Convention canne

Les dessous d'une négociation explosive

  • Publié le 7 juillet 2017 à 10:00

À quel type de journée les automobilistes doivent-ils s'attendre ce vendredi 6 juillet 2017 ? Une question digne de l'épreuve de philosophie du bac 2017 dont l'Académie vient de publier les résultats à La Réunion.

Une nouvelle réunion de négociations du comité du paritaire de la canne et du sucre (CPCS) doit logiquement se tenir ce vendredi entre les représentants des planteurs et Téréos. On ignore encore l'horaire. Une part de flou en partie liée au changement de stratégie des syndicats, intervenu ce jeudi 5 juillet. Avec encore des perturbations routières -le blocage du Barachois par deux tracteurs et des opérations escargot à Saint-Pierre et à Saint-Louis,- mais surtout avec une montée en pression autour des sites de production liés à la filière cannière et sucrière.

Une quinzaine de véhicules agricoles et une centaine de professionnels bloquaient l’accès à l’usine et à la centrale du Gol. Des perturbations reconduites ce vendredi assure l'un des coordonnateurs de ces initiatives musclées, sous couvert de l’anonymat. "Plus aucun employé n’a pu rentrer. Les camions de livraison de matière première n’ont pu accéder aux sites", ajoute-t-il. Les employés de la Chambre d’agriculture, à Saint-Denis comme à Saint-Pierre, évacuaient leurs locaux sur ordre des manifestants.

Opérations similaires à la Direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DAAF), à la Société d'aménagement de périmètres hydroagricoles de l’île de la Réunion (SAPHIR) et au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD). D’autres agriculteurs demandaient également aux magasins agricoles de fermer en guise de soutien. Autre événement notable, dans la matinée, la nouvelle proposition de l’usinier sur la revalorisation du prix de base de la tonne de canne, de 2,50 €. Une information entourée du plus grand secret.

- Capacité de mobilisation -

L’un des représentants de l’autre partie refusait immédiatement cette avancée dévoilée au moment où une délégation d’agriculteurs s’entretenait avec les membres de la Confédération générale du Travail de La Réunion (CGTR), toutes fédérations confondues. Deux d’entre elles : la CGTR ports et docks et du bâtiment et travaux publics (BTP) démontraient par le passé leur capacité de mobilisation lors des multiples conflits sociaux. Un renfort de poids. Tout comme celui des transporteurs.

Ils menacent, eux, de passer à l’action ce lundi 10 juillet en cas d’échec des tractations avec l’industriel. On connaît les facultés de la FNTR de Jean-Bernard Caroupaye, de l’UNOSTRA de Johnny Arnachallum et de la STOI de Joël Mongin, sans oublier celles de la SRTT avec Hubert Poinapin, quand il s’agit de mobiliser les troupes. Ils souhaitent la reprise rapide de l’activité économique. Et espèrent que le futur CPCS sera plus constructif que celui du mercredi 5 juillet.

Les discussions démarraient à 9 heures du matin pour se terminer à 19 h 30, sans solution satisfaisante pour les deux parties. Avec au bout de l’entretien, une impasse comme le confie une source proche du dossier à Imaz Press Réunion. En milieu d’après-midi, après de longs échanges, tous les espoirs étaient pourtant permis. L’augmentation du prix de base de 3 € semblait en effet actée. Mais suite à un débat fleuve, Téréos parvenait à renverser le rapport de force en baissant son offre à 1,90 €.

Insuffisant pour le camp d’en face, toujours désireux d’atteindre les 6 €. L’un des griefs des planteurs concerne d’ailleurs les 28 millions d’euros octroyés par l’État à Téréos afin de compenser la perte de compétitivité de la canne. "Ces 28 millions devaient bénéficier à toute la filière. Et même si, l’industriel dit le contraire, il n’y a que lui qui en bénéficie", glisse un fin connaisseur de cette convention canne toujours non signée.

- "Faire l'objet de poursuite" -

Qui sait ? Les planteurs signeront peut-être un accord si la hausse du prix de base atteint ou dépasse les 3 €. Sans oublier l’aide supplémentaire à la replantation détaillée par le conseil départemental. "Les troupes sont fatiguées. Certains demandent à leurs représentants une augmentation minimum de 3 euros avec une revalorisation du prix de la tonne tous les trois ans", glisse la même source. Le nouveau préfet, Amaury de Saint-Quentin, prendra, lui, ses fonctions ce lundi.

Ce jeudi, la préfectue envoyait un communiqué afin de lancer un appel au calme et prévenir les troubles graves à l’ordre public et appelle à la responsabilité. "Tout débordement et toute tentative de déstabilisation des négociations sont contraires à la nécessaire sérénité des débats. Tout acte répréhensible est susceptible de faire l’objet de poursuite." Une autre source, rompue à ce type de négociations, craint une sortie de crise défavorable aux professionnels de la terre.

"Si ça n'évolue pas, le préfet va se baser sur le dossier déposé par Téréos pour avoir les 28 millions d’euros et sur le prix proposé aux dernières négociations entre planteurs et usinier. Mais il va aussi prendre en compte l’atmosphère actuelle et peut menacer les planteurs d’assignations judiciaires s’ils continuent leurs actions. Téréos risque d’en profiter pour dire aux agriculteurs : on ne met plus rien sur la table. On a déjà proposé le maximum."

Si rien n'avance d'ici lundi, l’ancien préfet de Guadeloupe va sans doute vivre un drôle de baptême du feu au milieu des planteurs, des transporteurs, des dockers, ou des travailleurs du BTP. Bienvenue sur l’île intense Monsieur le préfet !

ts/rb/www.ipreunion.com
 

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