Depuis le 1er janvier 2023, les Français ont dit au revoir au traditionnel timbre rouge de La Poste. Né en 1849, ce timbre était utilisé pour les lettres prioritaires depuis 1969. S’il disparaît de nos bureaux de Poste, il est toutefois remplacé par une lettre numérique, la « e-lettre rouge ». La fin d’une époque mais surtout le début d’une grosse galère pour nos aînés et les personnes n’ayant pas accès au numérique.
Pour les personnes croisées dans les rues de Saint-Denis, la nouvelle ne passe pas toujours bien. Si pour les plus jeunes, la fin du timbre rouge est plutôt bien accueillie, pour les gramounes c’est tout autre.
Gisèle, septuagénaire, a du mal avec cette annonce. La gramoune n’est pas très à l’aise avec le numérique, malgré l’aide de ses enfants et petits-enfants. « Mwin na poin internet la kaz », nous dit-elle. « Ek mon grand l’âge, mi gagn pas allé la poste à chaque fois mi veut envoye un ti lettre pou mon famille. »
Patrice Louaisel, président de l’association SOS Gramounes isolés craint une fracture encore plus grande. « C’est la panique à bord, plus moyen d’envoyer un courrier pour nos gramounes sans ordinateurs et donc encore plus d’isolement », clame-t-il.
Nathalie, professeure à la retraite, s’inquiète quant à elle de cette mise en place. « Une lettre écrite c’est quand même mieux, pourquoi être obligé d’utiliser encore et toujours internet », dit-elle.
Pour ceux qui, comme Gisèle, sont peu à l’aise avec le numérique ou n’ont pas accès à l’informatique, la disparition du timbre rouge est une vraie difficulté.
Une difficulté qui touche plus de 8 millions de Français qui n’ont pas accès à internet chez eux selon l’Insee. À La Réunion selon les derniers chiffres de l’Insee, près d’un Réunionnais sur quatre ne s’est jamais connecté à internet. Les plus âgés sont les plus éloignés du numérique, mais de façon plus prononcée et plus précoce à La Réunion. Dans les Hauts d’ailleurs, beaucoup n’y ont pas accès ou très peu. Seuls 70 % accèdent à internet à leur domicile et 58 % disposent du haut débit. Entre 45 et 59 ans, seuls 78 % des foyers sont équipés à La Réunion, contre 91 % en métropole. La fracture s’accentue au-delà de 60 ans : 48 % des seniors disposent d’internet à leur domicile, contre 66 % en métropole.
Selon les syndicats, la disparition de ce timbre rouge représente une véritable atteinte à la mission de service public que La Poste. "Évidemment ça va chambouler les habitudes des uns et des autres", déclare Damien Leguay, responsable de la section Poste à la CFDT S3C Réunion. "Ça va chambouler les usagers et les salariés parce que tout change, il faut se réapproprier la nouvelle gamme de courriers", ajoute-t-il. Toutefois, Damien Leguay tient à temporiser ce changement. "Cela ne va concerner qu'un petit nombre d'usagers puisque le timbre vert est devenu la norme et la rouge l'exceptionnel", indique le syndicaliste.
Ce qui inquiète les syndicats, c'est également la gestion salariale. "On craint qu'il y ait moins d’effectifs avec la démocratisation des automates", souligne Damien Leguay.
La fin de ce fameux timbre fait également réagir du côté des politiques. « La fin du timbre rouge et son remplacement par une e-lettre va pénaliser encore plus les Francais qui vivent la fracture numérique », a déploré Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat.
« Côté utilisateurs, la ’e-lettre’ n’a aucun intérêt pour tous ceux qui utilisent les courriels gratuits. Elle est impraticable pour les 8 millions de personnes sans équipements informatiques à domicile », a écrit sur Twitter François Asselineau, président-fondateur de l’UPR.
La députée de la Drôme Marie Pochon a, elle aussi, interpellé le groupe La Poste sur son compte Twitter.
Si l’entreprise se veut rassurante en expliquant que tous les bureaux de poste permettront de numériser les courriers, cette fracture est bien présente. Présente car ces personnes, en plus d’avoir un accès limité au numérique, ne peuvent pas forcément toujours se déplacer dans les bureaux de poste.
- La confidentialité mise à mal -
Pour les personnes qui n’ont donc pas la possibilité d’avoir un accès à internet, il sera possible de se rendre directement dans un bureau de La Poste avec son courrier papier. À partir de là, un conseiller va scanner le courrier à l'aide d'une tablette ou d'un téléphone sécurisé. Ensuite, le courrier est envoyé dans les serveurs à La Poste la plus proche du destinataire. La lettre est donc ensuite imprimée et mise sous pli.
Mais encore, s’il ne s’agissait là que d’une formalité sur internet. Non, puisque dans les bureaux de Poste, la personne qui aide, doit scanner le document. De même que celui qui imprime a accès au document. Quid de la confidentialité ? « Où est l’intimité, la confidence ? On n’a plus de vie privée », s’insurge Nathalie.
Là encore la twittosphère s’indigne.
Sur ce point, La Poste se veut rassurante. Elle assure mettre en place des mesures pour sécuriser le processus. Les courriers sont scannés "devant le client" puis la lettre est imprimée dans des "espaces sécurisés, fermés à clé et accessibles uniquement à du personnel habilité", explique l'entreprise. L'impression et la mise sous pli sont réalisées par des machines et non par des employés.
Une fois imprimé, le courrier sera effacé des serveurs du côté de La Poste, mais celui-ci sera stocké pendant un an afin que l'expéditeur puisse y avoir accès en cas de réclamation, "selon les règles RGPD et les data centers sont sécurisés et basés en France", complète La Poste.
Mais qui nous garantit que le facteur, le nez dans notre courrier, ne va pas lire nos échanges avec notre destinataire ? La Poste répond que ses agents prêtent tous serment pour respecter le secret des correspondances et que la mise sous pli de ces courriers sera effectuée dans des zones sécurisées, par des employés spécialement qualifiés. Un serment qui les engage à respecter le secret des correspondances, que leur support soit numérique ou physique.
- Le timbre rouge remplacé par une e-Lettre rouge -
Le fameux timbre rouge sera donc remplacé par une e-lettre rouge. Un envoi numérique imprimé par le bureau de poste le plus proche du destinataire. Toutefois, le service est six centimes plus chers que le timbre normal. Pour un timbre rouge qui coûtait 1,43 euro, le nouveau service dématérialisé coûte 1,48 euro.
Si vous voulez livrer un papier en moins d’un jour, il vous faudra le scanner ou l’envoyer par PDF sur le site de La Poste avant 20 heures (heure du destinataire). Celui-ci ne doit pas dépasser trois feuillets. La « lettre » sera ensuite transmise à la poste la plus proche du destinataire où un facteur imprimera le courrier et le distribuera le lendemain.
Selon La Poste, cette décision a été prise car l’usage des timbres rouges pour un acheminement express était en chute libre. « Depuis 14 ans, son utilisation a été divisée par 14. » Un service qui attire moins et qui surtout coûte très cher à La Poste puisque le prix du timbre rouge s’était envolé à plus de 148% en l’espace de 10 ans.
En juillet dernier, Philippe Dorge avait déjà expliqué que "les volumes de J+1 ont été divisés par 14 depuis 2008". Ce qui commence à coûter cher et à peser sur l'environnement puisque le groupe utilise des avions, camions et camionnettes de moins en moins remplis.
Le groupe va ainsi réduire de 25 % d'ici 2030 le bilan carbone de son activité postale, soit 60.000 tonnes de CO2 économisées par an.
Vous l’aurez compris, pour un envoi urgent, tournez-vous vers la e-lettre rouge. Simple et rapide, ce service répond également au besoin d’envoyer des courriers sans se déplacer. Mais pas pour nos aînés.
ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com