euros.

Le conducteur du TGV accidenté, Denis T. - absent à l'audience -, a été condamné à 7 mois de prison avec sursis tandis que son collègue Francis L. - également absent à l'audience -, qui était chargé de lui donner les consignes de freinage, a écopé d'une peine de 15 mois de prison avec sursis.

Seule personne physique présente à l'audience, Philippe B., un agent de Systra chargé de signaler au conducteur les particularités de la voie, a été pour sa part relaxé. "Je suis soulagé", a-t-il confié.

Les peines concernant Denis T. et Francis L. sont un peu inférieures aux réquisitions du ministère public, qui avait demandé respectivement un an et deux ans de prison avec sursis à leur encontre.

La présidente de la 31e chambre correctionnelle a pris le temps de lire pendant près de trois heures les motivations du tribunal avant d'annoncer le quantum des peines pour chacun des prévenus.

Lors du procès, au printemps, le parquet avait dénoncé "un aveuglement collectif" dans la conduite des essais en survitesse et une série de décisions "absurdes". Le tribunal lui a largement donné raison en soulignant que si un seul des prévenus n'avait pas failli à ses obligations, l'accident ne se serait jamais produit.

"Si le programme initial avait été respecté, l’accident ne serait jamais intervenu", a résumé la présidente de la 31e chambre.

La SNCF, Systra et SNCF Réseau n'ont pas correctement évalué les risques des essais en survitesse, a estimé le tribunal.

- Déni systématique -

"Le but n'est pas d'obtenir des grosses condamnations. Le but, c'est que soit actée l'importance des fautes, la gravité de l'accident. Et sur ce point je pense que nous pouvons être satisfaits", a réagi Gérard Chemla, avocat d'une cinquantaine de parties civiles, à la sortie de l'audience.

Durant les neuf semaines de procès, les mis en cause n'ont cessé de se renvoyer la faute, sans reconnaître leur propre responsabilité. "On a été mauvais", a concédé durant l'audience le représentant de la SNCF. Avant d'ajouter aussitôt: "Mais pas mauvais sur tout."

Ce déni systématique a souvent exaspéré endeuillés et rescapés. Beaucoup étaient présents jeudi dans la salle d'audience pour entendre le jugement.

Le TGV, qui effectuait des tests sur l'ultime portion de la ligne à grande vitesse (LGV) Paris-Strasbourg avant son ouverture au public, a abordé une courbe à 265 km/h, très largement plus que les 176 km/h prévus à cet endroit, en raison d'un point de freinage trop tardif.

Il a déraillé, heurtant le parapet du pont au-dessus du canal de la Marne au Rhin à la hauteur d'Eckwersheim, à 20 km de Strasbourg, à une vitesse estimée de 243 km/h.

L'enquête a établi que ni le matériel ni la voie ne pouvaient être mis en cause pour expliquer le déraillement du TGV qui transportait 53 personnes, dont 35 "invités".

Cet accident, qui demeure la pire catastrophe de l'histoire du TGV, a été longtemps occulté par les attentats du 13-Novembre, commis la veille en région parisienne.

AFP

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