Soldes

Inflation : il y a (de plus en plus) d'écart entre le lèche-vitrines et le passage en caisse

  • Publié le 2 septembre 2023 à 11:38
  • Actualisé le 2 septembre 2023 à 11:40

Ce samedi 2 septembre 2023, marque le coup d'envoi pour quatre semaines des soldes à La Réunion. L'occasion pour les commerçants d'écouler leurs stocks. Quatre semaines à la chasse aux bonnes affaires pour les clients… ou pas. Car derrière ces promotions à gogo, des -50%, des -40% en veux-tu en voilà, se cachent des clients au porte-monnaie vide et une filière textile en crise. Une filière et des commerçants qui craignent chaque jour pour l'avenir de leur entreprise. Des commerçants qui voient déserter chaque jour un peu plus les clients, fortement touchés par l'inflation (Photo d'illustration rb/www.imazpress.com)

"On espère que les clients seront au rendez-vous mais la période est très difficile et compliquée depuis l'inflation", note Amina Limbaba, présidente de l'Union des commerçants dionysiens (UCD).

D'autant plus que les habitudes des clients ont bien changé. "Il n'y a plus de fréquentation. Et les personnes qui viennent nous le disent, ou ne peut pas ou on reviendra." "Ce n'est plus l'achat plaisir, les gens qui viennent, viennent par besoin", ajoute la présidente de l'UCD.

Pour espérer sauver la saison, à Saint-Denis, une nuit des soldes est organisée, ainsi qu'un dimanche ouvert.

Julie Sidiot, gérante de deux boutiques de lingerie dans le nord et dans le sud est prête mais l'avoue, "le climat est morose, c'est très difficile". "Moi dans mon secteur j'ai compensé la petite augmentation en baissant ma marge."

"Les gens hésitent beaucoup, ne se lâchent plus comme avant, même si le produit leur plait", déclare Julie Sidiot. Heureusement, "on a quelques clientes qui feront de belles ventes".

La commerçante le dit, "quand vous faites vos courses et que vous devez mettre 100 euros de plus, c'est 100 que le client ne mettra pas dans l'habillement, la coiffure ou autre, c'est l'effet boule de neige et tout le monde tire la langue, surtout nous, les entreprises".

- Entre promotions sauvages et concurrence en ligne, les soldes s'annoncent moroses -

Entre inflation, concurrence en ligne et promotions toute l'année, ce début de soldes s'annonce morose pour le prêt-à-porter. Les promotions sauvages toute l'année font perdre de la visibilité aux soldes", note Pierre Talamon, président de la Fédération nationale de l'habillement (FNH).

Un constat que partagent Amina Limbada et Julie Sidiot, l'une présidente de l'UCD et l'autre commerçante à Saint-Denis et Saint-Pierre.

"Pour moi c'est un regret d'avoir des promotions toute l'année. Malheureusement quand les commerçants n'ont pas d'activité ils doivent faire face aux charges et sont obligés de déstocker." "C'est humain, mais les soldes perdent leur sens d'il y a quelques années", ajoute-t-elle. "C'est un cercle vicieux, mais comment revenir en arrière ? Ce n'est pas possible."

"Je ne sais pas comment font ceux qui font des promos tout le temps pour faire leur marge", souligne Julie Sidiot. "Moi je n'en fais pas toute l'année. Ce qui me reste des soldes par exemple, je le laisse dans un petit rayon."

Autre concurrence qui fait du mal au secteur du textile, les ventes en ligne. "C'est indéniable", déclare Amina Limbaba. "Mais après on est dans l'air du temps. Il faut s'adapter, même si ça fait du mal aux petits commerces."

- L'heure des bonnes affaires... ou pas -

D’autres facteurs interviennent. Certaines marques gonflent leurs prix pour pouvoir, derrière, réduire leurs coûts sans impacter leurs marges.

Soldes ou pas, l’information sur les prix est obligatoire quelles que soient les formes de vente : en magasin, à distance, à domicile ; les prix des produits ou services disponibles doivent être visibles, lisibles, exprimés en euros et toutes taxes comprises.

Il est interdit d’augmenter le prix d’un produit avant la période des soldes, dans le but de faire croire à une offre promotionnelle plus importante qu’elle ne l’est réellement.

Dans les magasins, la distinction entre les articles soldés et ceux non soldés doit clairement apparaître aux yeux des consommateurs : étiquetage précis, localisation séparée dans le magasin, notamment. Pour les articles soldés, l’étiquetage, le marquage ou l’affichage des prix à l’intérieur d’un magasin ou sur un site Internet marchand doivent faire apparaître à la fois le prix réduit annoncé et le prix de référence.

Il est interdit aux vendeurs de ne pas pratiquer les réductions de prix affichées en vitrine, pratique qualifiée de publicité mensongère.

Des prix que veillent de près les agents du pôle Concurrence de la direction de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DEETS). "Le but des contrôles est de corriger et sanctionner les comportements illicites qui trompent les consommateurs et pénalisent tous les commerces respectueux des règles sur les soldes", indique la préfecture.

"Une attention particulière est notamment portée aux affichages en vitrine de rabais élevés alors que le nombre de produits bénéficiant d’un tel rabais était très limité ou encore aux présentations en magasin ne faisant pas apparaître clairement aux yeux des consommateurs la distinction entre produits soldés et produits non soldés."

Lors des soldes d’été 2023 qui ont eu lieu samedi 4 février au vendredi 3 mars 2023, plus d’une centaine de contrôles ont été réalisés par le pôle C de la DEETS donnant lieu à 30 suites administratives avec des demandes de correction des anomalies constatées et à 16 procès-verbaux dressés.

- Le textile va mal -

Outre la concurrence de la vente en ligne, des promotions, le secteur subit - comme d'autres - l'inflation et la hausse des coûts.
Des coûts qui peuvent pousser certaines entreprises à mettre la clé sous la porte.

Selon l'Ideom (l'Institut de statistiques), le nombre de défaillances cumulé sur un an dans l’Outre-mer augmente de 27,7 % à la fin juin 2023 par rapport à fin juin 2022 (+46,7 % pour la France entière).

Avec 570 défaillances enregistrées entre avril et juin 2023, le 2e trimestre se caractérise par une nette dégradation dans les Outre-mer (+40,7 % par rapport au 2e trimestre 2022 contre +33,9 % pour l’Hexagone). Cette accélération est particulièrement brutale en Martinique (+79,4 %), à La Réunion (+64,2 %) et en Nouvelle-Calédonie (+52,8 %).

Si les commerces tentent de tenir le coup et espèrent des soldes fructueuses, "s'il n'y a pas de clients et alors que les entreprises ont leurs charges à payer, leur loyer… cela va devenir compliqué", explique Amina Limbada.

Reste à voir ce que donneront ces 15 premiers jours de soldes à La Réunion. "S'il y a du monde c'est bien, mais si ça ne prend pas, c'est mort", conclut Julie Sidiot.

ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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