Rapport de la Cour des Comptes

La Chambre d'agriculture en cessation de paiement risque la mise sous tutelle renforcée

  • Publié le 12 juillet 2024 à 15:34
  • Actualisé le 12 juillet 2024 à 16:17

Dans un rapport publié ce vendredi 12 juillet 2024, la Cour des Comptes met en avant les difficultés financières de la Chambre d'agriculture de La Réunion. Dans sa synthèse, la Cour révèle plusieurs irrégularités. Si la Chambre ne redresse pas sa situation financière, la Cour recommande aux autorités de l'État de placer l'établissement sous le régime de tutelle renforcée. En 2015 déjà, la Cour avait émis des recommandations à l'attention de la Chambre verte. Des appels pas forcément entendus ni rectifiés (Photo : www.imazpress.com)

Compte tenu de la situation financière très dégradée de la Chambre d’agriculture de La Réunion depuis le précédent rapport de la Cour des comptes de 2015, deux audits ont été demandés par le préfet de La Réunion.

Dans son rapport, la Cour des Comptes met en lumière la nécessité d’un redressement urgent des comptes de la Chambre d'agriculture de La Réunion.

- Une Chambre en situation de cessation de paiement -

"Sur la période sous revue, les dépenses de la Chambre ont évolué plus rapidement que ses produits. Ses dépenses de personnel, de près de 9,2 millions d'euros en 2022, représentent 80 % de ses charges. Disposant structurellement de faibles ressources fiscales, son chiffre d’affaires, bien qu’en évolution entre 2015 et 2022 (de 1,07 million d'euros à 1,74 million d'euros) ne représente que 15 % de ses produits. Les subventions d’exploitation représentaient 5,5 millions d'euros de ses ressources en 2015 pour 8,1 million d'euros en 2022, soit entre 69 et 72 % de ses produits", indique la Cour des Comptes.

Une forte évolution de l’actif est à noter. Il est passé de 2,07 million d'euros en 2015 à 5,65 millions d'euros en raison de l’explosion des créances d’exploitation.

"Du fait de sa faible trésorerie, la Chambre est fortement dépendante des tiers institutionnels, et notamment du Département. Le passif se caractérise par des fonds propres absorbés par les reports à nouveau et les résultats négatifs enregistrés au fil des exercices ; il en résulte une dégradation des capitaux propres."

"Les fonds propres ont constamment diminué depuis 2016 et sont devenus négatifs à compter de 2022. La Chambre ne parvient plus ni à honorer ses dettes courantes, malgré la mise en place d’échéanciers, ni à financer son cycle d’investissement; elle est confrontée à un déséquilibre structurel", indique la Cour des comptes.

À défaut d’un plan de redressement drastique et immédiat, elle ne pourra plus assurer ses charges obligatoires. Le régime de tutelle renforcée deviendrait alors inévitable.

La nécessité d’un redressement urgent des comptes de la Chambre départementale de La Réunion conduit la Cour à formuler une recommandation unique, sur le fondement de ces constats et de ceux déjà établis lors de son précédent contrôle, en 2014. Elle rappelle qu’il appartient à la tutelle de fixer le délai, prévu à l’article D.513 -21 du code rural, pendant lequel la Chambre doit mettre en œuvre les mesures de redressement, conformément aux recommandations formulées par la Cour en 2015 et non mises en œuvre à ce jour :

- adopter un projet d’établissement engageant la Chambre et son personnel dans la mise en œuvre d’une stratégie permettant d’engager une réforme de l’institution
- poursuivre les seules prestations dont l’équilibre économique et budgétaire peut être assuré durablement ;
- procéder à une réduction des effectifs ;
- améliorer le recouvrement des recettes et la fiabilité des comptes ;
- organiser une fonction de contrôle interne centralisée.

Si, à l’issue de ce délai, les mesures prises ne permettaient pas permis à l’établissement d’améliorer sa situation financière, l’établissement public devrait être placé sous le régime de la tutelle renforcée.

- Des contrats d’objectifs et de performance établis mais non signés -

"Bien que l’article L. 511-1415 du code rural prévoyait au cours de la période sous revue un contrat d’objectifs et de performance (COP) entre la Chambre, l’Etat et "la ou les collectivités territoriales concourant au financement de la réalisation des objectifs de ce contrat", les COP 2015/2018 et 2019/2025 établis et validés par la Chambre le 3 octobre 2016 pour le premier et le 25 novembre 2019 pour le second n’ont pas été signés par les collectivités et l’État", indique le rapport.

La Chambre les a malgré tout mis en œuvre.

"Pour le prochain COP de la Chambre, il conviendra qu’elle applique ces nouvelles dispositions", précise la Cour des comptes.

Dans son précédent contrôle, la Cour avait constaté que "la Chambre d’agriculture ne dispose pas non plus d’un cadre définissant pour l’avenir sa stratégie opérationnelle et déclinant ses priorités pour mettre en œuvre la politique agricole de La Réunion". En conséquence, elle avait recommandé d’"adopter un projet d’établissement engageant la chambre et son personnel dans la mise en œuvre d’une stratégie commune, permettant d’engager une réforme profonde de l’institution".

Ce document n’a pas été élaboré. La Cour invite la Chambre à élaborer son projet d'établissement.

- Créances d’exploitation et recouvrement, la Cour demande la fin des avantages -

La Cour en 2015 recommandait à la Chambre d’améliorer le recouvrement des recettes par l’apposition systématique de la formule exécutoire sur tous les titres émis et par le recours au recouvrement forcé. "La Chambre a revu sa politique de recouvrement, en lien avec l’agent comptable. Une fiche de procédure a été élaborée en 2020, qui simplifie les étapes, raccourcit les délais en matière de recouvrement amiable (de 95 jours à 45 jours) et prévoit désormais la possibilité de mise en œuvre de la phase contentieuse, l’agent comptable n’ayant plus besoin d’autorisation de l’ordonnateur pour lancer les poursuites par voie d’huissier", précise le rapport.

Des actions spécifiques ont également été mises en place pour réduire les factures impayées.

Malgré une évolution favorable, "et nonobstant l’absence de provisionnement à la hauteur du risque d’irrécouvrabilité auquel elle est exposée, le recouvrement des créances clients pourrait être amélioré par une politique encore plus volontariste. La Chambre d’agriculture accorde parfois des aides, rabais ou remises gracieuses par délibération".

La Cour réitère son observation en soulignant que cette situation revient à octroyer des avantages à certains agriculteurs. Elle invite la Chambre mettre fin à ces pratiques.

- Renforcer le contrôle interne -

En 2015, la Cour recommandait à la Chambre d'agriculture d’organiser une fonction de contrôle interne centralisée de nature à prévenir le renouvellement des dysfonctionnements alors constatés. En réponse, l’ordonnateur indiquait que cette fonction ferait partie du projet stratégique de la Chambre, mentionnait un guide des procédures administratives et comptables en cours d’élaboration et annonçait le développement d’un "système analytique complet".

Depuis le dernier rapport de la Cour, la Chambre montre une certaine volonté d’organiser ses procédures comptables et financières même si aucun guide ou recueil d’instructions n’a été formalisé. "Elle a déployé un contrôle interne structuré en matière de gestion des ressources humaines, s’agissant par exemple du cycle de paie".

La Cour invite la Chambre à poursuivre et intensifier le déploiement du contrôle interne en vue d’identifier les lacunes existantes dans ses procédures de gestion, afin de les sécuriser et de fournir une image fidèle de la situation financière et patrimoniale.

- Un point d'orgue sur les commandes publiques -

Malgré une certaine attention portée à la commande publique, celle-ci demeure imparfaite au regard des principes la régissant. Des mesures doivent être engagées pour mettre un terme aux irrégularités répétées et déployer une politique d’achat efficiente.

De plus, la Chambre est propriétaire de son siège situé à Saint-Denis "pour lequel elle ne satisfait pas à ses obligations, notamment en matière de sécurité. Sa responsabilité pourrait à ce titre être recherchée. Le coût de location des locaux à Saint-Benoît paraît disproportionné par rapport aux besoins. Au regard de sa situation financière, la Chambre devrait engager une réflexion stratégique pour rationaliser sur le territoire l’ensemble de ses implantations".

www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

guest
3 Commentaires
HULK
HULK
1 mois

Encore un petit scandale péi de derrière les fagots.

Romuald
Romuald
1 mois

Une des préconisations de la Cour des Comptes est de diminuer l'effectif de la Chambre.
Or son effectif n'a cessé de diminuer. D'un tiers en l'espace de quelques années, au point que les agents chargés de suivre et conseiller les agriculteurs et les planteurs n'arrivent plus à faire face à la charge de travail

C'est dans une bien autre direction qu'il faudrait agir. Mettre un terme à la concurrence mortifere des structures de conseil privées contrôlées par certains exploitants agricoles, et de plus élus au conseil d'administration de la Chambre !

Le gouvernement, si prompt à s'en prendre aux salariés, ferait mieux de de s'intéresser à ces derniers !

Honte à Bassire
Honte à Bassire
1 mois

Faut bien travailler