A l'occasion de la journée commémorative de la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat, qui a eu lieu ce dimanche 9 septembre, et en réponse à la marche pour le mariage homme/femme, la Ligue des droits de l'Homme de La Réunion a rappelé son engagement pour une union civile pour les personnes de mêmes sexe qui le souhaitent. Nous publions ci-dessous leur communiqué.
"Il y a un peu plus d'un siècle, la France a affirmé sa propre voie vers la liberté de conscience et l’émancipation du pouvoir politique de toutes les religions, en adoptant la loi de séparation des Églises et de l’État.
Depuis, par un vaste mouvement des idées et des mœurs, que La Réunion a partagé, le principe de la laïcité, adopté par tous, y compris par ses anciens et plus farouches adversaires, est devenu un fondement essentiel de notre République et de notre vivre ensemble. Ce principe doit demeurer pour tous une vivante exigence, en particulier dans notre Ile.
La laïcité de la République, et dans la République ce n'est pas seulement un ancrage essentiel pour notre démocratie. Elle fonde aussi, aujourd'hui comme hier, pour tous en tant que citoyens libres, la revendication commune d'une égalité sociale réelle et le refus de toutes les discriminations.
Promouvoir la laïcité et lutter contre le racisme et toutes les formes de discriminations, c'est un même combat s’inscrivant dans la lutte universelle des droits de l’Homme.
C'est la raison pour laquelle en cette journée de commémoration de la loi de 1905 et à la veille de l'anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l'homme, adoptée le 10 décembre 1948 au palais de Chaillot à Paris, il nous apparait essentiel d'appeler une nouvelle fois nos concitoyens de la Réunion à ne pas céder, sous quelle que forme que ce soit, à l'intolérance religieuse.
A ce titre, il est important de rappeler que l'union civile que constitue le mariage dans le droit positif de notre pays laïc, ne relève pas du religieux. Ce n’est donc pas aux religions de fixer les règles de l’union civile que constitue le mariage civil. L’institution du mariage civil pour tous n’oblige personne à renoncer à ses options philosophiques ou religieuses.
En revanche, il est regrettable que des responsables religieux, qui se disent défenseurs de la laïcité, aient choisi la date commémorative de la loi de 1905, pour tenter d'exercer une pression indue sur le débat public à propos du projet de mariage pour tous.
Il nous appartient d’exercer une vigilance constante face à la tentation de réduire la laïcité à la seule coexistence des religions alors qu’elle permet la création d’un espace public et privé qui dépasse les appartenances individuelles ou collectives de toute nature.
C'est pourquoi, avec la déclaration universelle des droits nous rappelons
- que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde.
- que la méconnaissance et le mépris des droits de l'homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l'humanité (…)
- que nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation.
- que tous ont droit à une protection égale contre toute discrimination qui violerait la présente Déclaration et contre toute provocation à une telle discrimination.
Nous considérons, à ce titre, que l'union civile, non religieuse, que constitue le mariage est un droit reconnu à tous par la Déclaration universelle et les principaux textes internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la République.
Au-delà de l'expression normale de nos différences d'opinions ou de croyances religieuses, Il s'agit aussi d'une application du principe laïque qui veut que la République, garant du respect des droits contre toute discrimination, reconnaisse l’institution du mariage civil pour ce qu'il est : un contrat civil entre deux adultes consentants.
Ainsi, au-delà des appartenances philosophiques et religieuses, tous conviennent qu'il faut se dresser contre la persistance de diverses discriminations:
- discrimination contre les musulmans alors qu'un discours de haine voudrait présenter l'Islam comme un mal absolu;
- contre les juifs alors que des discours et actes violents les visent en tant que tels ou comme responsables malgré eux de la politique de l'Etat d'Israël;
- contre les travailleurs immigrés ou les français issus de l’immigration, alors que ces catégories restent souvent encore enfermées dans des situations sociales désespérantes;
- contre les jeunes privés, dès leur début de leur vie d'adulte, de la dignité du droit au travail;
- discriminations fondées sur les croyances ou l'appartenance religieuse;
- discriminations contre les femmes alors qu'elles continuent de subir tant de violences réelles et symboliques.
Dans le même esprit, la Ligue des droits de l’Homme s'engage aujourd'hui en faveur de la signature par les collectivités territoriales de la Charte européenne pour l’égalité des femmes et des hommes dans la vie locale, proposée par le Conseil des communes et régions d’Europe.
Oui, chaque discrimination, qu’elle soit liée à l’origine, à l’opinion ou à la croyance, à la condition sociale ou encore au sexe ou à une orientation sexuelle, est l’affaire de tous, quelles que soient notre origine ou nos opinions philosophiques ou religieuses.
Oui, la laïcité, c'est pouvoir exprimer notre propre recherche du bonheur dans le respect de l'autre et l'ouverture aux diversités qui fondent notre commune humanité.
C'est pourquoi il nous faut éviter et l'intolérance et la controverse inutile.
Il n’est de lutte efficace contre les discriminations et les replis communautaristes et sectaires que dans un combat laïque partagé pour l’égalité et la citoyenneté sociale".