Phénomène de société

Barbie : la revanche de la poupée blonde

  • Publié le 19 août 2023 à 16:45

En tête des box-offices depuis plusieurs semaines maintenant, le film réalisé par Greta Gerwig, Barbie. Plus qu'un film, derrière ce long-métrage se cache un véritable phénomène de société à l'échelle planétaire, doublé d'un vaste engouement de la part du public. La poupée blonde a pris sa revanche (Photo : rb/www.imazpress.com)

Adèle a pu aller voir ce film au cinéma. Selon elle, "il souligne assez bien l'absurdité du patriarcat et les effets négatifs que cela a, même pour les hommes". Si certains critiquent le rôle alloué aux hommes, pour la jeune femme, "je ne comprends pas la polémique qui accuse le film de rabaisser les hommes, ils sont juste parodiés comme les femmes peuvent l'être depuis le début du cinéma".

Toutefois, elle n'irait pas "jusqu'à dire que c'est une ode au féminisme. Le traitement des sujets importants reste lisse. On n'est clairement pas dans une démarche militante forte et le film reste tout de même une publicité géante pour Mattel".

Pour Zohra, la vingtaine, "le film connaît un tel engouement parce qu'à mon sens il est universel". "Il parle du passage de l'enfance à la vie adulte pour les femmes, mais surtout de la perte de la naïveté, de la perte de l'innocence et la découverte du fonctionnement de la société."

"Quand la femme arrive dans la vie adulte elle se rend compte que cette société patriarcale est aux antipodes de ce qu'elle espère et veut lorsqu'elle est enfant. Les hommes la sexualise, la justice ne défend pas les agressées, les postes à haute responsabilité sont monopolisés par eux", nous dit la jeune femme.

"Dans le film, Barbie se rend compte que le monde "parfait" dans lequel elle vivait (Barbieland) n'existe pas dans le réel. Elle se met à ressentir des sentiments très forts qu'elle ne connaissait pas comme la tristesse, la peur, la honte. Des sentiments que toutes les femmes ont déjà ressenti à cause de certains hommes" souligne Zohra.

"Enfin, ce film parle du rôle de maman, et plus particulièrement celui d'une maman qui oscille entre un travail dans un milieu d'homme et l'éducation d'une adolescente qui ne se sent plus épanouie. C'est ce personnage qui sauve le monde réel et Barbieland en aidant Barbie à s'engager pour sauver les autres femmes, les autres Barbie", raconte Zohra.

"Cette maman se bat pour que tout rentre dans l'ordre et elle ne le fait pas juste pour Barbie, pour sa fille ou pour elle-même. Elle le fait pour toutes les femmes. Pendant un monologue dans le film elle parle de la vie en tant que femme et des attentes qui pèsent sur elles" dit-elle

- Un phénomène qui touche tout le monde -

Mais alors, est-ce pour ces raisons que les jeunes femmes majoritairement – et non pas seulement les petites filles à qui sont destinées les poupées Barbie, ont un engouement certain pour ce film ? Même si les plus âgées ont grandi avec.

Pour Zohra, "ce film touche tout le monde, parce qu'il s'adresse aux petites filles et aux petits garçons qui jouent aux Barbies et qui créent des mondes parfaits et utopiques en jouant mais aussi aux adolescents qui découvrent le monde réel et à quel point il est dur".

Mais aussi "aux adultes qui ont dû dire adieu à leur univers d'enfant, celui dans lequel ils se sentaient en paix et qui ont dû faire face aux responsabilités et à la solitude dans une vie qui n'a plus rien de magique, d'idéale et d'épanouissante".

La poupée – qui n'est pourtant pas si jeune (la première ayant été commercialisée en 1959) – alimente de vives passions.

Barbie astronaute, Barbie avec un handicap, Barbie de toutes tailles, de tous genres… "Avec ce film, le rose n'est plus considéré comme girly et genré", ajoute la jeune femme. Et c'est cela qui plaît autant. Car derrière les paillettes, se cache une tout autre histoire. On est là bien loin de l'image de poupée blonde stéréotypé que l'on pouvait voir il y a de cela quelques années. C'est d'ailleurs même l'argument de ce film, "Barbie can be anything! (Barbie peut être n'importe quoi)".

Pour la psychanalyste Fathia Belghomari de Saint-Pierre, "ce phénomène met surtout en relief certains problèmes sociaux". Il intéresse sur "la question de la sexualisation des filles et garçons, de l'esthétique, de la plastique et le rapport à l'image", note la professionnelle.

Et justement "la projection sur l'image du corps se fait, l'idéal du corps qui est donné se transmet par l'image commerciale et plus par les coordonnées familiales". "On ne devient plus femme de mère en fille, la conception de la famille a changé", indique la psychanalyste.

"C'est sérieux ce qui se passe", ajoute-t-elle. "Avec ce phénomène on va avoir l'idéalisation, une humanisation de Barbie. Tout c'est s'est créé pour commercialiser."

Mais alors, Barbie est-elle féministe ? "Aucune femme n'est comme une autre femme", précise Fathia Belghomari. "Ce qui est important, c'est en semble être à l'horizon de mutations subjectives de la société", note la psychanalyste.

- La vie en rose -

Mais si l'on peut voir dans ce film une ode à la femme, au "girl power (pouvoir des femmes)", le film de Greta Gerwig n'est ni plus ni moins qu'une opération marketing de grande ampleur.

La vie en rose prend tout son sens depuis plusieurs semaines. Du rose sur les bancs, sur les bus, sur les vitrines de magasins, et même sur Google ! À tel point qu’à la seule perception de cette simple couleur, on chercherait une promotion cachée de Barbie.

Depuis la sortie de ce film et l'engouement qu'il a créé, le monde a également vu une vague rose l'envahir. Décoration, habillement, nourriture, jouets… Une tendance qui n'a pas l'air de faiblir et est même partie pour durer. Il n'y a qu'à voir les 155 millions de dollars de recettes générés par le film durant le week-end de sa sortie aux États-Unis.

Depuis Barbie a dépassé le milliard de recettes, faisant de la réalisatrice Greta Gerwig, la première femme à franchir ce seuil.

Et ça fonctionne. Car même à La Réunion les commerces se sont emparés du phénomène.

Dans l'enseigne PoupouPidou à Saint-Pierre, les stylistes ont même reproduit la fameuse robe rose Vichy du film. "La tenue qu'arbore Barbie à l'affiche du film est inspirée d'une icône des années 50, Brigitte Bardot, d'où le nom de ma collection "BB", nous explique la gérante.

"En tant qu'artiste et créatrice, je ne pouvais que m'en inspirer et partager ma vision stylistique", dit-elle. "Pour mes clients, au-delà de l'image stéréotypée de Barbie, c'est une nostalgie de cette époque où l'élégance et le glamour étaient de mise, sous la modernité de 2023."

Les magasins surfent sur la vague et ne s'en cachent pas.

Même les magasins d'ameublement s'y mettent.

Les boîtes de nuit surfent également sur la vague, organisant des soirées "Barbie", comme ce fut le cas à Saint-Gilles.

Au Brésil, Warner Bros a même collaboré dès le 12 juillet avec Burger King pour un sandwich à... la sauce rose.

Même les poupées s'arrachent. Chez Star Jouet à Sainte-Marie, si l'impact est léger, il est tout de même présent. Le magasin avait d'ailleurs organisé un événement où adultes comme enfants "avaient adoré prendre des photos aux couleurs de Barbie", indique Karine, responsable adjointe du magasin.

À Saint-Louis, chez Jouet Club, l'effervescence autour de la poupée ne saurait tarder. En effet, le magasin est le seul à proposer en exclusivité une barbie signature rose du film habillée de la robe Vichy – qui ne devrait pas tarder à arriver en rayon.

"Il y a du monde qui demande quand les poupées vont arriver, autant enfants qu'adultes", nous indique Georges-Alexandre Libert, directeur général. Une barbie qui sera vendue en édition limitée aux alentours de 70 euros. Autre Barbie qui vont arriver, celles du film qui seront en vente aux alentours de 15 euros.

La couleur rose risque donc de squatter notre quotidien pour un bon moment.

Mais quelles sont au juste les significations de cette couleur, et comment est-elle devenue girly ? Autre question, cette couleur stéréotypée pourrait-elle être aussi un attribut féministe ?

Même sur le moteur de recherche Google, des étincelles roses apparaissent lorsqu'un utilisateur effectue la recherche sur la réalisatrice "Greta Gerwig", l'actrice principale "Margot Robbie", ou l'interprète de Ken, "Ryan Gosling".

Anecdote qui a son poids symbolique : Sarah Greenwood, cheffe décoratrice du film Barbie, a déclaré en juin dernier que la quantité de peinture rose utilisée sur le plateau du long-métrage était telle qu'il s'en est suivi une pénurie mondiale.

Entre tendances sur les réseaux sociaux, partenariats et hausse de la fréquentation des salles, le film Barbie semble conquérir le pays.

"En salle depuis plus de quatre semaines, Barbie fait partie des films qui cumule le plus d’entrées sur nos deux Cinepalmes", note Isabel Fontaine, responsable marketing du réseau ICC.

"On voit souvent le public jouer le jeu sur certaines sorties (où plusieurs spectateurs viennent en tenue cosplay) mais le phénomène Barbie est quelque chose de vraiment exceptionnel que l’on observe à La Réunion comme partout dans le monde."

"Cet enthousiasme se justifie notamment par le choix du casting, l’histoire que représente cette poupée iconique bien sûr mais aussi par l’incroyable promotion mise en place depuis plusieurs mois sur les réseaux. Nous sommes très heureux de voir que toute l’ascension autour du film a réussi à toucher les réunionnais et qu’ils se rendent nombreux et nombreuses chaque jour dans nos salles, vêtus de rose pour découvrir le dernier film de Greta Gerwig", termine le réseau ICC.

ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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2 Commentaires
HULK
HULK
1 an

"Phénomène de société"? Pauvre société! Heureusement çà ne touche pas "tout le monde",désolé.

CHABAN
CHABAN
1 an

Très belle publicité de MATTEL, par MATTEL pour MATTEL. Presqu'une dizaine € pour voir une pub géante, les MAD MEN sont forts.

Cours de l'action : MAT (NASDAQ) 20,76 $US -0,07 (-0,34 %) 18 août, 16:00 UTC−4