Par manque d'information

À La Réunion comme ailleurs, les victimes d'accidents sont souvent mal indemnisées

  • Publié le 25 octobre 2023 à 02:59

À La Réunion comme partout en France, les préjudices corporels occasionnés par des accidents sont nombreux. En 2022, 915 personnes ont par exemple été blessées dans des accidents de la route dans l'île. Ces dommages corporels sont pour souvent éligibles à des dédommagements. Mais encore faut-il le savoir, et savoir comment être dédommagé correctement. Pour accompagner les victimes, Maître Colin Lebonnois, avocat spécialisé dans l'indemnisation des victimes d'accidents entraînant des dommages corporels, se rend régulièrement à La Réunion. Il regrette qu'aussi peu de victimes ne soient accompagnées dans leurs démarches. (Photo photo Sly/www.imazpress.com)

"Quelles que soient les circonstances de l'accident, 85% des victimes ne sont pas accompagnées par un avocat spécialisé" regrette Maître Colin Lebonnois. Un manque d'accompagnement qui, selon lui, débouche sur des indemnisations "bien au-deçà de ce que les victimes devraient percevoir".

"Le problème, c'est que les victimes consultent un médecin-expert désigné par leur compagnie d'assurance, à qui elles vont faire confiance pour évaluer leur indemnisation. Mais ces derniers sont généralement priés de minimiser les indemnisations" explique-t-il.

C'est là que les avocats spécialisés dans l'indemnisation des victimes interviennent. "Quand on est accompagné d'un avocat, on est vu par un médecin-conseil, indépendant des compagnies d'assurance. Il voit les victimes préalablement ou en contradiction au médecin de l'assurance" détaille Maître Colin Lebonnois. "Le rôle du médecin conseil est très important parce qu'il permet de rétablir les dommages subis sans qu'ils ne soient minimisés."

Pour l'avocat, il est essentiel pour les victimes d'être accompagnées au mieux, afin de ne pas recevoir "des indemnisations au rabais ou insuffisantes par rapport au préjudice subi".

"85% des gens ne sont pas défendus par un médecin conseil alors que cela garantit de recevoir une indemnisation de 30 à 40% plus élevée. C'est aussi une garantie pour nos clients qu'on va s'investir pour eux, la majorité des avocats ne travaillant qu'au résultat et n'étant donc payé que par leur pourcentage sur l'indemnisation" assure-t-il.

"Le rôle de l'avocat est important : c'est sur la base de l'expertise qu'on peut chiffrer l'indemnisation. D'où l'utilité de travailler en binôme entre médecin spécialisé et avocat spécialisé" ajoute Maître Colin Lebonnois.

Mais pourquoi ne pas se fier aux conclusions des médecins de son assureur ? "Parce que les compagnies d'assurance ont une convention entre elles qui s'appelle la convention IRCA : elle a pour objectif d’organiser les relations entre assureurs dans l’indemnisation des victimes de blessures légères consécutives à un accident de la circulation" explique l'avocat.

"Donc quand un accident survient entre un véhicule A et B, par exemple, les préjudices du véhicule A vont être remboursés par son assurance, qui elle se fait rembourser par assurance B. L'objectif va donc être de minimiser les montants des préjudices, ce lien incite les compagnies à ne pas se battre entre elles" détaille-t-il.

- Des victimes mal informées -

"Il y a très peu d'informations à destination des victimes. Les forces de l'ordre, mobilisées quand il y a un accident, ont le réflexe de la justice pénale qui n'est pas forcément indispensable à la victime, on travaille surtout au civil en ce qui concerne les dommages corporels" explique Maître Colin Lebonnois.

À La Réunion en particulier, beaucoup de victimes d'accidents de la route ne se manifestent pas pour réclamer des indemnisations, notamment en raison de défauts d'assurance ou même de permis. "Or ces gens qui conduisent sans assurance, peuvent tout de même être des victimes. Mais ils ont peur des répercussions s'ils vont porter plainte" regrette l'avocat.

"La population est très mal informée, notamment dans le cadre d'accidents de circulation. Il y aussi beaucoup de victimes, fonctionnaires notamment, qui ont une méconnaissance de leurs droits lorsque leur accident arrive en service, parce que leur propre administration ne les informe pas correctement" abonde-t-il.

Maître Colin Lebonnois travaille majoritairement sur les accidents de la route, qui représentent "environ 65% de la clientèle, dont la majorité sont des motards". "Ce sont eux qui se rapprochent de notre cabinet, on a une certaine réputation, notamment parce que notre cabinet a plus de 40 ans et que nous avons une spécialisation qui est assez nouvelle" dit-il.

Il vient une à deux fois par an à La Réunion pour accompagner les victimes.

"Dans 20 à 30% des dossiers on doit se battre sur le principe même de l'indemnisation, mais la grosse bataille c'est sur le montant. Et l'enjeu est important, parce que quand on parle de blessés graves, ils ont un besoin d'aide humaine, parfois 24h/24, cela revient à des sommes exorbitantes. Le montant de l'indemnité doit s'aligner sur les dépenses qui vont suivre l'accident. Que devient la personne si elle reçoit une mauvaise indemnisation ?" souligne Maître Colin Lebonnois.

Pour lui, il est très rare de perdre au tribunal. "Il arrive de temps en temps que lors de la lecture du procès-verbal, on se rende compte que les circonstances de l'accident ne sont pas les mêmes que celles données par le client. Quand il est fautif, je ne peux donc rien lui obtenir.

Reste désormais le calcul des préjudices. "Il existe deux types de préjudices : les patrimoniaux (dépenses de santé, perte de gains, frais engendrés…) et extrapatrimoniaux (déficit fonctionnel, souffrances subies, préjudice esthétique...). Certains préjudices sont subjectifs, il est dur de trouver des éléments donc on se base sur des barèmes de jurisprudence et ça donne une fourchette de montants. D'autres sont objectivables, on peut avoir une analyse économique : si la victime a besoin d'une tierce personne par exemple, on peut calculer le coût grâce au taux horaire, aux prix pratiqués localement…et on peut donc établir une moyenne" cite-t-il par exemple.

Mais malheureusement, comme dans toutes affaires présentées au tribunal, le plus compliqué pour la victime sera l'attente. "Tout d'abord, les délais sont longs parce qu'on peut être remboursé uniquement quand la santé est consolidée et qu'on sait exactement quels dommages sont infligés. Enfin, il y a une grosse perte de temps qui vient du manque de moyens de la justice, et ça nous ne pouvons rien y faire" conclut-il.

as/www.imazpress.com / redac@ipreunion.com

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