Alimentation

Colorants alimentaires : respecter la loi et satisfaire les consommateurs, tel est le défi des pâtissiers

  • Publié le 2 mars 2024 à 06:01
  • Actualisé le 2 mars 2024 à 09:20

Depuis le 1er janvier 2024, le contrôle de l'utilisation des additifs alimentaires est à la charge de la direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DAAF) de La Réunion. La réglementation est stricte : seuls cinq milligrammes de colorants par kilo corporel sont autorisés. Un véritable défi pour les pâtissiers qui doivent aussi tenir compte de la demande croissante des jeunes consommateurs pour les gâteaux de toutes les couleurs (Photo : rb/www.imazpress.com)

E129, E133 ou encore E110… Ces références qui sont en réalité les teintes des colorants rouge allura, bleu brillant et jaune orange font parti intégrante de la composition de nombreux aliments. C’est notamment le cas en pâtisserie avec la dernière tendance : le layer cake.

Cette pâtisserie est composée d'une succession de trois à cinq tranches de génoise (un gâteau moelleux réalisé à partir d'œufs battus, de sucre, de farine) et de crème. Un gâteau des plus banal, jusqu’à ce qu’on passe à la partie décorative : le “cake-design”.

Ces crèmes ou pâtes à sucre colorées, présentes dans la décoration, concentrent généralement la majorité des substances nocives pour la santé. Et c’est bien là le problème. Le cake-design est particulièrement apprécié des plus jeunes qui ne cessent de demander des couleurs et formes aux effigies de leurs personnages préférés. 

- Une réglementation stricte -

C’est la direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DAAF) de La Réunion qui a pris le relais de la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DEETS) sur le contrôle de la réglementation, depuis le 1er janvier. La DAAF veille ainsi à ce que les cinq milligrammes de colorants par kilo corporel autorisés soient respectés. 

L’organisation insiste sur ce point : "le professionnel est tenu de respecter les conditions d’utilisation de l’additif, notamment de ne pas dépasser une valeur seuil pour atteindre l’effet recherché". Et cela peu importe la texture du colorant.

Le colorant alimentaire est bel et bien un additif, et présente certains risques pour la santé. Néanmoins la loi française en permet l’utilisation sous certaines conditions.

Et si les cakes designer sont censés connaître la réglementation, elle n'en demeure pas moins difficile à appliquer.

Pendant qu'une pâtissière de l'est affirme que les dosages varient en fonction de la texture du colorant, son concurrent, qui préfère garder l'anonymat, affirme le contraire. Ce dernier fait d'ailleurs "confiance au site français Planète Gâteau". "Ils font très attention aux réglementations et au moindre problème il retire le produit", affirme-t-il.

"Plein de colorants ont été retirés du marché ces dernières années comme le colorant blanc", évoque le cake-designer. N'étant plus autorisé depuis 2022 à cause de l'agent E171 correspondant au dioxyde de titane, une substance cancérigène, le pâtissier doit trouver de nouvelles techniques pour parer aux problèmes.

Dans le cas le cas d'une coloration blanche, le blanc n'est "pas aussi éclatant qu'avant". Il ajoute : "il y a souvent rupture de stock de doré ou argenté quand il y a des mariages, mais je m'adapte, je mélange ma crème ou autre avec des paillettes comestibles dans la couleur souhaitée".

Du côté de la pâtisserie Kalïs à Saint-Denis, on n'est pas très inquiet : "nos gâteaux sont sans colorants, sans conservateurs. On les vend au jour le jour".

Ce pâtissier bien au courant de la réglementation préfère garder son habitude des gâteaux non personnalisés. "On fait quelque chose de plus simple et bon avec du biscuit et de la crème uniquement" dit-il.

- Une utilisation controversée -

A noter que la première loi pour réglementer les ingrédients non indispensables à la confection de produits a été votée en 1905. Elle est relative aux ingrédients “jouant une fonction spécifique”, comme l’explique la direction de l’alimentation,de l’agriculture et de la forêt (DAAF).

En 1910 un arrêté a été pris concernant la réglementation des colorants dans les confiseries et sucreries. Puis en 1912 un deuxième arrêté visant à contrôler les colorants et conservateurs dans les denrées alimentaires et boissons fut mise en place. Ce n’est qu’en 1960, que certains États membres ont trouvé un consensus sur ces règles. 

Désormais, les Etats membres de l’Union Européenne ont unifié ce règlement autour de trois points principaux. Premièrement, celui d’assurer que le consommateur soit informé de la présence de colorants.

Ensuite, éviter les tromperies sur la qualité d’un produit (par exemple, une coloration qui ne serait utilisée que dans le but de conférer une apparence de produit frais à un produit décongelé). Et enfin assurer la sécurité des consommateurs, en évitant qu’ils ne soient exposés à des doses d’additifs alimentaires qui pourraient présenter un risque trop élevé pour leur santé.

Pour assurer que les doses soient bien respectées, l’autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a mis en place une mesure réglementaire : la dose journalière admissible (DJA). Elle énonce une quantité de cinq milligrammes de colorants pour un kilo de poids corporel. Des contrôles fréquents seraient réalisés chez les fabricants ainsi qu’au sein des entreprises qui les utilisent.

Mais malgré les nombreuses règles mises en vigueur sur les colorants, beaucoup sont encore méconnues au sein même de la profession. Beaucoup se fient aux conseils d'utilisation inscrits sur le contenant de la matière colorée, écrit le plus souvent pour la marque américaine la plus vendue, en anglais avec des normes non-européennes… une sacrée cerise sur le gâteau.

cn/www.imazpress.com / redac@ipreunion.com

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1 Commentaires
LOD
LOD
7 mois

La réglementation peut être stricte, la loi n'est pas faite appliquée en France ; par-exemple, tous les produits à la vente (boulangerie, pâtisserie, restaurant collectif public comme privé) se doivent d'avoir une étiquette individuelle afin d'indiquer la totalité des allergènes pour chaque aliment (arachides, céleri, lait de vache, œufs, blé, soja, noix, poissons et fruits de mer, céréales riches en gluten ; mortels pour certaines personnes) et pourtant pas un commerce n'est en règle (enfin, j'en ai vu un à Saint-Pierre et un à Saint-Denis) et c'est une loi qui date de 2003 (amendé plusieurs fois jusqu'en 2011), soit 20 ans d'illégalité !!!

Dans un autre genre, il est interdit d'avoir les portes des magasins ouvertes si ceux-ci utilisent la climatisation, idem 1% des petits commerces sont dans la légalité.

Que ce soit pour l'écologie comme pour la santé (et la seconde n'existe pas sans la 1ère), dans la pratique c'est le business avant, quitte à compromettre l'avenir de tous ; après moi le déluge, parce que je le vaux bien !