Huit mois après la publication des résultats d'une grande concertation organisée avec l’ensemble des acteurs travaillant autour du Piton de la Fournaise, les autorités ont inauguré de nouveaux dispositifs aux abords du volcan. Issus des 15 recommandations pour le développement du tourisme volcanique retenues par la préfecture, ces dispositifs visent à améliorer l'expérience aux abords du volcan. Mais si certains Réunionnais espèrent toujours une ouverture de l’enclos, sans aucune réglementation, comme cela se faisait auparavant, cette éventualité n'est pas à l'ordre du jour. (Photo d'archive rb/www.imazpress.com)
Fût un temps où les Réunionnais n'hésitaient pas à s'approcher au plus près des éruptions, sans risque de recevoir une amende. Les pieds à quelques mètres de la lave, des familles entières venaient admirer ce spectacle de la nature, récurrent mais toujours aussi impressionnant.
Les archives sont d'autant plus impressionnantes vues en 2024, tant l'accès à l'enclos est devenu restrictif. Depuis 2017, plus personne – en dehors des professionnels – n'est autorisé dans l'enclos en phase de crise éruptive.
Le temps des balades au gré des coulées de lave est révolu, les différentes réglementations étant venues encadrer l'observation des éruptions au fil des drames survenus en amont de ces dernières.
Il faut dire que ces excursions ont été marquées par de véritables tragédies. Dès 1972, année où le tourisme éruptif a réellement décollé grâce à l'ouverture complète de la route forestière du volcan, trois personnes sont décédées.
Alors que le préfet de l'époque, Paul Cousseran, a interdit l'accès à l'enclos le 9 août 1972, la contestation populaire l'a poussé à autoriser l'accès à de petits groupes encadrés par des guides. Mais l'expédition a tourné au drame avec le décès de trois personnes en raison du froid, et une dizaine d'autres ont été hospitalisées.
En 2003, La Réunion est aussi marquée par le décès d'un jeune étudiant de 22 ans, tombé dans une fissure où la température s'élevait à 260 degrés. La victime "est probablement décédée quelques minutes après être tombée" avait estimé le préfet Gonthier Friederici au lendemain du décès.
La victime était montée sur le cône récemment formé, et la croûte de lave à peine refroidie avait cédé sous son poid, la faisait chuter de 6 ou 7 mètres dans une faille rocheuse.
- Entre curiosité et danger -
Les accidents sont fréquents sur les sentiers du volcan, notamment lorsque la météo y est défavorable.
Ouvert au public sous conditions depuis juin 1972 jusqu’en 2010, avec des dernières autorisations spéciales nominatives jusqu'en 2017, l’accès à l’enclos du Piton de la Fournaise a donc depuis été totalement interdit en périodes de phases de crises éruptives et de sauvegarde (alertes 1, 2 et sauvegarde).
Une expérimentation d'excursions avec guides spécialisés avait par ailleurs été lancée en 2017, mais sans jamais aboutir. Désormais, tout accès y est interdit lorsqu'une éruption est en cours. Une interdiction souvent bravée, au grand dam des autorités.
En 2021, deux étudiants de 19 ans ont par exemple bravé cette interdiction et sont décédés à cause de la chaleur et des gaz toxique. Portés disparus pendant deux jours, ces deux étudiants en sciences de l'Université de La Réunion, avaient été retrouvés aux abords du cône éruptif par les militaires du PGHM.
Malgré le danger, chaque année – lorsque éruption il y a – des centaines de curieux bravent eux aussi la fermeture de l'enclos.
C'est dans cet esprit que le préfet, Jérôme Filippini, s'était montré ouvert à une réévaluation des réglementations encadrant l'accès à l'enclos. Mais après un an de concertations, "les tenants d’une ouverture de l’enclos, sans aucune réglementation, semblent peu nombreux" soulignait-il en décembre 2023.
Cependant, il est désormais envisagé de "réunir, à chaque éruption, un comité d’experts qui serait chargé de proposer, dans la mesure du possible, une ou plusieurs zones accessibles au public". C'est-à-dire, adapter les autorisations et les interdictions d'accès à chaque éruption. Une façon d'accompagner au mieux les curieux, et les rediriger vers les sentiers ne présentant pas de danger.
Le volcan ne semblant pas vouloir sortir de son sommeil pour l'heure, reste à voir comment sera mise en place cette recommandation, et si les visiteurs pourront, oui ou non, accéder à l'enclos si l'éruption le permet.
En attendant, trois nouveaux dispositifs ont été inaugurés ce mardi aux abords Pas de Bellecombe-Jacob, dont un poste avancé de la gendarmerie nationale sur site, un dispositif sonore et lumineux, et un panneau informatif mentionnant les consignes de sécurité et renvoyant vers le bulletin de l’Observatoire volcanologique du Piton de la Fournaise.
"Le dispositif sonore et lumineux permettra en premier lieu de sortir les gens du volcan en cas d'éruption, et à donner une direction de marche en cas de mauvais temps" précisent les autorités.
En juillet dernier, l’autorisation d’accès au tunnel de lave 2007 marquait une première étape en matière de sécurité.
- Un volcan emblématique -
Entre crainte et fascination, le Piton de la Fournaise est l'un des sites naturels emblématiques de l'île. Il offre depuis des siècles un spectacle incroyable, parfois improbable, et malheureusement ponctuellement dramatique. Retour sur ces grandes éruptions qui ont marquées La Réunion.
1977 : la naissance de "Notre Dame des Laves"
Elle remonte à longtemps, mais cette coulée de lave est historique pour la simple et bonne raison qu'elle a entouré l'église de Notre Dame à Piton Sainte-Rose jusqu'à entrer sur trois mètres dans la nef. Lors de cette éruption, qui débute le 24 mars 1977, des fissures apparaissent à l'extérieur de l'enclos et des coulées de lave se dirigent vers Bois Blanc et Piton Sainte-Rose.
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C'est d'ailleurs ce qui rend cette éruption exceptionnelle : cela faisait près de deux siècles qu'il n'y en avait pas eu en dehors de l'enclos. Le 13 avril 1977, en pleine semaine sainte, l'éruption du Piton de la Fournaise menace l'église de Piton Sainte Rose. Finalement la coulée n'est entrée que dans la nef. Miracle, pas miracle... toujours est-il que le bâtiment n'a pas été entièrement détruit. Aujourd'hui encore on peut admirer le bras de lave qui s'est arrêté devant l'église aujourd'hui appelée Notre Dame des Laves.
1986 : une coulée de lave divisée en deux bras
Le 20 mars 1986, une fissure de 700 mètres de long s'ouvre en dehors de l’enclos. De multiples fontaines de lave jaillissent, et la coulée se divise ensuite alors en deux bras. Le premier bras coupe la route nationale et s'immobilise à 200 mètres de la mer. Le second traverse la route sur 150 mètres le même jour, et atteint l’océan, en formant des cascades qui se déversent sur les fonds marins en se jetant des falaises. Huit habitations sont détruites et la pointe de la Table se retrouve agrandie de plusieurs hectares.
1998 : la lave s'arrête à 2,5 mètres de la route
Après un sommeil qui aura duré six ans, le volcan se réveille le 9 mars 1998 pour plus de 6 mois d'éruption ! A partir du 15 août, des coulées de lave hors de enclos sont observées. Elles s'immobilisant à 2,5 mètres de la RN2... Cette éruption aura donné naissance à trois cratères dont le piton Kapor.
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2002 : la route coupée à plusieurs endroits
Le 5 janvier 2002, une nouvelle éruption volcanique démarre et menace le village de Bois Blanc. Les habitants trouvent alors refuge chez des proches ou dans l'un des centres d'hébergements ouverts par la commune de Sainte-Rose. Cette année-là, la route nationale est coupée à plusieurs endroits par la lave. L'une des coulées se jette dans la mer au niveau du lieu dit la Vierge au Parasol sur la commune de Sainte-Rose.
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2004 : un cône éruptif au bord de la mer
Le 13 août 2004, le volcan entre en éruption. La coulée s’étend rapidement avant de traverser la RN2 le 22 août par quatre endroits. A deux endroits, la lave se jette dans l’océan. Puis le 31 août, phénomène spectaculaire : un cône éruptif actif apparaît au bout de la première coulée déversée dans la mer.
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Ce cône projette de la lave et des jets de vapeurs. Lorsque l'éruption se termine, elle laisse La Réunion avec neuf hectares en plus !
2005 : la route coupée au bout de 8 jours
Le 25 février 2005, la route est encore coupée par une coulée de lave, alors que l'éruption en question n'avait commencé que depuis 8 jours.
2007 : l'éruption spectaculaire
L’éruption historique de 2007 se déclare le 2 avril. A ce moment-là, laves franchissent très rapidement la RN2. L’intérieur du cratère du Dolomieu subit des effondrements de cinquante à cent mètres. Le village du Tremblet, lui, est évacué. Ce jour-là, une seconde coulée traverse elle aussi la route peu de temps après. Et le soir même, vers 21h30, le feu liquide se jette dans la mer.
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Plus de 1000 séismes sont enregistrés en 24 heures. Anecdote étonnante : une équipe de scientifiques découvre une grande quantité de cadavres de poissons inconnus, venant sans doute des profondeurs.
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