Son nom a beau avoir été retiré de la liste des saints par Vatican II, la Saint-Expédit est fêtée par de nombreux Réunionnais. Plusieurs messes étaient organisées ce mardi 19 avril 2016, notamment à l'église Notre-Dame de la Délivrance, d'où serait parti le culte de Saint-Expédit à La Réunion, dans les années 1920. Aujourd'hui encore, ce commandant romain d'Arménie - converti au christianisme juste avant d'être décapité par l'empereur Dioclétien, le 19 avril 303 - est considéré comme le patron des causes perdues.
Pour sa fête, mardi 19 avril 2016, le chapiteau installé à l’arrière de l’église, situé dans le quartier de la Petite île à Saint-Denis, était bondé. Plus d’une centaine de dévots - pour certains vêtus de rouge, la couleur du manteau de Saint-Expédit - ont fait le déplacement le matin, et autant étaient attendus pour la messe du soir.
De Notre-Dame de la Délivrance au "bord somin"
D. est venu lui demander de retrouver la santé, M. le prie “d’éclairer sa situation professionnelle, de protéger ses enfants et son mari”, et S. le remercie “pour les grâces obtenues”. S’ils sont autant à avoir fait le déplacement, malgré les travaux en cours à l’église, c’est parce que c’est de Notre-Dame de la Délivrance que serait parti le culte de Saint-Expédit à La Réunion.
Aujourd’hui encore, on peut y observer la première statue du légionnaire qui serait arrivée dans l’île, offerte par une certaine Fanny Chatel, née Fleurié, “très probablement entre 1923 et 1925”, estime la paroisse. L’histoire veut que Fanny Chatel, qui se trouvait à Marseille, aurait prié Saint-Expedit pour qu’il lui trouve une place dans un bateau pour rentrer à La Réunion. Elle aurait promis de le faire connaître dans l’île si son voeu était exaucé. A peine sa prière terminée, on lui annonçait qu’elle pouvait embarquer. Pour remercier Saint-Expédit, elle fit don de la statue qui trône actuellement dans une petite salle, entouré de Saint-Christophe et Sainte-Thérèse, à l’arrière de l’église de Notre-Dame de la Délivrance. Cette statue aurait été bénie le 3 mai 1931 d’après les archives de la paroisse.
Selon une autre légende, mentionnée par Prosper Eve, Saint-Expedit serait arrivé...par la poste ! Un groupe de sœurs réunionnaises auraient reçu des reliques emballées dans un paquet venu de Rome, sur lequel était écrit " in expedito ", sans mention de quel saint provenaient ces reliques.
L’historien avait d’ailleurs commencé un recensement des oratoires et chapelles dédiés au "ti bon dyé". Dans les années 1970, il en répertoriait une petite centaine, et vingt ans plus tard, les travaux de Philippe Reignier en comptaient près de quatre cents ! Souvent placés au bord des routes, ces oratoires rouge sang sont toujours bien entretenus, preuve que le culte de Saint-Expédit ne se perd pas chez les Créoles.
Un saint pas très catholique ?
“Il est vrai qu’à La Réunion, il n’est pas fréquent de le rencontrer dans une église (...) mais pour le moment nous le gardons, ironise le Père Pascal. Son rôle de base, c’est de présenter l’amour du Christ, résume le Père Pascal, qui officie à la paroisse de Notre-Dame de la Délivrance. D’autres personnes l’interprètent comme le patron des écoliers, l’assimilent à un protecteur, à un guérisseur, ou à une divinité hindoue”.
Dans la croyance populaire, Saint-Expédit se distingue des autres saints, auxquels les croyants n’attribuent pas autant de pouvoir. Un saint “normal” est un proche de Dieu qui peut lui transmettre les prières des fidèles pour qu’il les exauce. Saint Expédit, lui, aurait une capacité à agir dans les situations urgentes, ce qui lui vaut son statut de “ti bon dyé”.
Saint-Expédit ne procrastine pas. Pour le rappeler, sur chacune de ses représentations, il brandit une croix avec l'inscription "hodie" (aujourd'hui en latin) et piétine un corbeau qui crie "cras" (demain en latin). La légende, rapportée par Prosper Eve, veut que le corbeau, symbole de l’ange des ténèbres, lui dit, le jour de sa mort, que sa conversion au christianisme pouvait attendre le lendemain, ce qu’il refusa en piétinant l’animal. Pour l’Eglise, ce qu’il faut retenir, c’est qu’il ne faut “jamais attendre à demain pour rendre à Dieu l’hommage d’amour et de reconnaissance que nous lui devons”.
Pour les croyants, le raccourci est souvent plus simple : prier Saint-Expédit, c’est être exaucé rapidement, comme dans la légende de Fanny Chatel. ”Et puis, c’est le seul saint à qui tu peux demander de punir quelqu’un qui te fait du mal”, confie Nicolas. Pour s’attirer les grâces de Saint-Expédit, certains croyants lui font même des offrandes ou respectent un carême. En plus des votives rouges qui emplissent les autels au bord des routes, on voit parfois des objets plus surprenants, comme des béquilles ou des habits. Des rituels et croyances que l’Eglise catholique voit d’un mauvais oeil.
Pour faire part de la position "officielle" de l’Eglise de La Réunion, le diocèse nous a adressé une réponse écrite, reprenant les positions de l’Evêque de La Réunion, aucun prêtre “n’étant spécialiste de la question”, nous dit-on. Pour Monseigneur Gilbert Aubry, “aujourd’hui il n’y a pas plus à béatifier ni à canoniser saint Expédit (...) Après le concile Vatican II, il a été retiré de la liste liturgique vu le peu d’éléments historiques contrôlables. Cela ne veut pas dire non plus qu’il n’a pas existé. Des saints continuent à être vénérés dans des cultes régionaux anciens, au carrefour aussi des légendes, mais il faut alors que ce soit en pleine cohérence avec la foi chrétienne. Il y a des litanies à saint Expédit qui sont correctes. Et le culte d’un saint doit être d’abord un chemin vers Dieu avec le Christ et au service de ses frères”.
Prières et “likes”
Pour s’assurer que ses brebis ne s’égarent pas de la route du Seigneur, la paroisse de Notre-Dame de la Délivrance met d’ailleurs un livret de 24 prières à Saint-Expédit. Comme ça, pas de risque de laisser perdurer “les croyances qui ne sont pas en conformité avec le message de l’Evangile”. On y trouve des prières “pour la protection d’un nouveau né”, “l’éducation de son enfant”, “pour réussir l’exament du permis de conduire”, une autre à faire avant un examen, ou encore “pour éloigner les idées de suicide”.
Pour ceux qui n’ont pas d’oratoire à proximité, Saint-Expedit a même sa page Facebook, créée par des Réunionnais, pour permettre des prières 2.0. L’administrateur détaille la méthode pour communiquer avec Saint-Expedit via Marc Zuckerberg: un " j’aime " pour une prière, un " partage " pour un remerciement. La page, créée en janvier 2015, rassemble déjà plus de 1400 fans, et elle est régulièrement alimentée avec des prières ou des photos.
www.ipreunion.com
Merci, pour le partage mon père aujourd'hui au ciel, priè St Espedit.
Je suis fan de saint Expedit sur Facebook et j'adore ça