Pour la 17ème édition du Prix jeunes talents France, la Fondation L’Oréal a récompensé 20 doctorantes et 15 post-doctorantes à travers le pays. Parmi elles, Helena Teixeira, une post-doctorante portugaise qui étudie la biologie évolutive au sein de l'Université de La Réunion. Son étude sur comment les changements environnementaux et l'activité humaine a mené les pétrels noirs de Bourbon proche de l'extinction a été récompensée (Photo Clémence Losfeld – Fondation L’Oréal)
Passionnée par la biodiversité depuis son enfance, Helena Teixeira a mené des études en biotechnologie au Portugal, avant de préparer une thèse en médecine vétérinaire en Allemagne. C'est à l'Université de La Réunion qu'elle étudie désormais, où elle s’intéresse aux mécanismes à l’origine du déclin des espèces.
"J’ai ressenti le besoin de comprendre pourquoi il n’y avait pas de chimpanzés au Portugal ou pourquoi les loups vivaient dans un système social très organisé" se rappelle-t-elle. "Mon stage de licence, qui s’intéressait à l’étude génétique du loup ibérique, a confirmé ma fascination pour la biologie évolutive. Aujourd’hui, je travaille avec une espèce d’oiseau marin déclarée éteinte, mais qui a été redécouverte dans les années 70. N’est-ce pas incroyable ?"
En effet, le pétrel noir de Bourbon, oiseau endémique de La Réunion, a attiré son attention. "C'est un oiseau qui fait partie de la culture réunionnaise, et qu'on ne trouve nul part ailleurs. Il me semblait important de s'intéresser aux raisons qui ont mené à cette presque-extinction" explique Helena Texeira.
"L'objectif de mon étude était de comprendre dans quelle mesure l'impact naturel, c'est-à-dire l'activité volcanique et les changements climatiques passés, ainsi que l'activité humaine, ont impacté les populations des pétrels noir de Bourbon" explique la scientifique.
"La conclusion principale des analyses en cours est que des éruptions volcaniques ont créé un déclin massif de la population de pétrels" détaille-t-elle. Un autre déclin a ensuite été créé "avec l'apparition des activités humaines, notamment en raison des lumières qui déboussolent les pétrels et les font s'échouer à terre".
"En retraçant l'histoire des pétrels noir de Bourbon grâce à des analyses ADN, on peut estimer que l'activité volcanique a eu impact fort sur le nombre d'oiseaux présents dans l'île. On sait que les pétrels reviennent sur terre pour s'accoupler. On peut supposer qu'en raison des éruptions et de la roche volcanique, les oiseaux avaient moins d'espace pour se reproduire" souligne Helena Teixeira.
Cette étude désormais terminée, elle souhaite s'intéresser aux pétrels de Barau, pour étudier le même phénomène.
"Face à l’urgence environnementale actuelle, mes recherches permettent d’améliorer nos connaissances sur la manière dont les espèces ont répondu aux perturbations environnementales du passé, et ainsi de mieux identifier les principaux moteurs du déclin des populations. Les résultats de mon projet permettront ainsi d’élaborer des plans de conservation plus efficaces des espèces menacées" explique la scientifique.
- Pour plus de femmes dans le domaine de la science -
Elle et 34 autres scientifiques prometteuses vont se voir attribuer une dotation de 15 000 euros pour les doctorantes et de 20 000 euros pour les post-doctorantes, qui les aidera à poursuivre leurs travaux de recherche.
"Elles vont également bénéficier de formations au leadership (notamment en développement personnel, négociation, communication et prise de parole en public), visant à leur donner des moyens supplémentaires pour affronter le "plafond de verre" et mieux valoriser leurs recherches scientifiques" indique la Fondation.
Ce prix a été mis en place alors qu'aujourd’hui en France, les femmes sont encore trop peu présentes dans la recherche scientifique : elles ne représentent que 28 % des chercheurs, contre 33,3 % au niveau mondial. De plus, en Europe, seulement 14 % des hautes fonctions académiques en sciences sont exercées par des femmes. Moins de 4 % des prix Nobel de sciences ont été décernés à des femmes dans le monde.
Si Helena Teixeira souligne que la biologie "est le milieu où le ratio de femmes est l'un des meilleurs", elle signale tout de même que "les postes à responsabilité sont trop souvent encore attribués à des hommes". "Nous avons besoin d'avoir plus de femmes à des postes de responsabilité, afin que les jeunes femmes aient des modèles et se disent qu'elles aussi elles peuvent se lancer dans les sciences" estime-t-elle.
"Beaucoup de concours prennent désormais en compte l'égalité femmes-hommes, et les prix comme celui de la Fondation L'Oréal font avancer les choses. Cela commence à changer" se réjouit-elle.
Les programmes nationaux et régionaux Jeunes Talents Pour les Femmes et la Science de la Fondation L’Oréal, en partenariat avec l’UNESCO, permettent de remettre chaque année près de 250 dotations dans plus de 110 pays. Ces prix apportent aux Jeunes Talents un soutien spécifique à un moment charnière de leur carrière scientifique.
Provenant de France métropolitaine et des régions d’Outre-mer, et issues de domaines de recherche très divers, les chercheuses lauréates de cette année souhaitent partager et transmettre leur passion pour la science, afin d’inspirer les scientifiques de demain.
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