Les eaux sud-africaines de la baie de Sodwana (KwaZulu-Natal), au Nord de Durban, sur le canal de Mozambique, un "spot" réputé pour ses récifs, raies mantas, tortues et requins, abritent depuis le 5 avril dernier et jusqu'au 15 mai, une expédition scientifique organisée par le biologiste marin Laurent Ballesta - avec le concours du Muséum national d'Histoire naturelle, du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et du South African Institute for Aquatic Biodiversity - dont la vocation est d'observer dans son élément, sur le site des grottes de Jesser Canyon, par 120 mètres de fond, le comportement du plus célèbre des poissons, considéré comme un fossile vivant, le coelacanthe, ou gombessa en zoulou...
Célèbre, le coelacanthe est plus connu es qualité de fossile, qu'en tant qu'espèce vivante… De fait il conserve tout son mystère, tout son potentiel de fascination, témoin vivant du passage des poissons aux premiers vertébrés terrestres, avec ses nageoires - proto-pattes - dites pédonculées et son poumon primitif…
Pour réussir dans une entreprise, inédite, rendue dangereuse par la pratique répétée de plongées profondes, les partenaires de Laurent Ballesta, plongeurs expérimentés comme lui-même, mettront en œuvre des protocoles d'observation strictement scientifiques mis au point et programmés par les chercheurs français, sous la houlette du paléontologue Gaël Clément et leurs homologues sud-africains, les biologistes Kerry Sink et Angus Paterson. Laurent Ballesta s'est fait connaître pour avoir photographié la première rencontre entre l'Homme (plongeur) et le cœlacanthe, en 2010, à - 200 mètres, quelques années après les films tournés depuis un sous-marin, aux Comores, par les chercheurs Hans Fricke, de l'Institut Max-Planck de Seewiesen (Allemagne), et Raphaël Plante, du Centre d'océanologie de Marseille.
Quant à son sujet, le cœlacanthe, poisson vedette s'il en est, rare survivant de l'extinction de masse qui a succédé au Dévonien, il a défrayé la chronique, en 1938, en se révélant à l'homo sapiens sapiens qui le croyait disparu depuis des millions d'années. Baptisé Latimeria chalumnae par l’ichtyologue James Leonard Brierley Smith, qui sut reconnaître en lui un membre des Crossoptérygiens, qui comme chacun sait, sont des poissons à "nageoires frangées", le cœlacanthe est resté discret jusqu'à ce qu'un pêcheur comorien en remonte un exemplaire au bout d'une ligne de fond - la pêche au mazé - en 1952, dans les eaux anjouanaises…
Fossile vivant, qualifié de "taxon Lazare", le cœlacanthe a été victime de la curiosité scientifique, recherché par les musées désireux d'enrichir leurs collections, sujet d'un véritable business en Europe et en Asie. De fait on trouve des cœlacanthes plus ou moins bien conservés aux quatre coins du monde… Au premier étage du Muséum d'histoire naturelle de Saint-Denis on peut d'ailleurs observer un moulage de cœlacanthe en provenance du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris.
Les Comores sont devenues la patrie du cœlacanthe, faisant de cet animal extraordinaire,qui fut contemporain des dinosaures, l'un des emblèmes de l'archipel, figuré sur des timbres et même frappé sur des pièces commémoratives.
De 1952 à nos jours plus de 200 individus ont été prélevés, volontairement ou pas, suscitant des inquiétudes sur la pérennité de l'espèce qui a été placée sur la Liste rouge de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature comme "en danger extrême". Soucieux de préserver cet antique habitant des grands fonds, les pêcheurs comoriens et les autorités de l'archipel ont décidé d'en sanctuariser les zones de vie et d'en interdire la pêche. L’Association de Préservation du Gombessa a été constituée en 1997, qui a conduit en 2011 à la création du Centre d’Information, d’Education, de Valorisation et de Conservation du cœlacanthe et son environnement marin des Comores. Une heureuse initiative, car on sait depuis 2008 et les travaux de comptage in situ du Max Plank Institute, que la population des coelacanthes comoriens est d'environ 500 individus…
Pourquoi donc aller observer le cœlacanthe en baie de Sodwana ? Tout bêtement parce qu'en dépit d'une profondeur moyenne de 100 à 120 mètres, les grottes dans lesquelles il séjourne sont plus accessibles que celles des Comores, situées aux alentours de 200 mètres de fond… Et si d'autres populations ont été identifiées en Tanzanie, Madagascar et en Indonésie (1997), le site de de Jesser Canyon présente l'avantage d'être sur le territoire des chercheurs sud-africains qui s'intéressent à l'éthologie de l'espèce ; quant aux scientifiques français, c'est à la généalogie du cœlacanthe, à sa rôle dans l'évolution d'un mode vie marin à un mode de vie terrestre qu'ils s'attachent.
Pour le grand public, la chaîne Arte qui accompagne l'expédition, prépare un magazine de 90 minutes en partenariat avec le sponsor officiel du Projet Gombessa, la marque des montre Blancpain, avec l'assistance du muséum national d’Histoire naturelle de paris, du CNRS et de la Région languedoc-Roussillon.
Le site de l'expédition : www.coelacanthe-projet-gombessa.com
www.ipreunion.com