Recherches scientifiques

Deux chercheuses de La Réunion récompensées au 18ème prix Jeunes talents France l'Oréal-Unesco

  • Publié le 9 octobre 2024 à 05:04
  • Actualisé le 9 octobre 2024 à 13:46

Afin de valoriser de jeunes chercheuses prometteuses et d’accélérer leur carrière, la Fondation L’Oréal, en partenariat avec l’Académie des sciences et la Commission nationale française pour l’UNESCO, dévoile aujourd'hui, et pour la 18ème année consécutive, le nom des 35 doctorantes et post-doctorantes qui seront récompensées du Prix Jeunes Talents France 2024 L’Oréal-UNESCO Pour les Femmes et la Science. Parmi elles, deux chercheuses de La Réunion : Ambinintsoa Volatiana Ramanamahefa, chercheuse en météorologie, et Phuong Lien Tran, chercheuse en gynécologie (Photo Richard Pak et Clémence Losfeld – Fondation L’Oréal)

"Depuis mon plus jeune âge, je m'intéresse aux questions de météorologie" explique Ambinintsoa Volatiana Ramanamahefa, scientifique malgache qui travaille aujourd'hui à La Réunion.

C'est après l'obtention de son diplôme d'ingénieure à Madagascar qu'elle obtient une bourse d'excellence, co-financée par l'ambassade française et l'université de La Réunion, où elle va obtenir son master.

Ambinintsoa Volatiana Ramanamahefa travaille désormais sur sa thèse au laboratoire de l'atmosphère et des cyclones. "C'est un sujet qui me tient à cœur, parce que ça concerne les problématiques de notre zone et plus particulièrement mon pays. Les précipitations intenses sont sources de dégâts majeurs" rappelle-t-elle.

Ses recherches ont deux objectifs : "analyser les phénomènes qui déclenchent ces précipitations intenses (cyclones, tempêtes) à grande échelle, et étudier l'influence de la topographie sur la distribution spatiale et l'intensification des précipitations" détaille-t-elle. L'objectif final est de déterminer les zones les plus exposées aux risques des précipitations, afin de les préparer au mieux face aux risques.

A ses côtés, la gynécologue-obstétricienne Phuong Lien Tran recevra elle aussi un prix pour ses recherches autour de la vaccination contre le papillomavirus, responsable de la quasi-totalité des cancers du col de l'utérus.

Phuong Lien Tran a toujours su qu'elle voulait devenir médecin. "Je pense que ça a un lien avec ma naissance, ma mère a failli mourir d'une infection, elle a été sauvée grâce à un gynécologue qui lui a fait une césarienne en urgence. Peut-être que ça a joué dans mon choix" confie-t-elle.

Elle est arrivée à  La Réunion en 2012 dans le cadre de son internat. Sur place, elle se retrouve confrontée "à des femmes atteintes d'un cancer du col de l'utérus, parfois très jeunes. "Cela m'a profondément marquée, et j'ai décidé de me lancer dans la recherche sur le cancer, qu'on peut éviter grâce à la vaccination" explique-t-elle.

À La Réunion, la vaccination contre le papillomavirus rencontre une forte opposition. "Le mouvement contre ce vaccin est né à La Réunion, des médecins ont répandu des idées qui n'ont pas été prouvées. Depuis, des milliards de doses ont été distribuées, et les pays qui ont massivement vacciné se dirigent vers l'éradication de ce cancer" avance la scientifique.

Son travail porte sur l'éradication "par plusieurs moyens". "Il faut augmenter le taux de vaccination, en donnant des clés aux Réunionnais et en leur expliquant pourquoi il est important de le faire. Ça commence par sensibiliser les plus jeunes, comme c'est fait aujourd'hui, pour leur donner les clés de compréhension" détaille Phuong Lien Tran.

"Il faut aussi augmenter le dépistage des lésions du cancer du col de l'utérus, on part donc dans les villes où il y a moins d'offres de santé pour proposer des examens, comme à Trois-Bassins et Saint-Joseph. C'est essentiel car plus on le dépiste tôt, mieux on peut le guérir, malheureusement aujourd'hui ¾ des cancers sont diagnostiqués à un stade avancé" regrette-t-elle.

"Il y a un grand travail à faire pour éliminer le cancer du col de l'utérus à La Réunion, le taux de vaccination est encore plus bas que dans l'Hexagone avec 14% de couverture vaccinale contre 46%. En Australie, ce taux est de 80%, et la maladie a presque disparu. On part de très loin" insiste la chercheuse.

Il faut selon elle, "sensibiliser les collégiens mais aussi leurs parents et le personnel scolaire, l'éducation à cette vaccination se forme dès l'enfance".   

Alors que ce cancer est deux fois plus fréquent, et trois fois plus mortel à La Réunion que dans l'Hexagone, Phuong Lien Tran concentre ses efforts à la sensibilisation autour de la maladie.

Lire aussi - Santé à La Réunion : l'Agence régionale de santé dévoile ses priorités pour les mois à venir

- Féminiser la recherche -

Dans un secteur très majoritairement masculin, le Prix Jeunes Talents France 2024 L’Oréal-UNESCO Pour les Femmes et la Science récompense chaque année de brillantes doctorantes et post-doctorantes, à un moment charnière de leur carrière scientifique.

"En France, les femmes représentent seulement 29% des chercheurs, et dans le monde c'est à peu près 33%. Les stéréotypes font la différence, et il faut donc un modèle pour les jeunes filles. Je veux être un modèle pour les jeunes femmes malgaches" confie Ambinintsoa Volatiana Ramanamahefa.

"Je voulais juste suivre ma passion quand j'étais jeune, mais c'est vrai que ça aide beaucoup d'avoir de la représentation. C'est aussi une reconnaissance envers mes travaux et mes équipes. Cela montre que je suis sur la bonne voie" se réjouit-elle. "En fin de thèse, on a besoin d'encouragements et de reconnaissance. Ce prix m'a donnée l'envie d'aller plus loin dans la recherche. Après ma thèse, je compte bien me spécialiser dans mon domaine, la météorologie radar, et travailler dans un organisme international" conclut-elle.

Pour Phuong Lien Tran, les femmes "font beaucoup d'auto-censure, elles doutent de leur capacité à faire carrière et à allier leur vie professionnelle et leur vie privée". Pourtant, "elles sont tout aussi capables que les hommes pour travailler dans ces domaines, la science a besoin de femmes".

"La plupart des études ont été menées sur des sujets masculins, parce que la plupart des chercheurs sont des hommes. Je n'ai pas la prétention de devenir une icône, mais je veux pouvoir montrer à des jeunes filles qu'on peut avoir une carrière. Je veux être un médecin pour les femmes" conclut-elle.

Avec ce prix, ces deux chercheuses et les 33 autres Jeunes Talents rejoignent la plus grande communauté de femmes scientifiques dans le monde avec de plus de 4.400 chercheuses originaires de plus de 140 pays. Un réseau précieux pour favoriser la collaboration scientifique, s’inspirer et se soutenir face aux obstacles.

En leur accordant une dotation significative (15.000 euros pour les doctorantes, 20.000 euros pour les post-doctorantes) et en les accompagnant à travers un programme de formation, la Fondation L’Oréal et ses partenaires "réaffirment leur engagement indéfectible envers l'avenir de la science et la place des femmes au sein de ces disciplines".

as/www.imazpress.com / redac@ipreunion.com

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3 Commentaires
David
David
5 mois

Bravo à elles! Et quelle plaie ces antivax! En particulier ce charlatan de médecin qui passait partout dans les médias pendant la crise Covid et qui se permet en plus de sortir un "livre"...zot la pwin le nez!

Jolaracaille
Jolaracaille
5 mois

No comment...Respect total !..

Louis
Louis
5 mois

Bravo Mesdames