Rapport annuel

Cour des comptes : le dérèglement climatique doit être "une priorité des politiques publiques ultra-marines"

  • Publié le 12 mars 2024 à 18:37
  • Actualisé le 12 mars 2024 à 18:50

Face à la multiplication des canicules, les villes françaises ont adopté "tardivement" des stratégies d’adaptation au changement climatique, constatent les magistrats de la Cour des comptes dans un rapport publié ce mardi 12 mars 2024. Dans les Outre-mer, les travaux conduits récemment "ont permis d’affiner la précision géographique des projections climatiques et d’identifier en détail, dans les différents territoires, l’amplification des aléas naturels liée changement climatique" mais "la qualité et la précision de cette information demeurent néanmoins globalement inférieures à celles disponibles dans l’hexagone". Les magistrats appelle à faire du dérèglement climatique une priorité des politiques publiques ultra-marines. (Photo photo RB/www.imazpress.com)

Alors que le changement climatique va entraîner "une amplification des phénomènes météorologiques extrêmes dans les outre-mer",  la prise en compte du changement climatique dans la prévention des catastrophes naturelles en outre-mer, l’organisation retenue, les moyens mis en œuvre, les méthodes utilisées ainsi que leurs limites, "sont des questions qui deviennent cruciales" rappelle la Cour des comptes.

 Afin de combler le retard pris entre les Outre-mer et l'Hexagone, Météo France "projette de fournir des simulations à haute résolution (2,5 km), d’ici fin 2025, pour les Antilles, la Guyane, La Réunion, Mayotte, la Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna et les îles les plus peuplées de la Polynésie Française"

Mais pour que ces connaissances scientifiques dépassent le strict cercle des experts et s’étendent aux acteurs de la prévention et à la société civile, plusieurs difficultés sont à surmonter.

D'abord, la "haute technicité du sujet et le volume de données disponibles, qui imposent de concevoir des supports d’information adaptés et régulièrement actualisés". Ensuite, "le manque d’analyse systématique des vulnérabilités et des risques par territoire en fonction des aléas, qui relativise l’efficacité de l’action des pouvoirs publics". Et enfin, "le déficit, au sein des collectivités locales, d’outils et de compétences nécessaires pour s’approprier ces connaissances et les traduire dans les politiques publiques".

Si la "culture du risque" est déjà présente dans les outre-mer, par la mémoire des phénomènes cycloniques et par l’implication de la population dans la connaissance des niveaux d’alerte et des comportements à adopter, elle " tend cependant à s’estomper, spécialement parmi les jeunes générations, du fait de la fréquence relativement peu élevée d’événements climatiques extrêmes" estiment les magistrats.

Ils soulignent par ailleurs que "des comportements individuels peu adaptés et une moindre adhésion aux efforts de prévention, notamment parmi les populations les plus exposées" sont apparus.

Dans ce contexte, la Cour des comptes estime que le développement d'une "culture rénovée du risque, adaptée aux nouveaux enjeux, visant particulièrement les jeunes, et utilisant des moyens de communication qui leur soient adaptés" est indispensable.

- Des jeunes moins sensibilisés -


Si de multiples documents de planification prévus par la réglementation existent, "la plupart de ces documents, dont la révision n’est pas assez régulière, n’intègre pas suffisamment le changement climatique comme amplificateur des risques" alertent les magistrats.

"Les services de l’État ont entamé un recensement de ces derniers en vue de leur mise à niveau en fonction des données scientifiques les plus récentes. Cependant cet exercice est rendu difficile par le nombre de documents, leur complexité et leur technicité" ajoutent-ils.

Cependant, l’utilité des stratégies de prévention déployées se confirme tout de même avec la constante diminution du nombre de décès malgré "la croissance démographique dans les zones à risque et l’augmentation de l’intensité des phénomènes météorologiques".

"Toutefois, certains territoires sont plus vulnérables que d’autres, notamment du fait de lacunes dans les dispositifs pré-opérationnels déployés" précise la Cour des comptes, qui préconise "un ajustement des moyens nationaux pré-positionnés dans les différents territoires en fonction des effets du changement climatique, des types d’aléas et de leur occurrence devrait être conduit".

Par ailleurs, les scénarios des exercices réalisés en outre-mer "ne prennent pas suffisamment en considération la probabilité croissante de superposition des aléas, qui augmente les risques de "surchoc " consistant en un phénomène au caractère totalement dévastateur, répliquant ou successif (cyclone, séisme, tsunami, etc ) et dépassant les capacités de réponse aux catastrophes d’un territoire donné".

Aujourd'hui, seule la direction interrégionale de Météo France pour l’océan Indien travaille avec les services de l’État à La Réunion à la caractérisation d’un épisode cyclonique extrême.

Enfin, les retours d’expérience qui suivent les exercices sont presque exclusivement tournés vers le point de vue collectif et ne tiennent pas suffisamment compte du point de vue individuel des habitants".

- Le dérèglement climatique doit être "une des priorités des politiques publiques" -


La Cour des comptes appelle donc à faire de la prise en compte du changement climatique dans la prévention des catastrophes naturelles une des priorités des politiques publiques ultramarines.

"Les collectivités ultramarines peinent à mobiliser efficacement les moyens financiers mis à leur disposition du fait des compétences spécifiques, notamment en matière d’ingénierie, nécessaires à la conception des dossiers et inégalement présentes dans les collectivités d’outre-mer" souligne le rapport.

Alors que le Fonds Barnier, doté en 2023 d’une ressource totale d’environ 200 millions d'euros, dont 42 millions pour les territoires d’outre-mer, constitue le principal outil de financement national de la politique de prévention des risques naturels majeurs, il finance "majoritairement des actions de confortement parasismique des bâtiments, dans le cadre du plan séisme Antilles, et ne peut être mobilisé par les collectivités du Pacifique, puisque le code de l’environnement ne prévoit pas expressément cette possibilité".

Les magistrats notent que "les situations démographique, économique et sociale des outre-mer peuvent conduire à des arbitrages difficiles entre les politiques de développement et les politiques de prévention et de lutte contre l’exposition au risque".

"De même, les fragilités structurelles des territoires ultramarins, cumulées à une insuffisante sensibilisation des habitants et des élus aux risques nouveaux apportés par le au climat en outre-mer changement climatique, conduisent à privilégier les investissements aux bénéfices de plus court terme" ajoutent-ils.

Enfin, les territoires ultra-marins sont "périodiquement éprouvés par des crises sociales, économiques, sanitaires". Dans ce contexte, "la logique de gestion administrative et financière des conséquences de ces crises tend à prendre le pas sur des politiques de prévention qui doivent se construire en anticipation et dans la durée".

La Cour des comptes formule donc les recommandations suivantes :

- promouvoir pour l’ensemble des outre-mer une expertise climatique à une échelle territoriale suffisamment fine pour permettre à l’action publique d’organiser une meilleure prévention des catastrophes naturelles

-  établir et mettre à jour l’ensemble des documents de planification, d’organisation de la prévention et d’information du public en matière de risques naturels par les collectivités locales, dans les départements et collectivités d’outre-mer et en Nouvelle Calédonie

- affirmer, aux niveaux national et territorial, une fonction de pilotage stratégique chargée de mobiliser, de diffuser les connaissances liées au changement climatique et de développer les mesures de prévention, notamment en adaptant les documents de planification

- définir dans les collectivités de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française, et à leur initiative, les conditions de mise en place et de financement d’un fonds de prévention des risques naturels

Retrouvez l'ensemble du rapport ici.

www.imazpress.com / redac@ipreunion.com

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1 Commentaires
HULK
HULK
5 mois

Tout le monde s'en fout du rapport de la cour des comptes. La somme des scandales qu'elle a dénoncés est considérable. On parle é jours du rapport et il part aux oubliettes. Travail certes intéressant, mais quasiment,voire totalement, inutile. Rendez-vous au prochain.