Un phénomène inquiétant

Fast-food à profusion : comment toujours plus engraisser les Réunionnais

  • Publié le 24 octobre 2022 à 10:18
  • Actualisé le 24 octobre 2022 à 21:37

Quand il y en a plus, il y en a encore… Depuis des mois, les enseignes de restauration rapide pullulent dans notre département. Le dernier en date, G la Dalle, installé en plein cœur de Saint-Denis. Une inauguration qui avait complètement saturé les rues du chef-lieu. Et comme si cela ne suffisait pas, ce dimanche, un nouveau fast-food a ouvert ses portes, encore à Saint-Denis. Le propriétaire n’est autre que le chanteur Dadju. Et cela n’est pas près de s’arrêter. À croire qu’il n’y en a jamais suffisamment pour nous engraisser. À ce rythme-là, il y aura même plus de fast-food que de restaurants à La Réunion (Photo d'illustration : rb/www.imazpress.com)

A titre d’exemple, du trajet du domicile au lieu de travail, une dizaine de publicités géantes ornent le bord des routes. Si ce n’est pas de l’agression visuelle et de l’incitation pure et simple à la malbouffe, on se demande ce que sait. Ces mêmes panneaux, qui affichent très, trop, souvent des publicités pour l’alcool. Entre les deux, on ne saurait quoi dire… Mais méfiez-vous des hamburgers et tacos alléchants de la publicité. En réalité, c’est beaucoup moins réjouissant. Magali Tarnus, nutritionniste le sait que trop bien, « on mange d’abord avec les yeux ! Et le marketing de ces marques de fast-food l’a très bien compris ».

Si encore il n’y avait que les publicités tous les 50 mètres. Les chantiers de constructions d’enseignes dédiés à la malbouffe démarrent les uns après les autres, aux quatre coins de l'île. Mercredi, nous étions à Saint-Pierre pour le Grand Raid, événement sportif où le régime alimentaire des traileurs est très important. Mais… devant quoi passons-nous ? Le chantier d’un futur KFC. Une enseigne qui s’implante un peu partout dans l’île, et prochainement à la Réserve à Sainte-Marie.

C’est vrai qu’il y a « tellement peu » d’enseignes qu’il en faut encore et toujours plus, au cas où l’on aurait faim. Dans cela nous pourrions y voir également le signe d’une guerre non dissimulée entre les grandes enseignes de restauration rapide, pensant plus à faire du profit sur le dos de la population, qu’à la préservation de leur santé.

- Les fast-food, pas tellement "good" -

Certes, ces repas sont rapides et pas chers (quoique...), mais en termes de goût, de saveur et de santé surtout… là, la question ne se pose pas, tout le monde le sait, c’est très mauvais. Il serait facile pour les franchisés de jeter la pierre sur les Réunionnais, en disant qu’ils ne sont pas forcés à venir manger chez eux. Mais avouez qu’entre inaugurations en grande pompe et matraquage de publicités, prix attrayants (pour l'ouverture) … difficile de passer à côté. Ne serait-ce pas là complètement inapproprié, dans une région où le taux de diabète est l’un des plus élevé de France et concerne 80.000 personnes, soit 10% de la population réunionnaise. 10% ... beaucoup trop pour une maladie chronique qui, on le sait peut engendrer des complications sévères pour les patients comme des insuffisances rénales, des amputations voire même des décès.

De plus, à La Réunion, une personne sur deux est en situation de surpoids. Une obésité de plus en plus précoce et souvent couplée à des comorbidités.

Pourtant, tout le monde sait que « ces aliments sont de mauvaise qualité, trop gras, trop sucrés, trop salés », alerte Magali Tarnus, nutritionniste. Elle ajoute, « on les aime parce que très souvent ces aliments activent le circuit de la récompense dans notre cerveau et nous font ressentir du bien-être, du réconfort sur le moment ».

Mais, dit-elle, « plus il y a de fast-food plus on ira manger là-bas ». Un véritable cercle vicieux.

- Restauration rapide, la fausse bonne idée pour faire des économies -

Et pourtant, savez-vous, que si vous pensez faire des économies en allant dans les enseignes de restauration rapide, vous vous mettez le doigt dans l’œil. Plus vous y allez, plus vous payez, plus vous êtes tentés.

La solution pour faire de vraies économies : cuisiner maison. Certes, cela prend un peu plus de temps mais vous y gagnerez largement. Autre conseil prodigué par Magali Tarnus, "il faut se sevrer, comme on se détache d’une addiction à la drogue par exemple". Eh oui, la junk food agit comme une drogue. « Ayez en tête que la malbouffe fatigue le corps et manque de bons nutriments pour être en pleine forme et de bonne humeur. »

Lire aussi - Malbouffe : les Réunionnais mangent de plus en plus d’aliments ultra transformés

- Quand est-ce qu'on se bouge ? -

Mais alors, que font nos élus… se ruent-ils aussi dans les fast-food, tellement qu’ils ne pourraient agir ? Cela nous étonnerait fort. Les cantines des collectivités et des assemblées sont bien meilleures à la fois pour la ligne et pour la santé.

Notre nutritionniste, Magali Tarnus, « rêve qu’à La Réunion, nos élus prennent les décisions en faveur de notre santé ». Elle aimerait « que l’on limite le nombre de fast-food par nombre d’habitants ». Malheureusement, vaste utopie qu’est ce rêve.

Fort heureusement, certains élus se sentent concernés par ce fléau. Jean-Hugues Ratenon, député, « le concept des fast-food n’est pas à blâmer, même si je le regrette ». Pour lui, « il faut prendre son temps pour manger, mais aujourd’hui tout va tellement vite que les gens font l’impasse sur ce temps de répit et de détente ».

Jean-Hugues Ratenon reconnaît toutefois que l’implantation de ces restaurants est une bonne chose pour l’économie. En même temps ce n’est pas un secret pour personne vu le nombre de clients que servent ces établissements de restauration rapide chaque jour. Après « fast-food ne doit pas rimer avec malbouffe », dit-il.

Karine Lebon, députée, est « consciente que cela correspond à une demande de la population et que cela crée des emplois mais ceci crée aussi des problèmes de santé tels que l’obésité et le diabète ». Ce qu’aimerait la députée, c’est demander une limitation géographique du nombre de fast food. « Comment justifier que dans certains coins de l’île, il y ait trois fast-food distants de quelques centaines de mètres ? », s’insurge-t-elle. En ce sens, elle l’a assuré, « je déposerai une question écrite à ce sujet au ministre de la Santé ».

Pour Philippe Naillet, député, "le développement des fast-foods à La Réunion s’inscrit dans un contexte paradoxal de vie chère et d’une importante prévalence de maladies cardiovasculaires. En effet, 10% de la population réunionnaise est touchée par le diabète". "Si de nombreuses voix s’élèvent contre ces enseignes dites de malbouffe, le sujet mérite de porter l’attention sur notre alimentation", ajoute-t-il. "Enfin, comme pour d’autres produits identifiés comme nocifs pour la santé, la publicité pour ces établissements pourrait être mieux encadrée", conclut le député.

Alors, c’est bien beau d’appeler la population à faire attention à sa consommation, à la santé, à l’obésité et au diabète… mais ne faudrait-il pas d’abord commencer par limiter l’installation de ces temples dédiés à la malbouffe ? À bon entendeur...

ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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