Single à paraître

Musique : "Le monde tournerait encore", des mots d’ados sur des maux

  • Publié le 1 février 2024 à 02:57
  • Actualisé le 1 février 2024 à 05:10

La rencontre de trois jeunes artistes réunionnais en herbe l’an dernier au Kabardock au Port, lors d’un atelier d’écriture, a débouché sur la sortie d’un single à paraître ce jeudi 1er février dans le cadre des actions de l’association Mon p’tit loup qui œuvre contre les violences sexuelles faites aux enfants (Photos : D.R).

En mai 2023, Camille Moutou, Prune Vandaele et Ulysse Puluhen se rencontraient au Kabardock, lors de la 3e édition du stage de l’École Artistique Intercommunale de l’Ouest intitulé "Les pieds dans l’encrier".

Durant 5 jours, avec quelques autres adolescents, dans des conditions professionnelles, encadrés, accompagnés et conseillés par l’enseignant Henry Duffour, tous trois apprennent à écrire des chansons. Puis, un matin de novembre, le trio plumistique se retrouve à Moonstudio avec Cédric Corrieri pour enregistrer l’une de leurs créations, "Le monde tournerait encore", chanson au profit de l’association Mon p’tit loup, lancée par Nicolas Puluhen qui œuvre contre les violences sexuelles faites aux enfants. Le titre jette un regard sur l’enfance bousculée d’une jeune fille pour qui croire en demain relève du défi. La musique est belle, le texte poignant et l’interprétation transporte…

Au-delà, il s’agissait de cibler les jeunes, de libérer la parole avec leurs mots d’ados pour lever au maximum le tabou des violences sexuelles et/ou du harcèlement scolaire, sujets malheureusement on ne peut plus d’actualité. Six mois de travail ont été nécessaires pour faire aboutir le projet qui a mobilisé nombre de personnes et les fonds de l’association grâce aux ventes du livre "Mon p’tit loup" pour emmener Camille, Prune et Ulysse en studio, les mettre en conditions réelle et professionnelle, entourés de toutes les bonnes énergies positives.

"Nous avons tant à apprendre des jeunes et mener ce combat est pour le moins vital", indique Nicolas Puluhen. "Avec le recul, force est de constater que la génération de mes parents a été totalement défaillante face à ces problématiques de harcèlement, de violences sexuelles et on le voit encore de nos jours, l’actualité nous le renvoie malheureusement sans cesse, et notre génération est tout autant défaillante. Les jeunes de maintenant le savent et ont compris que c’est désormais à eux de porter ce combat pour faire en sorte que les choses changent. Et franchement, ils ont une aisance très surprenante à évoquer des sujets aussi douloureux".

Le choix du titre "Le monde tournerait encore" s’est imposé de lui-même. En effet, l’emploi du conditionnel ouvre le champ des possibles pour sensibiliser sur les conséquences qui peuvent découler des violences et traumatismes qu’on peut subir enfant - et adulte. Et parler du monde généralise la problématique des violences sexuelles par ascendant(s) pour faire bouger les lignes - ou pas -, ce qui peut s’apparenter à un défi face à la trop grande inertie des pouvoirs publics, regrette Nicolas Puluhen.

En parallèle à ce titre, disponible ce jeudi sur les plateformes, Nicolas travaille sur la compilation "Mon p’tit loup" à paraître en septembre prochain sous forme de livre-disque. "On a invité une quinzaine d’artistes à écrire et chanter sur le sujet tels Les orgues de Barback, la Rue Ketanou, Olivia Ruiz, mais aussi Ann O’Aro. Il y aura même un texte écrit avec les enfants des rues de Mayotte. Ce sera donc un ensemble de chansons avec des vues différentes". Le livre-disque sera équipé de QR-Codes qui renverront à tous les morceaux hébergés sur une plateforme en lecture gratuite.

- Trois questions à Nicolas Puluhen -

Quel regard portez-vous sur l’évolution du combat contre les violences sexuelles faites aux enfants ? Ne s’apparente-t-il pas au pot de terre contre le pot de fer ?

La société a évolué dans plein de domaines. Mais paradoxalement, s’agissant de ce combat, les lignes ont du mal à bouger en dépit de la libération de la parole. Aujourd’hui, nombre de personnes qui se retrouvent dépositaires de confessions de jeunes, remuent ciel et terre et pourtant, en face, rien ne se passe rien et c’est dramatique. On a l’impression qu’il n’y a pas que l’agresseur qu’il faut combattre, mais toute la société et le pouvoir qui empêchent les choses d’évoluer dans le bon sens.

Libérer la parole est fastidieux, mais passer de la parole aux actes l’est encore plus…

Tout à fait et dans ce genre de combat au long cours, c’est à l’État d’agir, on doit forcer les élus à assumer leurs responsabilités. Mais quand je vois la prise de position du président Macron en faveur de Gérard Depardieu alors qu’il plaçait son quinquennat sous le signe de l’égalité hommes-femmes ! Le voir bafouer la parole des victimes m’a mis hors de moi et a, je pense, écœuré toutes les personnes qui militent et se battent au quotidien pour cette cause.

Quid de l’aspect pédagogique du titre « Le monde tournerait encore » ?

On voudrait en effet que cette chanson puisse servir de porte-drapeau. On espère aussi qu’elle voyagera autant à La Réunion que par-delà les océans et qu’elle permettra à des écoles, des médiathèques ou des associations d’aborder la douloureuse problématique des violences sexuelles faites aux enfants par le biais d’ateliers d’échanges notamment. S’agissant de La Réunion, une dizaine de dates sont d’ores et déjà programmées pour que Camille et Prune puissent intervenir dans des écoles et c’est très encourageant.

vw/www.ipreunion.com/redac@ipreunion.com

"Le monde tournerait encore" par Mam’Zelle Prune & Kamalam, disponible sur toutes les plateformes le 1er février 2024

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