Un repos relatif

Piton de la Fournaise : le volcan en plein sommeil, mais pour combien de temps...

  • Publié le 3 septembre 2024 à 15:06
  • Actualisé le 4 septembre 2024 à 05:13

Le Piton de la Fournaise est-il endormi pour toujours ? Voilà un an que notre volcan ne s'est pas donné en spectacle, ne laissant apercevoir aucune éruption, pas même la moindre petite lave. Le volcan aurait-il besoin de repos ? Ce qui est certain, c'est que le volcan dans une phase de calme relatif, potentiellement marquant la fin d'un cycle éruptif. Un calme qui pourrait être de courte ou longue durée. Seul le Piton de la Fournaise nous le dira (Photo : www.imazpress.com)

Lors de "Jours de Feu" - un événement annuel organisé sur la commune de Sainte-Rose par l'Académie des laves, ce samedi 31 août 2024, invité, l'Observatoire volcanologique était convié à parler de l'activité récente à la Fournaise. Aline Peltier, physicienne et directrice de l'OVPF en a profité pour évoquer les signaux actuels et montrer les travaux structurels réalisés sur le terrain, ainsi que présenter des travaux scientifiques.

La scientifique a tenu à expliquer les différentes phases du volcan, expliquant au passage ce qui – selon les scientifiques – pourrait expliquer sa timide activité de ces derniers mois.

"Le fait qu'il n'y ait pas eu d'éruption en 2024 n'est pas exceptionnel", indique Aline Peltier.

"Malgré le fait que l'on a eu 58 éruptions, on a eu pas mal de périodes de repos au cours de ces dernières décennies, notamment en 2010 et 2014", explique la physicienne et directrice de l'OVPF.

S'il n'y a pas eu d'éruption, en mars 2024, il y a eu une dizaine de séismes par jour "ce qui est même significatif". "À l'heure actuelle c'est 0 à 1 séisme par jour."

Ce jeudi 25 juillet 2024, à 13h39, un séisme a été légèrement ressenti par des habitants de l’île, principalement dans le secteur nord de l’île, indique l'Observatoire volcanologique du Piton de La Fournaise. "Les premières analyses de ce séisme ont permis de le localiser, à 11 km de profondeur dans le secteur de la Roche Écrite, à 4 km au nord-ouest de Grand-Ilet", poursuit l'OVPF.

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Le dimanche 1er octobre 2023 à 19h46,  un séisme s'était produit à 28 km de profondeur à 8 km au sud-ouest de Saint-Clotilde (Saint-Denis)". Il a été ressenti par des habitants principalement dans le nord de l’île et le secteur de Salazie

"Depuis c'est le calme plat, pas d'inflation, ni de déflation. L'activité sismique est relativement faible."

Même si ces derniers mois, trois séismes ont été ressentis par la population.

Ce qui ne donne aucun signe d'une reprise d'activité prochainement.

- Des phases cycliques -

Bénéficiant d'un large réseau de surveillance du volcan, l'OVPF et ses partenaires scientifiques, ont pu, grâce à la localisation de la sismicité et aux études géochimiques des laves, mieux comprendre l'origine des magmas et la structure de l'alimentation du volcan.

Des données qui "confirment l'existence de complexes magmatiques" à différentes profondeurs. Un à environ 30km sous les plaines, un vers 12km sous les plaines et un vers 2km sous le cratère Dolomieu.

Mais si l'on pourrait croire que cela ne descend plus bas, le volcan garde encore bien des secrets.

En effet, à une centaine de kilomètres il existe un réservoir encore plus profond, comme l'évoque Aline Peltier, présentant les résultats de son collègue, Ivan Vlastelic, actuel directeur de l'Observatoire volcanologique et sismologique de Guadeloupe.

Un réservoir qui pourrait expliquer les différents cycles du volcan.

Selon les échantillons de lave, sur les pentes de la Fournaise, depuis 1940, le chercheur a comparé les cycles éruptifs (périodes d'éruptions entrecoupées de périodes de repos) avec la teneur en isotope du strontium (élément chimique présent dans les laves).

D'après Ivan Vlastelic, "les variations du strontium sont des indicateurs de l'activité dans le manteau terrestre, sous la plaque océanique, à plusieurs dizaines de kilomètres sous les pieds de réunionnais".

Aline Peltier explique que "son alter égo guadeloupéen (géochimiste, chercheur à l’université de Clermont-Ferrand avant son exil vers les Antilles) a étudié les variations dans le temps du rapport entre deux isotopes de ce fameux strontium une fois que les magmas sont arrivés en surface sur une chronique d’échantillons de laves ramassées sur notre volcan et émises depuis 1940", précise Nicolas Villeneuve.

"Une fois les laves analysées et les rapports calculés, le chercheur a comparé ces variations isotopiques avec les périodes d’activité et de repos du Piton."

Au début du cycle éruptif - donc après une période sans éruption - "on note que le rapport isotopique du strontium est important", explique Aline Peltier. La chercheuse explique au passage que cela correspond à une activité forte dans le manteau. Elle précise pour les experts qu’il s’agit d’un haut taux de fusion partielle

À l’inverse, à la fin d’un cycle, le rapport baisse, ce qui est probablement un indicateur de la baisse de l’activité en profondeur.

- Le Piton de la Fournaise en veille ? -

D'après les analyses de Ivan Vlastelic - faisant suite à son article de 2018 et intégrant les éruptions de 2022 à 2023, "le rapport isotopique du strontium (un élément chimique qui peut être trouvé dans les roches et les minéraux présents dans la croûte terrestre, y compris dans les roches volcaniques) est encore plus faible", note Nicolas Villeuneuve.

"Ce qui pourrait dire que nous avons peut-être assisté à la fin d'un cycle et que le volcan pourrait avoir commencé depuis un an une période de repos pour quelque temps", poursuit la physicienne.

Ce qui est certain, c'est que la cyclicité des éruptions est "liée notamment à des recharges du complexe magmatique", explique Nicolas Villeneuve, maitre de conférences au laboratoire de géoscience.

Nicolas Villeneuve tempère ceux qui tireraient des conclusions trop rapides en expliquant que "cela reste une hypothèse". "Nous sommes sur des statistiques. De plus, entre ce qui se passe au profond et la surface, il y a d'autres zones de stockage magmatique où il y a encore du magma."

S'il est vrai que "l’activité dans le manteau est importante, les variations de pression, les variations de densité, de températures, …, dans les chambres plus superficielles sont quant à elles responsables de la mise en mouvement d’un magma qui réside plus haut dans le massif", ajoute-t-il.

Le volcan n'est donc pas éteint. "Si jamais on était en fin de cycle, nul ne sait combien de temps la période de repos va durer et quand repartira le prochain cycle", précise Nicolas Villeneuve.

Des données et des cycles qui – telle l'est la nature – restent variables et imprévisibles. "Entre les cycles il n'y a pas exactement de même durée. C'est assez variable."

Le volcan n'est donc pas éteint. "Si jamais on était en fin de cycle, nul ne sait combien de temps et quand repartirait le prochain cycle", précise Nicolas Villeneuve.

Le Piton de la Fournaise semble donc entrer dans une phase de calme relatif, potentiellement marquant la fin d'un cycle éruptif.

Bien que les habitants puissent s'attendre à une période prolongée de tranquillité volcanique, la surveillance reste essentielle pour anticiper toute reprise d'activité.

Le volcan nous réserve parfois des surprises.

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