Dans l'Hexagone

32% des Ultra-marins déclarent avoir subi des discriminations

  • Publié le 29 novembre 2023 à 10:52

L’Observatoire des inégalités a présenté ses conclusions du Rapport sur les discriminations en France ce mardi 28 novembre 2023. En France, une personne sur cinq dit avoir été discriminée au cours des cinq dernières années. Ce chiffre atteint 32% chez les personnes originaires de territoires ultra-marins, et 33% chez les descendants de natifs d’outre-mer.

Discrimination à l'embauche, difficulté à trouver un logement, contrôle au faciès, agressions racistes ou sexistes…Les formes de discrimination sont nombreuses, et touchent de nombreuses franges de la population.

Si la majorité des Français se disent aujourd'hui de moins en moins racistes, sexistes et homophobes, des violences persistent toujours.

Les Ultra-marins ne sont pas exempts de ces discriminations, particulièrement lorsqu'ils se trouvent dans l'Hexagone.

D'après l'étude de l'Observatoire des inégalités, les personnes originaires d’outre-mer se sont déclarées deux fois plus souvent discriminées que l’ensemble de la population non immigrée interrogée.

Et la situation ne va pas en s'améliorant : lors de la dernière enquête pour la période 2008-2009, 31% des sondés disaient avoir été discriminés, soit 1% de moins qu'actuellement. "Il est difficile d'évaluer si les chiffres augmentent parce qu'on les signale plus ou parce que les actes discriminatoires augmentent" souligne l'Observatoire.

Ce rapport "découpe la réalité sociale" dit l'Observatoire. "Les personnes de couleur ou immigrées d’un côté, les femmes de l’autre, ou encore les personnes handicapées, les personnes homosexuelles et les représentants syndicaux. Des caractéristiques qui peuvent se combiner : on peut être à la fois noir, jeune et handicapé, par exemple" souligne le rapport.

- Discrimination au logement -

Cependant, l’origine est, de loin, le facteur le plus déterminant dans le risque de se dire discriminé. "Prenons un exemple. La probabilité de se dire discriminé est 3,5 fois supérieure chez les hommes natifs d’outre-mer et 4,9 fois plus élevée chez les immigrés d’Afrique (hors Maghreb) comparé aux hommes sans ascendance migratoire" note l'observatoire.

Il est intéressant de noter que la recherche d’un logement est le premier contexte de discrimination selon les personnes interrogées. En effet, nombre d'étudiants réunionnais – et ultra-marins – ont été confrontés à de grosses difficultés pour trouver un logement, principalement en raison de la domiciliation de leur famille.

"En juin 2022, pour l'installation de notre fille dans l'Hexagone dans le cadre de la poursuite de ses études, nous sommes passés par une agence de location. Nous avons fourni plusieurs papiers administratifs ainsi qu'un premier versement de 1200 euros, suite à quoi l'agence nous a confirmé que l'appartement est bien réservé. Plus tard, nous avons reçu un mail de cette même agence nous indiquant que le garant doit être résidant en France Métropolitaine" témoigne Valérie.

Ce n'est qu'après un rappel de la loi auprès de l'agence que cette dernière a accepté le dossier de l'étudiante.

Une discrimination – trop – courante, au point où le député guadeloupéen Olivier Serva a interpellé le gouvernement. Dans un courrier daté du 18 septembre, le député a mis en lumière ces pratiques discriminatoires qui pénalisent grandement les étudiants ultramarins installés dans l’Hexagone afin de poursuivre leurs études.

- Discrimination en raison de la couleur de peau –

Une étude l'Insee, publiée en septembre 2023, avait déjà souligné les discriminations vécues par les Ultra-marins dans l'Hexagone.

Si l'Observatoire n'a pas de chiffre exact concernant les Ultra-marins, l'Insee rapporte que 34% d'entre eux ont déjà vécu des discriminations.

25% des Réunionnais sondés ont déclaré avoir subi des discriminations ou des traitements inégalitaires. Les principaux motifs de discriminations pour les personnes originaires de La Réunion sont la couleur de peau et l’origine.

"Depuis que j'habite à Lyon, je vis très clairement du racisme de façon assez récurrente" témoigne Melvin*, installé dans l'Hexagone depuis trois ans désormais. "Les contrôles des forces de l'ordre sont beaucoup plus fréquents par exemple, je ne sors plus de chez moi sans ma carte d'identité. Ça ne m'arrivait que très rarement à La Réunion" explique-t-il.

Une situation récurrente pour les personnes racisées, notamment les hommes. "22 % des hommes qui se disent perçus comme arabes déclarent avoir été contrôlés par la police plus de cinq fois au cours des cinq dernières années, soit onze fois plus que les hommes blancs, selon une étude du Défenseur des droits menée en 2016. De leur côté, les hommes noirs sont 13 % à indiquer avoir été contrôlés plus de cinq fois également" détaille le rapport.

"Les jeunes hommes arabes ou noirs ont une probabilité 19 fois plus élevée d’être contrôlés fréquemment que le reste de la population, selon le Défenseur des droits."

"Il y aussi une grosse ignorance vis-à-vis des Outre-mer : je ne compte pas le nombre de fois où on m'a demandé si on avait l'électricité, des routes, internet…Comme si La Réunion était une île de "sauvages" souffle Melvin. "Racisme ou ignorance, ou même les deux, ça je ne sais pas."

À noter que le nombre d’actes racistes enregistrés par la police et la gendarmerie augmente en France.

Selon le ministère de l’Intérieur, après une période de diminution, de 11 600 faits en 2015 à 8 900 en 2017, leur nombre est remonté à 12 500 en 2022. Les cas les plus graves, les crimes et délits, ont augmenté de 5 100 en 2017 à 6 550 en 2022, soit une hausse de 29 %.

"Les événements déclarés ne reflètent qu’une faible partie de la réalité. Le racisme au quotidien, "banal", est rarement enregistré par les forces de l’ordre, car dans l’immense majorité des cas, les victimes ne portent pas plainte" note par ailleurs l'Observatoire.

- Discrimination sexiste –

Après la couleur de peau et l’origine, le motif sexiste est celui qui est le plus mis en avant par les personnes originaires de La Réunion déclarant avoir été discriminées. 5 % déclarent avoir subi des discriminations à cause de leur sexe.

Près de 200 000 crimes et délits à caractère sexiste ont été signalés aux forces de l’ordre en 2020 en France, dont la quasi-totalité touche des femmes.

Des violences qui commencent parfois très tôt dans la vie des jeunes femmes. "J'ai été harcelé.e** au lycée, après avoir subi un viol. Mon agresseur m'a fait une réputation de p*te après l'agression, ce qui a mené à un très fort harcèlement" témoigne Kléo, à l'époque scolarisé.e dans l'Hexagone.

"Le harcèlement a continué par téléphone, je recevais des menaces de viol. Ça m'a mené.e à me mutiler, à sécher les cours, j'avais beaucoup d'absentéisme, même si je me forçais à retourner à l'école pour ma mère" se rappelle-t-elle. "C'est devenu tellement violent que j'ai eu des problèmes d'anorexie et d'abus de médicaments. Je regrette de ne pas avoir porté plainte aujourd'hui"

Les femmes se plaignent en moyenne deux fois plus de discriminations que les hommes, et même trois fois plus chez les plus jeunes.

Les violences sexistes représentent par ailleurs une double peine lorsqu'il s'agit de femmes perçues comme arabes ou noires, qui cumulent donc discriminations sexistes et racistes. Si le rapport n'a pas de focus sur les discriminations en raison de la religion, les indicateurs sont au rouge dernièrement avec une augmentation des actes antisémites et islamophobes.

Tout n'est pas négatif cependant, avec une amélioration de la prise en compte de la parole des victimes, quelles que soient les discriminations. Les réponses juridiques laissent cependant toujours à désirer.

Le rapport complet est à retrouver sur ce lien.

as/www.imazpress.com / redac@ipreunion.com

*prénom modifié

**pronom non-binaire.

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2 Commentaires
Veritas
Veritas
1 an

Tout à fait exact, on attend l'étude de l' INSEE sur le sujet !..

Phil
Phil
1 an

C'est réciproque pour les métros qui viennent à la Réunion ily a même certains députés qui le font ouvertement alors s'il vous plaît.....