A La Réunion, la problématique de l'errance animale est un sujet majeur. Le nombre d'animaux errants est estimé entre 100.000 (chiffre officiel) et 300.000 (chiffre de l'association Réunion Protection Animal). Une situation en partie due à des abandons bien plus fréquents dans l'île qu'ils ne le sont en Métropole. Si sur le territoire métropolitain, une recrudescence du nombre d'abandons d'animaux de compagnie est observée durant la période de vacances scolaires en juillet et en août, où 80 % des 80.000 abandons annuels interviennent au moment des départs en vacances, à La Réunion, les abandons ont lieu toute l'année de manière considérable. (photo : rb/www.ipreunion.com)
- Des abandons massifs toute l'année -
L'association Réunionnaise "Vivre libre" de La Réunion, qui recueille et soigne des animaux errants tout au long de l'année, est aux premières loges pour constater l'afflux des abandons d'animaux de compagnie, qui ne s'améliore pas sur l'île.
Selon Sadia Sprang, directrice de l'association, il n'y a pas d'augmentation particulière du nombre d'abandons durant la période de juillet-août. Les abandons interviennent toute l'année, en particulier dans ce contexte post-covid. "Il y a eu énormément d'adoptions d'animaux durant les périodes de confinement, beaucoup de gens cherchaient de la compagnie à cette période, et un motif pour leur permettre de sortir. Mais une fois cette période terminée, ils ont été nombreux à ne plus savoir quoi en faire, les abandons ont été encore plus importants qu'en temps normal" indique-t-elle. La directrice de l'association affirme par ailleurs que le nombre de familles d'accueil volontaires est très faible et les associations ont un nombre de places bien trop restreint par rapport au nombre d'animaux errants.
André Garangeat, directrice de la SPA (Société protectrice des animaux) du sud de La Réunion, n'observe pas non plus une recrudescence particulière des abandons durant la période des vacances dans l'île. "A La Réunion, c'est toute l'année qu'il y a des abandons, il y a énormément de turn-over, les gens viennent souvent pour un an ou deux, et repartent en Métropole. Ils ne veulent pas s'embarrasser de leur animal de compagnie dans l'avion puis dans leur nouveau logement. On retrouve régulièrement des animaux attachés devant l'aéroport, ou ailleurs" détaille-t-elle.
Mais la SPA n'est souvent pas en mesure de les accueillir, faute de place disponible et de garantie. "On ne peut pas récupérer un animal qui n'est pas vacciné, c'est impossible pour nous de le mélanger aux autres. Donc soit l'animal se retrouve à errer dans les rues, soit il est emmené à la fourrière, et euthanasié au bout de quatre jours. On préférerait leur éviter ce destin, malheureusement, notre nombre de place est très restreint, on est obligé de faire des choix" regrette André Garangeat. Plus de 12.000 animaux sont euthanasiés chaque année dans l'île, ce qui représente 10% des euthanasies pratiquées sur le sol français.
Sadia Sprang pointe également un problème de sensibilisation. "Il n'y a pratiquement aucun travail de sensibilisation qui est réalisé, on déresponsabilise les propriétaires, l'abandon est rendu acceptable à La Réunion, contrairement à la métropole, c'est aussi ça qui explique une telle différence" affirme-t-elle. André Garangeat tient de son côté à rappeler que l'abandon est considéré comme "un acte de maltraitance", ce que les propriétaires ont "souvent tendance à oublier"
Pour rappel l'abandon d'un animal domestique est puni d'une peine pouvant aller jusqu'à deux ans de prison et de 30.000 euros d'amende.
- Un investissement des autorités publiques remis en cause-
Selon Sadia Sprang, la situation est attribuable en premier lieu aux pouvoirs publics, qui "ne réalisent pas un travail au niveau". "Pratiquement aucun travail de prévention n'est réalisé, et surtout aucune sanction n'est donnée aux propriétaires qui abandonnent leurs animaux, ou qui ne les identifient pas. Il n'y a eu que trois sanctions données à des propriétaires pour non-identification de leur animal, pourtant, c'est une obligation" assure-t-elle. La directrice de "Vivre libre" déplore un "laisser-faire" de la part des pouvoirs publics à La Réunion, qu'il n'y a pas en métropole. Une "tolérance" qui ne dissuade pas les propriétaires d'abandonner leurs animaux.
Les deux directrices ont plusieurs préconisations pour permettre de limiter les abandons et une errance animale aussi importante. La première serait de "mettre en place davantage de conditions avant de pouvoir adopter, devoir remplir un certain nombre de critères", afin que "tout le monde ne se retrouve pas en condition de pouvoir adopter s'il n'y a pas de garanties derrière".
Une autre solution serait "d'organiser des opérations de stérilisation de masse, afin d'empêcher la reproduction des animaux errants." Il est vrai que pour l’espèce canine, la DAAF (Direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt), estime, dans un rapport publié en 2020, un maximum de deux portées par an par chienne, avec entre quatre et douze chiots par portée, soit une moyenne de 5,4 chiots par portée, ce qui à l'année, peut représenter plus de dix naissances. A La Réunion, seulement 32.2% de la population canine totale est stérilisée
Mais surtout, l'une et l'autre attendent davantage d'engagement de l'Etat. "Il faut engager des moyens dans la lutte contre les abandons, à la fois en termes de communication et de sensibilisation, mais également sur le plan matériel ou humain, pour mieux être en capacité de faire garder ou recueillir les animaux", explique Sadia Sprang, "si on continue comme ça, la situation va encore s'empirer, plus le temps passe, moins on a de familles d'accueils volontaires et plus on a d'animaux errants. Les animaux commencent à se déplacer en meute, ils peuvent être dangereux", ajoute-t-elle.
Mais selon elle, le pire qu'il puisse arriver serait un retour de "la rage" à La Réunion, "une éventualité que l'ARS (Agence régionale de santé) a déjà évoquée. Il est urgent de réaliser des opérations de stérilisation de masse, et de sanctionner davantage les propriétaires fautifs."
- Les pouvoirs publics réagissent –
Face à ces mises en cause, la DAAF se défend d'une quelconque passivité vis-à-vis des abandons d'animaux. Laurent-Xavier Delmotte, chef du pôle sécurité sanitaire de la DAAF affirme que la lutte contre les abandons et l'errance animale est un sujet majeur pour les pouvoirs publics Réunionnais. "Un plan triennal a été initié en 2017, puis reconduit en 2019 jusqu'en 2022. Il repose sur deux volets : la communication, afin de sensibiliser au maximum la population contre l'abandon et les conséquences qui en résulte, et la stérilisation, afin de stopper la reproduction des animaux errants. Au total, 2,7 millions d'euros ont été investis, on ne prend pas ce sujet à la légère" détaille-t-il.
Il affirme que ces opérations sont menées en coopération avec les intercommunalités, les associations et l'Etat, comme en témoigne cette publication de la préfécture de La Réunion postée jeudi 21 juillet 2022.
Pour le moment, il se dit incapable de juger l'efficacité de ces différentes campagnes, mais assure qu'une évaluation du nombre d'animaux errants sera établie avant la fin de l'année, afin de constater l'évolution depuis le dernier recensement en 2018. En revanche, aucun chiffre officiel ne permet d'évaluer le nombre d'abandons annuel à La Réunion.
Laurent-Xavier Delmotte refuse toute accusation d'un quelconque "laisser-faire". Selon lui, il est difficile de sanctionner un propriétaire qui ne respecte pas la loi. "Moins de la moitié des animaux domestiques sont identifiés à La Réunion, alors que la réglementation l’exige. Lorsqu'un animal est récupéré, mais qu'on ignore qui en est le propriétaire, on ne peut pas le sanctionner. En revanche, dès lors qu'un animal divagant est identifié, ou dès lors qu'un cas d'abandon nous est remonté, cela fait immédiatement objet d'une enquête. On a à cœur de mettre en avant notre aspect pédagogique, mais on n'hésite pas à activer le volet répressif lorsque c'est nécessaire" assure-t-il. L'homme affirme que 500 dossiers de "lutte contre la maltraitance animale", qui inclut l'abandon, ont été ouverts depuis 2020.
A noter que la proportion d'animaux divagants (qui appartiennent à un propriétaire, mais sont laissés livrés à eux-mêmes) est pratiquement aussi importante que celle des animaux abandonnés, comme le révèle un rapport de la DAAF sur l'errance animale, réalisé en 2018. Elle représente 42% des cas d'animaux à la rue.
Des opérations de stérilisation, le TCO (Territoire de la côte ouest) en a aussi entrepris. En 2021, il a réalisé près de 2.700 stérilisations sur des animaux errants. Mais l'intercommunalité explique surtout miser sur des exercices de sensibilisation face aux abandons, à travers différentes actions menées dans les villes du territoire. "Des actions sont entreprises avec les associations de protection animale pour améliorer la communication et la sensibilisation envers la population, et définir de nouvelles actions concertées. Le TCO et les polices municipales mènent des actions conjointes de rappel de la réglementation sur des zones à enjeux ou suite à des attaques", explique Gaëlle Arive, directrice de la communication au TCO.
"Le TCO travaille actuellement à la création d’un centre animalier, un refuge, et des salles pédagogiques", ajoute-t-elle. L'intercommunalité explique vouloir "responsabiliser davantage les propriétaires".
Ces actions entreprises depuis plusieurs années par les différents acteurs semblent commencer à avoir un impact sur le comportement individuel. Sadia Sprang admet en effet que même si ça ne va pas assez vite à ses yeux, "les mentalités commencent à évoluer petit à petit". Selon elle, "de plus en plus de gens commencent à se rendre chez le vétérinaire, à faire pucer leur animal, à le promener en laisse, l'abandon commence à être mal vu de la population. Ce n'était pas le cas il y a quelques années, ça avance doucement, mais ça avance".
Pourtant, les résultats ne sautent pas aux yeux dans les rues, tant la prolifération des animaux errants se fait rapidement, ce qui explique le sentiment d'inaction ressentie par certains acteurs associatifs.
tr/www.ipreunion.com/redac@ipreunion.com
C est une catastrophe sur j ai pu malheureusement constater lors d un séjour dur l île en tous ses pauvres chiens abandonnés cela fait mal au c'ur
Et si les vétérinaires participaient à ces campagnes ' L'errance, l'abandon, la stérilisation ! mais non, avec eux, tout est une question de moyens, tout est payant, on ne donne rien, aucun effort de prévention, aucun conseil, ni aucun soin d'animaux ne peut se faire gracieusement.