50% du littoral réunionnais impacté

À La Réunion, le dérèglement climatique accélère l'érosion

  • Publié le 11 avril 2023 à 11:31

En France, l’érosion des côtes s’accélère sous l’effet du dérèglement climatique. Dans le Nord du pays, dans la Somme, des pans entiers d’une falaise se sont même effondrés en quelques jours. Un phénomène qui n’épargne pas non plus La Réunion où 50% du littoral est impacté (Photo: sly/www.imazpress.com)

Un trait de côte qui disparaît dans l’Est, avec interdiction d’approche du littoral, montée des eaux, plages grignotées… La Réunion aussi est impactée par l’érosion.

Prenez l’exemple de Saint-André. Depuis le 1er mars 2023, l’accès à la bordure côtière du littoral est interdit par arrêté municipal à cause des risques d’effondrement. L’arrêté municipal indiquant même un « danger grave et imminent encouru par les usagers sur cette partie de la zone côtière ».

Saint-André n’est pas la seule commune de La Réunion à être touchée. L’ensemble de l’île est concerné.

Du côté de Saint-Joseph, « la commune est confrontée aux problématiques de recul du trait de côte ». « La position géographique de la commune, au sud de l’île, fait qu’elle est particulièrement exposée aux houles australes. » précise la commune.

« Il est possible d’observer des signes importants d’érosion tout le long du littoral de la commune (exemple : recul de la falaise au niveau du boulevard Lenepveu à Cayenne) », dit-elle.

A ce titre, un Plan de Prévention des Risques Littoraux (PPRL) relatif aux aléas submersion marine et recul du trait de côte a été approuvé par arrêté préfectoral le 4 mai 2022.

À Saint-Paul, les plages reculent d’année en année en raison de l’érosion et du dérèglement climatique. « Cela fait quelques années que ça a commencé », assure Virginie Sallé, déléguée aux affaires relatives à la mer. « Chacun a pu voir que la plage de Roches Noires notamment avait, pour une bonne partie, disparu », souligne l’élu, faisant notamment référence à l’ancienne terrasse de restaurant qui s’était effondré, sous l’effet de l’érosion.

Le lagon n’est pas non plus épargné. « Sur les plages du littoral on voit les racines des filaos » rappelle-t-elle.

« On se rend compte qu’il y a urgence à agir », clame l’élue déléguée aux affaires de la mer. Que cela soit du côté des collectivités et communes que du côté des citoyens. « Chacun doit comprendre la démarche de changer ses habitudes pour que l’on puisse continuer à aller à la plage car c’est notre patrimoine et notre responsabilité à tous de la préserver », conclut Virginie Sallé.

- 50% du littoral réunionnais identifié en érosion -

Construction, montée des eaux, réchauffement climatique, pollution… tous ces facteurs sont la cause de l’érosion du littoral réunionnais.

« Une érosion qui provoque le retrait des côtes et qui favorise de ce fait, la submersion marine », explique le Bureau de recherche géologique et minière (BRGM). « À La Réunion, le moteur de ce phénomène reste la houle », précise Rémi Belon, océanographe et chef de projet littoral au BRGM.

« Il y a ensuite la notion de gestion sédimentaire. Certaines zones sont alimentées par les rivières et cela permet d’avoir du sable ou des galets de disponibles », indique le spécialiste. Pour exemple, la plage des Brisants bénéficie d’un apport sédimentaire du fait du port maritime.

Autre facteur, le réchauffement climatique. « Mais l’on ne sait pas combien de temps et comment va s’accélérer ce phénomène », note le BRGM. Rémi Belon prévient tout de même. « Oui il faut s’alerter car ce phénomène ne va pas s’arrêter. »

L’océanographe pointe également du doigt le problème des constructions. « Il y a beaucoup de bâtiments et des maisons sur les zones à risque et cela peut jouer un rôle aggravant du phénomène. » « Quand il ils y des événements de fortes vagues, la houle vient taper contre les bâtiments et donc cela ne permet pas de déposer le sable sur la partie arrière de la plage et le sable va partir vers le large », précise Rémi Belon.

Ce phénomène naturel progressif peut être aggravé par l'activité humaine (bétonnisation du littoral, aménagements bloquant pour la dynamique sédimentaire...) et par le changement climatique (hausse du niveau de la mer, atténuation du rôle de barrière des récifs coralliens).

50% du littoral réunionnais est identifié en érosion : 38% en érosion modérée - entre 10 et 20cm de recul par an (les falaises basaltiques) - et 12% en érosion prononcée - recul de plus de 20cm par an (les plages et micro-falaises meubles surmontant les cordons de galets). À l'échelle nationale, il est considéré qu'environ 1/4 du littoral est en recul (avec des taux de recul pouvant être supérieur à 1m/an).

- L'État et les collectivités se préparent à l'accélération du phénomène -

La mer gagne donc du terrain et l’une des solutions trouvées pour le moment est de combler les trous par enrochement.

À Saint-Paul, « nous avons mis en place plusieurs choses pour pallier cela », déclare Virginie Sallé. « À l’Hermitage, nous avons replanté des espèces d’arbres pour remplacer les filaos qui ne font pas leur rôle de retenir le sable. »

La commune de l’Ouest a déjà replanté 4.000 arbres et 30.000 plantations de lianes en haut des plages. « Les patates à Durand permettent de retenir le sable quand il y a des épisodes de houle. »

Saint-Paul a également piétonnisé une partie du littoral pour éviter que les véhicules ne roulent sur le sable. Une piétonnisation et des replantations qui permettent de faire perdre quelques degrés.

À cela s’ajoute le transfert de sédiments. « On va les chercher dans le port de Saint-Gilles puis on le répartit dans les zones où il en manque », précise Virginie Sallé.

L'érosion côtière étant un phénomène naturel progressif, les modalités d'actions s'articulent autour de plusieurs axes, détaillent les services de la préfecture.

• Le développement et le partage des connaissances : un diagnostic de l'évolution historique du trait de côte a été établi depuis 2011, sur l’analyse d’environ 50 ans de photos aériennes anciennes. De plus, un observatoire du littoral réunionnais a été constitué autour de l'expertise de l’État (DEAL, BRGM), de l'université de La Réunion et de l'université de Bretagne Occidentale.

• La gestion intégrée, pour "Vivre avec la mer plutôt que contre elle". L’État accompagne financièrement les collectivités dans des opérations telles que la renaturation des milieux favorisant la libre évolution et la résilience du rivage, les travaux de protection contre l'érosion au moyen de techniques douces (mise en place de structures légères, rechargement, végétalisation reprofilage...).

L'objectif est ainsi de mettre en œuvre des nouvelles solutions fondées sur la nature plus résilientes, adaptatives et valorisant le rôle essentiel joué par les écosystèmes naturels dans la prévention et l'adaptation aux risques côtiers. Dans ce cadre, l'opération de reverdissement des plages de sables noirs de Cambaie, porté par la commune de Saint-Paul, a été par exemple sélectionnée au titre de l'appel à projet des « solutions fondées sur la nature pour des territoires littoraux résilients » lancé par l'État (75 % de financement État).

• La définition et la mise en œuvre de stratégies territoriales. Dans une logique de prévention des risques, l'État a approuvé 12 plans de prévention des risques Littoraux (PPRL) identifiant les secteurs soumis à érosion côtière, en se projetant sur les 100 prochaines années. Trois autres PPRL sont actuellement en cours d'élaboration et seront prochainement approuvés. Les PPRL ont pour vocation de prévenir les risques et l'augmentation des enjeux au sein des espaces soumis à érosion côtière en y limitant strictement la constructibilité.

"Par ailleurs, l'érosion côtière étant un phénomène progressif pouvant être anticipé sur le long terme, il a également vocation à être pris en compte et intégré dans les stratégies d'aménagement des collectivités notamment au travers de leur document d'urbanisme ou de planification", note la préfecture.

"Pour ce faire, la loi Climat et Résilience promulguée du 24 août 2021 a défini un cadre et des leviers permettant aux communes volontaires d'intégrer l'érosion côtière dans leurs documents d'urbanisme (Plan Local d'Urbanisme) et ainsi s'engager dans un projet d'aménagement ayant pour but de s'adapter à ce phénomène et à renforcer la résilience de leur territoire."

"C’est aussi leur mettre à dispositions les outils techniques et financiers nécessaires pour permettre aux élus de mettre en place une stratégie d'adaptation (acquisition et gestion des biens existants menacés, outil de recomposition et de relocalisation spatiales). Les études nécessaires peuvent d’ailleurs être financées à travers le Fonds Vert déployé par l’État", concluent les services de l'État.

ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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1 Commentaires
Dambreville Lison
Dambreville Lison
1 an

Bonjour
Le lien partage twitter ne marche pas