Le Dry january a commencé

Alcool : la consommation diminue chez les jeunes, mais "les efforts doivent continuer"

  • PubliĂ© le 4 janvier 2024 Ă  06:26
  • ActualisĂ© le 4 janvier 2024 Ă  11:37
alcool

La consommation d'alcool est souvent associée à une image festive et insouciante. Mais derriÚre cette façade se cache parfois un problÚme d'alcoolisme aux conséquences trop peu évoquées. Et si la consommation a tendance à baisser chez les jeunes, l'addictologue David Mété estime qu'il "faut impérativement poursuivre un travail sur les représentations, en dénormalisant la consommation d'alcool". Alors que le Dry January, le mois sans alcool, a débuté ce 1er janvier, les spécialistes de santé encouragent la population à y participer (Photo rb/www.imazpress.com)

"Quand je sors du travail, je n'ai qu'une envie, c'est de décompresser en retrouvant mes amis au bar. Je ne réalise pas tous les jours que je bois de l'alcool parce que ça fait partie de mon moment avec mes amis" confie Iris, serveuse de 19 ans, à Imaz Press. Elle boit quasi quotidiennement.

Un comportement observé chez de nombreux jeunes, dans le cadre de rencontres entre amis, qui doit alerter. "Surtout à 19 ans" nous explique David Mété, addictologue.

"Le développement du cerveau ne s'achÚve que vers 22-24 ans. La consommation d'alcool, en particulier le binge-drinking (alcoolisation ponctuelle importante), perturbe ce processus de maturation essentiel avec, de surcroßt, un risque de trouble addictif augmenté chez les jeunes" note-t-il.

En effet, plus la consommation consomme tĂŽt, plus l'apparition d'une addiction est probable. Emmanuel Ricard, porte-parole de la Ligue contre le Cancer, a d'ailleurs soulignĂ© en dĂ©cembre dernier sur France Inter que l'on "sait que plus on commence tĂŽt, plus il y a une habitude du cerveau et une appĂ©tence, c'est-Ă -dire une envie d'y retourner, qui va ĂȘtre importante". 

Alors que 7 Français sur 10 estiment acceptable de faire goûter de l'alcool avant l'ùge de 18 ans, selon un sondage OpinionWay, Emmanuel Ricard rappellait que "plus on commence tÎt, plus les effets de l'alcool sont majorés, puisque les organes ne sont pas terminés, ils sont en cours de construction".

En 2020, selon les chiffres de l'Observatoire rĂ©gional de la santĂ©, prĂšs de 6 Ă©lĂšves rĂ©unionnais sur 10 avaient dĂ©jĂ  bu de l’alcool au cours de leur vie, et prĂšs d’un quart rapportait un usage rĂ©cent au cours du dernier mois.

"Une part Ă©levĂ©e d’adolescents sont concernĂ©s par l’alcoolisation excessive : 1 Ă©lĂšve sur 6 (17%) a dĂ©jĂ  connu un Ă©pisode d’ivresse au cours de la vie et 1 sur 7 (13%) a connu une Alcoolisation Ponctuelle Importante (API) au cours du mois prĂ©cĂ©dant l’enquĂȘte" prĂ©cisait-il aussi.

A noter que les Ă©tudes soulignent de 80% des addictions s’installent avant les 18 ans.

- Addiction, anxiété et manque -

"J'ai dĂ» presque arrĂȘter parce que j'Ă©tais toujours mal le lendemain" tĂ©moigne LĂ©na , Ă©tudiante en troisiĂšme annĂ©e en Ă©cole de commerce. Pour elle, diminuer drastiquement sa consommation d'alcool "a Ă©tĂ© la meilleure dĂ©cision".

"Pendant plusieurs années, j'assistais à toutes les soirées de mon école, mais j'ai remarqué progressivement que j'étais de plus en plus irritable et stressée le lendemain. Maintenant, je bois seulement une fois par mois et je me sens bien mieux" explique-t-elle.

Cette Ă©tat de stress s'explique : il s'agit du "hangxiety" (mot-valise de "hangover", soit gueule de bois, et "anxiety", soit anxiĂ©tĂ©), qui dĂ©signe la sensation de mal-ĂȘtre au lendemain d'une soirĂ©e alcoolisĂ©e.

"Le 'hangxiety' varie d'une personne à l'autre. Alors que certaines ne le ressentent jamais, voire rarement, d'autres en souffrent fréquemment. Ce phénomÚne affecte particuliÚrement les individus au tempérament angoissé ou confrontés à des difficultés qui constituent des sources d'anxiété" nous explique le Dr David Mété.

Mais l'alcool ne se rĂ©sume pas uniquement aux dĂ©sagrĂ©ments physiques bien connus ressentis aprĂšs des excĂšs - dĂ©shydratation, mal de tĂȘte, vomissement...- il reprĂ©sente un autre danger qu'il convient de surveiller attentivement.

"L'alcool est une substance addictive, toxique et cancérigÚne" rappelle l'addictologue.

- L'Etat pas assez impliqué dans la lutte contre l'alcoolisme -

Depuis 1991, la promotion de l'alcool est encadrĂ©e par la loi Evin. Pour ne pas inciter les jeunes Ă  boire, la publicitĂ© est interdite sur les supports qui s’imposent Ă  tous comme la tĂ©lĂ©vision et le cinĂ©ma. Les sponsorisations sportives sont Ă©galement interdites.

La loi interdit par ailleurs la publicité en faveur d'une boisson alcoolique dans un périmÚtre de 200 mÚtres autour des établissements scolaires, les établissements de formation ou de loisirs de la jeunesse.

Pour autant, ces dispositions ne sont pas toujour respectées, La Réunion comprise. Le Dr David Mété dénonce d'ailleurs tout au long de l'année ces infractions à la loi.

En septembre 2023, une campagne de santé publique à destination des jeunes avait par ailleurs été réalisée mais vivement critiquée par le monde médical. Cette derniÚre s'abstenaitt d'évoquer ses effets dangereux pour privilégier des conseils en matiÚre de comportements à adopter.

Pour David Mété, "il faut impérativement poursuivre un travail sur les représentations, en dénormalisant la consommation d'alcool à l'instar de ce qui a été fait pour le tabac".

"L'alcool n'est pas un bien de consommation comme les autres : c'est une substance addictive, toxique, cancĂ©rigĂšne et tĂ©ratogĂšne (qui donne des malformations). Comme on le voit avec le mois de janvier sobre ('dry january'), il n'y a pas de volontĂ© politique au sommet de l'État pour que les choses changent, avec une coupable complaisance pour les lobbies alcooliers qui prime sur la santĂ© publique" estime-t-il.

Plusieurs dĂ©putĂ©s de La RĂ©union ont d'ailleurs signĂ© le 2 novembre 2023 un courrier destinĂ© au prĂ©sident de la RĂ©publique afin d’interdire la publicitĂ© d’alcools au sein de l’espace public Ă  La RĂ©union accompagnĂ© d'une note d'experts. Ils souhaitaient par ailleurs  une augmentation du prix des boissons alcoolisĂ©es, estimant qu'il s'agissait de "l’un des moyens les plus efficaces de rĂ©duire l’usage nocif de l’alcool".

- Dry January, un mois sans alcool -

LancĂ© pour la cinquiĂšme annĂ©e consĂ©cutive en France, sur le modĂšle d'opĂ©rations semblables dans le monde anglo-saxon et scandinave, le "Dry January" repose sur le mĂȘme principe du Mois sans tabac, organisĂ© en novembre. Mais Ă  la diffĂ©rence de celui-ci, le "Dry January" n'est pas officiellement soutenu par l'Etat, une situation regrettĂ©e chaque annĂ©e par une partie du monde de la santĂ©.

Les organisateurs comptent des associations, comme la Ligue contre le cancer, des municipalités, des organisations de médecins et des mutuelles, mais pas l'agence française de santé publique.

Santé publique France avait envisagé de s'y associer en 2020 mais y avait renoncé, un choix perçu par nombre d'experts comme un renoncement face au lobby de l'alcool, d'autant que le président Emmanuel Macron est réguliÚrement accusé de complaisance avec la filiÚre viticole.

Pour rappel, 45 000 décÚs annuels sont liés à l'alcool dans l'Hexagone et 400 à 450 à La Réunion, qui paie un trÚs lourd tribut à ce fléau selon le Dr David Mété.

L’arrĂȘt de l’alcool pour le corps, Ă  court, moyen et long terme, a plusieurs bienfaits : rĂ©gĂ©nĂ©ration du foie, amĂ©lioration de l’état de la peau, amĂ©lioration du sommeil qui devient plus rĂ©parateur, regain d’énergie, amĂ©lioration de l’humeur, amĂ©lioration des capacitĂ©s de concentration et de la mĂ©moire...

Une bonne nouvelle peut cependant ĂȘtre soulignĂ©e : selon l'ORS, un net recul des niveaux d’usage d’alcool, mais aussi de cigarettes et de cannabis a Ă©tĂ© relevĂ© chez les lycĂ©ens, avec un quasi-doublement des abstinents Ă  l’alcool : 14% en 2015 Ă  25% en 2020.

Une nouvelle encourageante, mais il est sans doute possible de beaucoup mieux faire.

lm/as/www.imazpress.com / redac@ipreunion.com

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