Rassemblement national

Jordan Bardella à La Réunion, une visite aussi express que démagogique

  • Publié le 9 décembre 2022 à 18:42

Le nouveau président du Rassemblement national, Jordan Bardella, est à La Réunion ce vendredi 9 décembre 2022. Sans surprise aucune, ce député européen s’est empressé d’aborder la situation catastrophique de Mayotte. Si le problème est réel - et de taille -, il sert surtout de prétexte à Jordan Bardella pour dérouler son argumentaire anti-immigration…tout en évitant soigneusement d’apporter des solutions viables. L’occasion aussi, évidemment, de prétendre que La Réunion, voire la France entière, pourrait bientôt être à feu et à sang. (Photo Jordan Bardella photo RB imazpress)

« Je ne compare pas la situation, je dis ce qu’il se passe à Mayotte pourrait être notre futur » a tenté de temporiser Jordan Bardella au micro de Réunion la 1ère…avant de comparer les deux situations.

Transposer les situations de Mayotte et La Réunion n’a aucun sens. Tout d’abord parce que les Comoriens, qui sont clairement visés dans les propos du député, ne représentent que 0,5% de la population réunionnaise. Difficile de parler d’un grand remplacement, terme chouchou de l’extrême-droite, dans ce contexte. Difficile aussi parce que la population comorienne, fait, historiquement, partie de la population réunionnaise, n’en déplaise à certains.

Le parallèle entre immigration comorienne et immigration sri lankaise est, elle, tout simplement lunaire. En quatre ans, ce sont environ 300 personnes qui sont arrivées depuis le Sri Lanka, dont plus de la moitié ont été expulsées. Sur une population de 850.000 habitants, s’inquiéter de l’arrivée d’une petite centaine de personnes est à la limite du risible.

Mais c’est toujours plus simple de s’attaquer aux plus démunis que d’apporter de vraies solutions, pas vrai ? Nous sommes en tout cas rassurés de voir que le (F)RN n’innove toujours pas en matière de stratégie politique.

- Vrai problème, fausses solutions -

Si Jordan Bardella met le doigt sur un problème bien réel, c’est-à-dire le manque de considération de l’Etat face à ses populations ultra-marines, il prend cependant la problématique à l’envers.

Permettre aux personnes en situation irrégulière d’accéder aux services de santé par exemple n’enlève rien aux Français d’Outre-mer, mais permet tout simplement de réguler d’éventuels problèmes de santé publique.

Comme nous l’écrivions en avril dernier lors de la campagne présidentielle, le budget alloué à l’aide médicale de l’Etat (AME) dont bénéficie les personnes en situation irrégulière n’est qu’un grain de sable dans le désert. Chaque année, le ministère de la Santé accorde environ 0,5% de son budget annuel à l’AME. Une aide que le RN veut donc supprimer, sous prétexte que cela améliorera la prise en charge des Français.

Economiser 1 milliard sur les 500 milliard du budget total n’arrangera pas la situation des hôpitaux, ne viendra pas à bout des déserts médicaux et du manque d’attractivité des professions de santé, et ne résoudra certainement pas le problème du reste à payer. L’unique conséquence de la suppression de l’AME sera la mise en danger de la santé de personnes déjà présentes sur le territoire, qui à termes pourraient même poser un problème de santé publique. Du génie.

La logique même d’enlever aux plus précaires pour donner aux un peu moins précaires est douteuse. Nul doute qu’il faille améliorer le niveau des prestations sociales, particulièrement en ces temps troubles. Mais la réponse ne se trouve certainement pas dans les budgets alloués à l’immigration.

Le RN arguera que l’immigration coute 15 milliards d’euro à l’Etat chaque année. Le RN occultera cependant de préciser qu’un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques a démontré que dans les 25 pays de l’OCDE, France comprise, la contribution des immigrés sous la forme d’impôts et de cotisations a été supérieure aux dépenses publiques consacrées à leur protection sociale, leur santé et leur éducation. Eh oui, les étrangers aussi travaillent, cotisent, et contribuent à la société. Qui l’eut cru.

- La violence se cultive dans la misère -

Vient alors la question de la violence. La situation à Mayotte est intenable, et extrêmement préoccupante. Mais considérer que cette violence est inhérente à la population comorienne, comme on peut souvent l’entendre ou le lire, est à la fois ignorant, et tout simplement raciste.

Il y a un problème de violence, oui. Mais il y aussi un problème d’abandon total de l’Etat face à des populations démunies. Entre 3.000 et 7.000 mineurs isolés et non-accompagnés errent à Mayotte, dans des conditions de précarité extrême. La faute à qui, à part celle de l’Etat, qui ne fait pas son travail d’accompagnement, et qui coupe ces jeunes d’un accès à l’éducation, à la formation ?

Laisser s’étendre la misère, c’est risquer que s’étende avec elle la violence, et cela n’a aucune corrélation avec les origines d’une personne.

Le RN pourrait mettre autant de drones qu’il le souhaite aux frontières de Mayotte, perpétuer les actions du gouvernement actuel en s’appuyant sur des sociétés privées pour patrouiller dans les eaux mahoraises, continuer le travail d'expulsions massives, le problème ne se résoudrait pas. Tout simplement parce que l’immigration a toujours existé, et a toujours trouvé un moyen de continuer, et ce malgré la répression, malgré les risques de mourir en mer. Et sans réelle politique de prise en charge de la population, il est illusoire de penser que la situation s’améliorera.

Mais c’est plus simple d’user de démagogie pour galvaniser les foules, que d’apporter des solutions viables, concrètes, et humaines, pas vrai ?

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