Ce week-end du 30 septembre au 1er octobre 2023, a lieu la fête de la fraise au Domaine Vidot à Montvert-les-hauts (Saint-Pierre). La fraise, un fruit dont le rouge étincelant fait saliver les gourmets et dont le goût sucré (souvent accompagné de sucre ou de chantilly), fait frétiller les papilles est cultivée ici, à La Réunion. Et alors que la filière a connu deux années difficiles en raison de la sécheresse, selon la Chambre d'agriculture, 2023, "la saison sera bonne". Mais la filière n'est pas épargnée par les difficultés climatiques et environnementales (Photo : rb/www.imazpress.com)
Thierry Vienne, de l'Office municipal de développement, agricole et rural (OMDAR) est à l'initiative de cette fête de la fraise. Un petit fruit que l'on trouve généralement dans les hauteurs de l'île, notamment à Montvert-les-hauts, Le Tampon, à Sainte-Marie ou encore Salazie.
"La filière fraise se dynamise et présente un attrait important par les jeunes", indique Frédéric Vienne, président de la Chambre d'agriculture de La Réunion.
La saison va de mai à décembre et le pic de prodiction a lieu fin septembre, début octobre.
A La Réunion, on compte environ 80 producteurs de fraises – appelés autrement les fraisiculteurs. Des producteurs qui cultivent de la camarosa "pour la grande majorité", de la rubygem - qui est la plus sucrée - la San Andréas qui, actuellement donne les meilleurs résultats tant gustative que de rentabilité au champ (résistance au climat, fructification...) ou encore une fraise 100% pei, l'Armelle. "Une variété crée à La Réunion par l'Armeflhor (Association Réunionnaise pour la Modernisation de l'Économie Fruitière, Légumière et Horticole).
- 25 hectares cultivés -
La culture de la fraise représente une production annuelle de 750 tonnes, s'étalant sur une superficie d'environ 25 hectares. Une exploitation moyenne occupe 3.000 mètres carrés, ce qui équivaut à une plantation annuelle moyenne de 10.000 plants par producteur.
La consommation locale de fraises s'établit de l'ordre de 1.000 tonnes/an dont 20 % proviennent de l'importation.
À La Réunion, "les plants viennent des pays froids qui vont permettre une bonne dormance pour se régénérer et quand ils arrivent par bateau avec les beaux jours, la fraise refleurit", explique Thierry Vienne. "Si le délai par bateau a bien fonctionné le plant arrive en pleine santé et s'il y a un contretemps les plants de fraise sont morts." Chaque année, ce ne sont pas moins de 100.000 plants qui sont importés.
Et cette année, selon les prévisions, "on s'attend à avoir 750 tonnes de fraises". Un très bon chiffre pour la Chambre d'agriculture. "Surtout après deux années difficiles avec la sécheresse et les maladies qui ont attaqué les champs", souligne Frédéric Vienne. "Cette année, c'est une bonne année, on a déjà des fraises, il faut en profiter", dit-il, rappelant que le prix moyen d'une barquette sur le marché est de 2,50 euros.
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- Une filière sensible aux aléas climatiques -
Mais si la saison s'annonce fructueuse, la filière n'en reste pas moins fragile. Fragile face au climat et fragile face aux nuisibles.
Si la saison s'annonce bonne, pour Alan Hoarau, producteur à Saint-Pierre, "en ce moment on compte plus ce qu'on jette que ce qu'on récolte". "On amasse un gros travail parce qu'avec la chaleur les fraises murissent vite." Une chaleur profitable aux nuisibles.
"Cette année, la période est très chaude et sèche, du coup les fraises ont du mal à supporter la chaleur, elles peuvent même cuire sur place avant d'être récoltées", explique Alan Hoarau de Fraises et compagnies à Montert-les-hauts.
Toutefois, si certaines fraises sont perdues et d'autres bonnes pour la commercialisation, Alan Hoarau a également ouvert cette année un laboratoire de pâtisserie directement sur son exploitation. L'objectif, récupérer ce qui ne peut être vendu mais qui est encore bon pour transformation. "S'il y a des fraises légèrement abîmées mais pas gâtées on les transforme en purée, on fait des gâteaux", dit-il.
Le temps chaud et sec n'est pas un bon ami pour la fraise. "En effet, s'il fait trop chaud les fruits murissent plus rapidement, ce qui augmente les difficultés pour récolter, car il faut récolter vite dans un court répit et cela écourte la saison", note Frédéric Vienne.
"Un fruit où le facteur météo va avoir de l'influence. S'il y a trop de pluie ou de cyclones, cela va dévaster les champs et comme c'est une culture en plan importée chaque année, il est plus fragile", ajoute Thierry Vienne de l'OMDAR.
Une chaleur qui, selon les prévisions de Météo France, ne risque pas de diminuer au fil des années, réchauffement climatique oblige.
Alan Hoarau avoue être inquiet pour la suite. "Je connais des producteurs et voisins qui faisaient de la fraise en altitude à. 700 mètres mais avec le climat qui se réchauffe c'est difficile et ça fait baisser la récolte."
"Il faudra s'adapter et donc accentuer la production en la protégeant sous abris et avoir un système d'irrigation au goutte à goutte", indique le président de la Chambre.
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- Mouches des fruits et oiseaux, grands amateurs de fraises -
Autre ennemi juré de la fraise – et de beaucoup d'autres fruits - la mouche des fruits. "La mouche des fruits est attirée par la couleur rouge du coup elle pique le fruit et pond ses œufs à l'intérieur", explique la Chambre d'Agriculture.
"On a tout le temps des oiseaux, des mouches des fruits… ils savent choisir les fraises qui sont bonnes", note Alan Hoarau, producteur à Montvert-les-hauts.
Pour lutter contre cette mouche, il existe la production sous serre. Pour ceux qui cultivent en dehors, seuls moyens de se protéger, le piégeage. Toutefois, cela a un coût. En effet, les phéromones utilisées coûtent très cher et doivent se changer fréquemment. "Mais l'agriculteur n'a pas le choix car c'est le seul moyen de lutte vertueux. On place les phéromones autour des parcelles de fraises avec comme objectif de les piéger dans les bouteilles", précise Frédéric Vienne.
"La Drosophila Suzukii est apparue il y a environ cinq ans, et elle pose de nombreux problèmes en piquant les fraises, en particulier en période de début de chaleur et en fin de cycle, généralement de novembre à décembre. Malheureusement, en raison du réchauffement climatique et de l'augmentation moyenne des températures, les premières piqûres surviennent désormais plus tôt dans la saison, dès le mois d'octobre", précise Éric Lucas, technicien à la Chambre pour l'unité production frutière.
À cela s'ajoutent les oiseaux – notamment le merle de Maurice - eux aussi attirés par le bon goût sucré de la fraise péi.
Des ennemis qui obligent les fraisiculteurs à s'adapter et à récolter plus intensément.
Autre difficultés, "la filière de la fraise est confrontée à des difficultés similaires à celles des autres filières maraîchères, notamment des problèmes liés aux coûts des intrants tels que la forte hausse des prix des plants importés et des engrais organiques", indique Éric Lucas, technicien à la Chambre d'agriculture.
- Une filière en mal de main-d'oeuvre -
Une filière fraise qui subit également le manque d'attractivité. Si les jeunes agriculteurs s'intéressent à la culture de fraise, les saisonniers se font eux plus rares.
Une filière qui demande énormément de main d'œuvres mais pour laquelle, il y a peu de saisonniers. "La main-d'œuvre est plutôt rare vu la difficulté du terrain et la hauteur", note Alan Hoarau.
"On n'y échappe pas, que ce soit pour la fraise, la canne ou tout autre filière", note Frédéric Vienne. "On souffre de ce manque d'attractivité et pour cela il faut faire évoluer les conditions de travail."
C'est d'ailleurs pour cela que plusieurs fraisiculteurs ont installé leurs fraises hors-sols pour éviter d'être cambré et "de se retrouver réformé en fin de journée".
Malgré ces défis, la fraise demeure un fruit très apprécié des Réunionnais, qui ont un penchant particulier pour les fruits rouges tels que les goyaviers, les letchis et les fraises.
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