Les écoles de La Réunion sont en alerte après le meurtre de Mélanie, une assistante d'éducation tuée à Nogent par un élève de 14 ans. En attendant l'application des directives gouvernementales, le rectorat a tenu à appeler au "sursaut collectif". Les syndicats enseignants, eux, alertent sur une santé mentale en déclin chez les jeunes (Photo www.imazpress.com)
Le drame de Nogent fait écho au meurtre d'une lycéenne nantaise, poignardée par un camarade de 16 ans en avril. Dans l'Hexagone, les rixes avec armes blanches font de plus en plus la Une des médias.
À La Réunion, si aucun fait similaire n'a été rapporté dans les établissements scolaires, les forces de l'ordre ont multiplié les opérations de contrôles aux abords des collèges et lycées. Au total, ce sont six armes qui ont été confisquées depuis le début de l'année.
Entre le 1er janvier 2025 et le 31 mai 2025, la gendarmerie nationale a par exemple effectué 106 opérations de contrôle des jeunes et de leur sac à leur entrée dans les établissements scolaires.
La Gendarmerie nationale mène deux dispositifs sur le terrain : le premier s’intitule "Lekol Trankil" alors que le second a pour objectif "la protection des élèves aux abords des lycées et des collèges de la vente de produits interdits, tels que l’alcool ou les stupéfiants".
Depuis le début de l’année 2025, les gendarmes ont saisi lors de ces contrôles "trois armes blanches d’une dangerosité limitée puisqu’il s’agit de petits Opinels ou de petits couteaux généralement accompagnés de stupéfiants", précisent les militaires. Les saisies sont parfois plus surprenantes : une goupille d'extincteur et un câble métallique, par exemple.
Côté police, "4 couteaux et 4 armes blanches par destination" ont été saisies en 2025, indique les forces de l'ordre.
Pour Rostane Mehdi, six armes au total, "ce n'est pas négligeable". "On est ici dans une approche préventive, on veut se saisir de ces armes avant qu'elles ne puissent service" lance-t-il.
"Personne ne pourrait sérieusement vous dire que le territoire sur lequel il est, il est à l'abri de ce type d'accident", affirme le recteur. "Ce qui s'est déroulé à Nogent n'était pas prévisible, s'est déroulé de jour pendant une opération de fouille, et est imputable à un jeune homme qui était animé par une détermination implacable", dit-il. "Notre préoccupation, c'est d'être prêt si ce genre de chose devait arriver."
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- Des mesures qui ne convainquent pas -
Pour "être prêt", le gouvernement a annoncé une flopée de mesures. François Bayrou a par exemple annoncé l'interdiction de vente de couteaux aux mineurs. Une mesure qui semble avoir peu de rapport avec le drame de Nogent, l'auteur présumé ayant récupéré un couteau de cuisine.
Le Premier ministre a aussi proposé l'expérimentation de portiques devant les établissements scolaires, mais a été désavoué presque immédiatement par plusieurs ministres.
"Il suffit de chiffrer le coût pour voir l'irréalité de la mesure", lance Béchir Ben Hamouda, de la FSU-SNUipp 974. "Et ce ne sera que pour les lycées, alors que le drame s'est produit non seulement au collège, mais devant le collège - donc à l'extérieur avant le portique s'il y en avait eu un - et en présence des forces de l'ordre lors d'une fouille des sacs... On ne traite pas le sujet", estime-t-il.
"Les réponses apportées relèvent d’une logique réactive, insuffisante pour traiter les causes profondes", dénonce la CFDT EFRP (Éducation Formation Recherche Publiques) Réunion.
"Par ailleurs, leur financement dans un contexte d’austérité ajoute une difficulté supplémentaire. Une réflexion collective urgente s’impose, notamment sur l’impact des réseaux sociaux et d’internet dans l’exacerbation des violences", avance le syndicat.
- Santé mentale et réseaux sociaux -
Pour les personnels, l'urgence, c'est la santé mentale. "Il faut prendre le problème à la base, ce n’est pas qu’une question de moyen. Est-ce que ce drame aurait été évité s’il y avait eu plus de personnels sur place ?", a d'ailleurs lancé un AED du collège Robert J. Ardon à Rostane Mehdi.
Les mesures annoncées "sont dans l'air du temps, mais ne répondent pas à la situation", estime Béchir Ben Hamouda.
"Le 14 mai se sont tenues les assises de la santé d'où nous sont sorties des mesurettes, notamment sur la santé mentale. On nous demande encore une fois de faire plus avec peu de moyens, alors qu'on manque d'infirmières pour les actions de préventions, on manque de psychologues scolaires pour les détections précoces", dénonce-t-il.
"Par exemple, le plan d'accompagnement personnalisé qui nécessitait l'avis du médecin scolaire, n'aura plus besoin de cet avis, non pas parce que les enseignants ont acquis des compétences médicales, mais parce qu'on n'a plus de médecins scolaires...", s'indigne le syndicaliste.
"Et plutôt que de contrôler le contenu des réseaux qui pose problème, tout comme on l'a fait en interdisant l'accès des sites pornographiques au moins de 18 ans, on préfère les interdire, en sachant que ce ne pourra pas être mis en oeuvre."
Pour Eric Annonnier, de Sud Education, "les événements liés au port d’armes sont heureusement rares à la Réunion mais le mal-être des jeunes est de plus en plus perceptible".
Il y a "trop peu de personnels infirmiers, de psychologues scolaires, d’assistantes sociales mais aussi d’enseignants diplômés pour pallier cette crise sociétale". "L’Etat se désengage de ses responsabilités dans le service public d’éducation, il est de plus en plus compliqué de s’occuper des élèves qui ont des problèmes et qui posent problème à l’ensemble de la communauté scolaire", regrette-t-il.
"Les violences en milieu scolaire, la banalisation de comportements extrêmes chez certains jeunes, ou encore la difficulté croissante à réguler les émotions, créent un climat de tension permanent", regrette la CFDT EFRP.
Les personnels de santé scolaire "font ce qu'ils peuvent, mais lorsqu'on ne peut mettre qu'une seule matinée de prévention par an et seulement dans les zones d'éducation prioritaire, ça reste très limité", rappelle Béchir Ben Hamouda.
Pour aller dans ce sens, le recteur a confirmé "l'activation d'un levier de formation des personnels, pour deviner ce qui dans le comportement d'un jeune est de nature à inquiéter" pour "déceler les signes avant-coureurs de troubles psychiques".
Une annonce qui ne manquera pas de faire grincer les dents des syndicats qui dénoncent déjà l'accumulation de leurs missions, sans formations correctes et sans le personnel nécessaire pour mener à bien ces dites-missions.
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Pour certains syndicats éducatifs, le phénomène de port d'arme n'est par ailleurs "pas nouveau". "J'étais surveillant il y a plus de 30 ans en lycée et j'ai moi-même confisqué un couteau papillon avec une lame de plus de 10 cm à un lycéen", se rappelle Béchir Ben Hamouda.
Selon lui, "il faut différencier les élèves qui ont des armes pour épater la galerie et les élèves qui amènent une arme pour commettre un délit". "Ce sont deux faits totalement différents et qui doivent donc être traités de manière différente si on veut être efficace", dit-il.
"Le port d'arme par des élèves, ce n'est pas un phénomène récent et oui il y a des armes qui sont trouvées dans les sacs de certains élèves", abonde Cendrine Peignon, de la SNUEP-FSU, en charge de l'enseignement professionnel.
"Elles ont plusieurs objectifs qui ne sont pas toujours agressifs : élèves harcelés qui cherchent à se défendre mais aussi parfois à anticiper en entrant dans le clan des "plus forts". La société est de plus en plus violente et celle-ci est entrée dans les établissements depuis longtemps", assure-t-elle. "La difficulté sociale est un facteur qui a aggravé la situation et la voie professionnelle est très touchée."
Un constat partagé par Eric Dijoux, de l'Unsa : "À chaque fois, les armes blanches n'étaient pas là dans le but d'agresser des adultes ou des élèves, mais était le fait d'élèves ayant peur d'être agressés. Le climat anxiogène ambiant y est pour beaucoup", affirme-t-il.
A noter que les violences chez les mineurs sont en baisse au niveau national. Cependant, les crimes violents sont, eux, en augmentation.
En attendant, les opérations de contrôle vont continuer à se multiplier, ici comme dans l'Hexagone.
m.ma/as/is/www.imazpress.com / redac@ipreunion.com
Bonjour les bisounours, il faut se réveiller. En poste à Alès dans le Gard. En 1995, un professeur a été poignardé dans sa classe. J'étais prof d'une 4ème technologique et on nous a demandé de parler avec eux des armes en classe. Face à ma classe je leur ai demandé comment cela se faisait-il qu'un élève était armé. Ils ont ouvert de grands yeux et comme ce sont des élèves assez spontanés ils m'ont dit : "vous ne l'êtes pas Madame?". ce à quoi j'ai répondu "non", moi quand je viens en classe c'est avec des crayons , des stylos et une gomme". Et je leur ai demandé "et vous?". Ils se sont regardés et comme j'avais une très bonne relation avec cette classe, je leur ai demandé s'ils voulaient bien me montrer. J'avoue que j'ai un peu regretté, en fait je faisais cour face à un véritable harcenal. Des nunchaku, étoiles ninja, lance pierres, différents projectiles telles que des boulons..Pas de couteaux mais armés jusqu'aux dents. C'est ce jour là que j'ai compris que nous n'étions pas dans la même réalité. Pour eux, déjà à cette époque, le monde était plein de danger et il fallait se défendre. Donc qu'aujourd'hui alors que rien n'a été fait pour rendre le monde meilleur ils soient passés au couteaux et agressent sans raison. Je ne suis pas étonnée. Mais nous en somme responsables. 6 Ministres de l'éducation en 2 ans. Et personne ne s’intéresse au bien être des enfants. On supprime des postes, des classes, on évalue, on puni, on sanctionne depuis la maternelle. Alors oui, dans un futur pas très réjouissant, il faudra des cotes de maille ou des gilets pare balle pour survivre à l'école. Bonne journée à tous
Pour Fayard il faut remercier les Vira