Visite présidentielle, c'est fini

Emmanuel Macron : trois petits jours et puis s'en va

  • Publié le 26 octobre 2019 à 03:00
  • Actualisé le 26 octobre 2019 à 07:37

Le Président de la République Emmanuel Macron a repris la direction de Paris en fin d'après-midi ce vendredi 25 octobre 2019, à l'issue d'une séquence agricole et d'un pique-nique à Grand Anse où le chef de l'Etat a pu profiter d'un dernier bain d'une foule avant de faire plusieurs annonces en direction de l'agriculture réunionnaise et notamment la création d'un plan 0 leucose. Plus globalement, si des mesures ont été annoncées dans le domaine de l'emploi notamment, ce déplacement n'aura pas été, pour la population, à la hauteur de la crise qui a secouée l'île il y a un an. Elle aura surtout été inédite par l'ampleur de l'expression de la colère des Réunionnais, allant jusqu'à provoquer des scènes d'émeutes dans certains quartiers de l'île. Trois petits jours et puis s'en va, Emmanuel Macron n'aura pas marqué La Réunion où sa côte de popularité ne risque certainement pas de remonter de si tôt (Photo rb/ipreunion.com)

• Emmanuel Macron dans les champs

Il avait fait un des enjeux majeurs de son déplacement à La Réunion. Le président de la République a apporté des réponses concrètes aux inquiétudes du monde agricole qui tirent la sonnette d’alarme depuis plusieurs mois.

A commencer par la création d’un fond d’action pour la stratégie et la transformation agricole d’un montant de 40 millions d’euros en 2020 afin d’accompagner la production locale et les filières innovantes. Il a par ailleurs annoncé le déplafonnement des aides directes à la production.

Concernant la filière canne sucre, le chef de l’Etat a confirmé le maintien de l’enveloppe de 28 millions d’euros par an jusqu’en 2021. " Nous devons ensuite construire ensemble l’avenir de la filière ", a-t-il déclaré en ajoutant " nous devons avancer avec méthode pour préparer le futur ". Il a ainsi annoncé la création d’un comité de transformation qui se réunira chaque mois autour du préfet de La Réunion et chaque trimestre autour des ministres de l’Agriculture et des Outre-mer " afin de défendre le futur de la canne et la réadaptation des outils ".

Emmanuel Macron a ensuite abordé la question de la leucose bovine. " Il ne m’appartient pas de qualifier la dangerosité des animaux. Il appartient aux scientifiques de le faire ", a-t-il expliqué en préambule, avant de d’annoncer un plan de sécurité sanitaire 0 leucose. " Le cheptel devra être assaini sous quatre ans ", a-t-il précisé.

Le Président de la République a par ailleurs annoncé plusieurs mesures telles que la mise en place d’un " marqueur de production locale pour préciser au consommateur le degré de localisme des produits locaux ", l’engagement de l’Etat aux côtés du Département dans le cadre du plan agripéi 2030 ou encore la mise en place prochaine d’un délégué interministériel pour la transformation agricole outre-mer en charge de plusieurs questions : la préservation du foncier agricole, le développement du bio, le respect des normes environnementales, la restauration scolaire ou encore l’installation de jeunes agricultures. 

Pour le président de la République, cette ambition agricole doit être bâtie autour de deux axes : l’autonomie alimentaire à l’horizon 2030 et le développement de l’export des produits à haute valeur ajoutée (vanille, café, plantes à parfum et médicinales etc.).

• Tout ça pour ça

Outre ces annonces sur l’agriculture, on retiendra les 700 millions d’euros engagés par l’Etat sur les trois prochaines années pour l’emploi à La Réunion. Cela se traduira par le maintien du niveau des contrats PEC (Parcours Emploi Compétence) à 12 000 par an, l’extension des emplois francs et l’extension des charges patronales à 2SMIC au lieu de 1,7 SMIC pour des secteurs identifiés.

Mais au final, la venue d’Emmanuel Macron à La Réunion n’a semble-t-il pas été à la hauteur des espérances de la population, un an après la crise des gilets jaunes qui, de l’aveu même du chef de l’Etat, s’est exprimée "le plus fortement " sur le  territoire réunionnais.

Cette crise était la traduction d’un ras le bol des problèmes du quotidien, notamment concernant le pouvoir d’achat et la vie chère. Les réponses du président sur ces enjeux sont loin d’être à la hauteur ou basées sur quelques grands principes.

Pour faire baisser les prix, il faut de la concurrence. Evidemment. Mais comment ? L’Etat n’interviendra pas précise immédiatement le président de la République, transformé en VRP de la coopération indo pacifique, comme si la capacité de projection de notre île à l’international était notre salut.

En ce qui concerne la nécessité de développer la concurrence sur l’île, difficile de trouver l’argument crédible alors que les marchés de la grande distribution et de l’aérien suivent le mouvement totalement inverse, à savoir une reconcentration des pouvoirs autour d’une minorité d’acteurs.

Autre grand principe, pour élever le pouvoir d’achat, il faut favoriser le développement d’activités qui induiront des créations d’emplois. Les travailleurs payés au SMIC qui représentent la majorité de la population salariée réunionnaise apprécieront certainement d’entendre que pour le chef de l’Etat, ils sont détenteurs d’un pouvoir d’achat non négligeable sur une île où la vie est plus chère de près de 30%.

L’autre sujet au cœur de l’actualité était celui de la Nouvelle Route du Littoral, l’un des chantiers les plus chers de France. L’Etat n’a vocation " ni à construire la route, ni à trouver le matériel ", avait précisé dès son arrivée le président. Emmanuel Macron a soigneusement pris le soin de renvoyer la balle vers la Région et Didier Robert, se félicitant simplement que " le territoire, avec l’ensemble des protagonistes, ait trouvé des solutions et puisse avancer ".

Cette visite est loin d’avoir apporté les réponses escomptées. Si Emmanuel Macron n’a pas vocation à être le père noël, les Réunionnais l’attendaient malgré tout, deux ans et demi après son élection, avec des mesures fortes, à la hauteur de la colère populaire inédite exprimée il y a an sur un territoire miné par le chômage, la pauvreté ou encore l’illettrisme.

Ce déplacement, cette très forte mobilisation policière, toutes ces zones de sécurité paralysant la circulation sur le chef-lieu, et toutes les dépenses liées à une telle séquence, laissent, au fond, un sentiment mitigé de " tout ça pour ça ".

• Jupiter s’attire les foudres des Réunionnais

On le savait impopulaire sur l’île avec seulement 23% d’opinions favorables selon un sondage Sagis pour le Journal de l’île. Le président de la République n’a guère redoré son image à l’issue de ces trois jours. Au contraire, rarement on a vu un chef de l’Etat en visite sur l’ile autant malmené par la population.

A commencer par la mobilisation de l’intersyndicale avec près de 600 personnes défilant contre la politique du gouvernement, stoppée nette devant le monument au mort, et dont la rencontre avec Emmanuel Macron a été annulée. " Le passage d'Emmanuel Macron à La Réunion est catastrophique " s'était exclamé Ivan Hoareau, porte-parole de l'intersyndicale.

Ensuite dans la rue où l’accueil de la population fut mitigé, voire parfois hostile comme aux Camélias où le président de la République a souvent été critiqué, tant pour son déplacement que pour sa politique. Le bain de foule s’est rapidement transformé en cahier des doléances voire en échanges tendus avec certains habitants.

Emmanuel Macron aura même réussi à embraser certains quartiers au Port ou à Saint-Denis. Du jamais vu lors d’un déplacement d’un président, témoignage d’un malaise social et sociétal profond et très certainement d’une déconnexion réelle entre les attentes des Réunionnais et le contenu de cette visite présidentielle.

La première journée de visite est emblématique de cet écart. Là où la population attendait le chef de l’Etat sur les questions du développement économique et de la lutte contre la concurrence, Emmanuel Macron a préféré évoquer le concept très vague de " développement indo-pacifique " qui devrait inciter les investisseurs de cet immense bassin à " Choose La Réunion ". Ambitieux, volontaire, voire même visionnaire, mais peu convaincant.

Alors, il est vrai qu’Emmanuel Macron n’est pas le seul responsable de la situation économique et sociale à La Réunion. C’est un héritage des politiques et des gouvernements successifs. Néanmoins, force est de constater qu’il n’aura pas su parler à une population à cran qui voulait des mesures réelles, concrètes, et immédiates (ou du moins sur le court terme) et qui ne comptait donc pas dire " merci monsieur le président " aussi facilement.

Jupiter aura certainement appris à ses dépens que la communication ne fait pas tout...

www.ipreunion.com

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2 Commentaires
zavoca marron
zavoca marron
4 ans

Et, quelle serait la responsabilité de l'électeur ici?

Ti caf bord mer
Ti caf bord mer
4 ans

Nos élus seuls responsables avec la complicité de Paris du coma social a la Réunion si demain le rassemblement national dirigera notre pays ça sera de leurs fautes et incompétence