L’esprit de Raymond Devos va planer sur le théâtre du Grand Marché durant trois représentations - qui affichent d’ores et déjà complet - de « J’ai des doutes ». Spectacle dans lequel François Morel ressuscite avec maestria les textes de l’humoriste franco-belge disparu en 2006 (photos V.W.).
Autant le dire de suite, François Morel n’a pas de certitudes, si ce n’est le plaisir de jouer, mais il a des doutes ! Lesquels sont en réalité ceux de Raymond Devos qu’il met en scène dans son spectacle fort de plus de 300 représentations, et intitulé à juste titre « J’ai des doutes », emprunté à l’une des phases cultes de l’humoriste qui aurait eu 100 ans l’an dernier.
L’ancien Deschiens, de retour à La Réunion pour la troisième fois (son dernier séjour remontant à 2016) qui a, pour ce spectacle, été récompensé par le Molière du meilleur comédien dans un spectacle du théâtre public en 2019, nous prend par la main et nous plonge dans un univers empreint de poésie, d'humour et de tendresse.
En compagnie de Romain Lemire au piano (ou d’Antoine Sahler), costume et nœud papillon sont de sortie pour faire revivre les textes et les sketchs d’un homme célèbre pour ses jeux de mots, ses mimes, son goût pour les paradoxes et les non-sens cocasses et qui a marqué la scène humoristique francophone.
Une manière aussi pour François Morel, passionné par l’héritage de l’artiste qu’il a découvert dans sa jeunesse, à qui il voue une admiration sans bornes, de continuer à le faire vivre à travers une quinzaine de textes hyper respectueux de l’esprit Devos qui parlait de la vie, de la mort et de l’irrésistible absurdité qui se trouve entre les deux. Et attention, il n’est pas question d’imitation mais plutôt de mettre ses pas dans ceux de son maître.
D’ailleurs, il le dit lui-même : "J’ai essayé de faire un spectacle plus proche du music-hall que de la récitation de textes. Mais il s’agit de mon music-hall à moi. On s’amuse, on ne s’interdit pas d’inventer et de réinventer des choses même si le spectacle demeure très précis et correspond à la mise en scène voulue au départ", indique l’humoriste qu’on pourrait qualifier de véritable touche-à-tout puisque tour à tour comédien, humoriste, chanteur, chroniqueur sur France Inter, écrivain.
Et à la question « pourquoi n’avoir pas encore endossé la casquette de réalisateur », il répond tout simplement : "Parce que ce n’est pas mon métier. J’aime bien tourner dans des films mais en faire un, ne correspondrait pas à mon rythme de travail. M’enfermer loin du public ce n’est pas mon truc, j’aime trop ça et j’en ai vraiment besoin".
Ainsi, malgré sa disparition, l’écriture de Raymond Devos continue à plaire et à faire rire, pour le plus grand bonheur de François Morel qui regrette toutefois qu’on réduise l’homme à quelqu’un qui ne faisait que des jeux de mots.
"Devos c’est un univers parallèle. Ce n’est pas que des textes déversés sur le public, c’est aussi des images, des mimes, des temps de silence, du théâtre… C’est merveilleusement intelligent et très bien écrit. Et si au début, j’ai eu des doutes sur ce spectacle, à présent ce n’est plus le cas au regard du succès auprès du public qui est très heureux de retrouver cet univers-là".
Les trois séances du théâtre du Grand Marché affichant complet, tous les doutes en la matière sont en effet levés. En fait, il n’y en a même jamais eu !
- Trois questions à François Morel -
Des doutes, en avez-vous dans la vie ?
Tout le temps, tous les jours, que ce soit dans mes chroniques pour la radio, ou lors de l’écriture d’un spectacle. Se remettre en question, quoi !
Et qu’est-ce qui vous rend heureux ?
Les relations avec mes amis, ma famille, être sur scène de manière générale malgré une petite inquiétude bien souvent. Je suis aussi très heureux quand j’ai écrit quelque chose qui me fait plaisir, même si je ne suis pas toujours heureux d’écrire mais heureux d’avoir écrit.
Brassens, Raymond Devos… À qui pensez-vous rendre hommage un jour ?
Pourquoi pas Guy Béart ? Nombre de ses chansons sont formidables et sont de véritables merveilles.
- Dans le rétro…-
- Le spectacle est né d’une demande émanant de Jeanine Rose qui organise Les concerts du dimanche matin au théâtre des Champs-Élysées. Elle souhaitait ainsi rendre hommage à Raymond Devos à l’occasion du dixième anniversaire de sa disparition.
- En 2016, François Morel disait de Devos : « Ceux qui l’ont vu s’en souviennent : Raymond Devos fut un phénomène rare. Comme les arcs-en-ciel de feu circulaire, comme les colonnes de lumière, comme les vents d’incendie, comme les nuages lenticulaires, il a surgi, miraculeux et mystérieux, derrière un rideau rouge qui s’ouvrait sur l’imaginaire. On n’avait jamais vu ça ! Et, devant cet homme en apesanteur, on avait le souffle coupé ».
"J’ai des doutes", de François Morel, au théâtre du Grand Marché ce jeudi 14 septembre, 19h, vendredi 15 septembre, 20h et samedi 16 septembre, 20h
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