La France pas prioritaire sur les livraisons

La tension sur les stocks de médicaments va (encore) durer

  • Publié le 26 mars 2024 à 11:37

La situation ne s'améliore pas : dans les pharmacies de l'île, les ruptures et tensions sur les chaînes de médicaments sont toujours aussi fréquentes. Une problématique avec laquelle les pharmaciens ont appris à composer, au détriment de leurs conditions de travail. Et qui n'est pas prête de s'arranger, la France n'étant pas prioritaire sur les livraisons des laboratoires.

"C'est toujours d'actualité, ça ne s'est pas arrangé et on a inclus ces ruptures dans nos pratiques" explique Boubker El-Beghdadi, président de l'Union régionale des professionnels de santé (URPS) des Pharmaciens de la Réunion et de Mayotte.

Les antibiotiques comme l'amoxicilline et les acides clavulaniques, qui sont deux médicaments extrêmement consommés, sont concernés, mais pas que. "On peut citer certains béta-bloquants, les anti-diabétique, les traitements pour les vertiges" liste Boubker El-Beghdadi.

Cette situation n'est pas nouvelle : les difficultés d'approvisionnement de médicaments se sont encore aggravées en 2023 en France, frôlant les 5.000 signalements de ruptures de stocks et risques de ruptures, selon un bilan de l'Agence de sécurité du médicament (ANSM).

Au total, l'ANSM a enregistré l'an dernier 4.925 déclarations, contre 3.761 en 2022, soit une progression de 30,9%. Ces signalements ont plus que doublé (+128%) par rapport aux 2.160 signalements reçus en 2021.

"La France n'est pas prioritaire dans les livraisons" explique Boubker El-Beghdadi. "Les prix d'achat en France sont plus faibles que les autres pays, alors on intéresse moins les laboratoires" détaille-t-il. "C'est le gouvernement qui décide du prix, c'est plus compliqué que ça n'y paraît. Mais on peut déjà avancer que le prix du remboursement étant faible, systématiquement le prix est trop bas aux yeux des laboratoires."

"Les industriels pharmaceutiques implantés en France se tournent de plus en plus vers l'export, qui représente près de la moitié du chiffre d'affaires" souligne par ailleurs l'Ordre national des pharmaciens.

Le prix n'explique cependant pas tout. Les causes sont multiples : "Difficultés survenues lors de la fabrication des matières premières ou des produits finis, défauts de qualité sur les médicaments, capacité de production insuffisante, morcellement des étapes de fabrication, etc.", énumère l'ANSM.

Des retards ont aussi été constatés dans les livraisons suite à la crise en Mer Rouge, assure Boubker El-Beghdadi. "Mais les laboratoires ont pris le pli et envoie des stocks plus importants désormais. Car dès qu'un conteneur arrivait, il était dévalisé."

- Dégradation des conditions de travail -

Ces tensions ont un fort impact sur la qualité de travail des pharmaciens. "On a pris l'habitude d'avoir une liste de rupture, de plusieurs médicaments. Avant on en avait une dizaine mais là ça concerne une centaine de médicaments, et ce n'est plus périodique mais tout le temps" regrette Boubker El-Beghdadi. Une liste qui varie constamment entre "50 et 100 médicaments".

"L'intervention devient donc de plus en plus compliquée, on ne peut plus promettre que le médicament sera disponible dans les jours à venir à nos patients, on peut être deux à trois jours en rupture, même parfois jusqu'à une semaine" souligne-t-il.

La gestion de ces difficultés en devient donc extrêmement chronophage. "Cela peut ajouter 15, 20 minutes par patient, on doit appeler leur médecin pour discuter du changement de prescription... Et nous ne sommes pas payés pour ces interventions, c'est épuisant" dénonce le président de l'URPS des Pharmaciens de la Réunion et de Mayotte.

Les acteurs du médicament (industriels, dépositaires, grossistes-répartiteurs, pharmaciens d'officine et hospitaliers) ont promis de mieux s'organiser pour lutter contre les pénuries, dans une charte signée en novembre avec le ministère de la Santé. Mais la situation reste tendue dans les officines, selon les professionnels.

Selon une étude de l'Union de syndicats de pharmaciens d'officine (USPO), le temps consacré à gérer ces tensions d'approvisionnement est de l'ordre de douze heures par semaine.

Les circuits d'approvisionnement peuvent varier entre pharmacies d'une même région, voire d’une même ville, en fonction des contrats passés entre industriels, fournisseurs et officines.

Mais les acteurs s’accordent sur un point: un déficit d’information fiable, selon eux, sur l’état des stocks et de l’approvisionnement, notamment parce que pharmaciens et industriels utilisent deux réseaux d'information distincts, qui ne communiquent pas.

Fin février, le gouvernement a présenté sa feuille de route pour tenter d'endiguer le problème, autour de quatre axes : la détection du signal et plan d’actions gradué face aux tensions d’approvisionnement et aux pénuries, les nouvelles actions de santé publique pour améliorer la disponibilité des médicaments, les nouvelles actions économiques pour améliorer la disponibilité des médicaments, et la transparence de la chaîne d’approvisionnement : l’information jusqu’au patient.

Lire aussi - Les pharmacies réunionnaises font toujours face à des pénuries

as/www.imazpress.com avec l'AFP

guest
3 Commentaires
Missouk
Missouk
6 mois

A force d'aller acheter ailleurs ce qu'on devrait fabriquer chez nous, on arrive à ce type de situation. Mais le sire poudré de l'Elysée s'en moque, il fait de la com, au moins jusqu'aux prochaines européennes !

Pierrot974
Pierrot974
6 mois

Je reste certain que pour l'Élysée, tous les médocs nécessaires arrivent. N'est-ce pas tout ce qui compte ?… Les Riens, qu'ils crèvent !

HULK
HULK
6 mois

C'est le bo..el partout en FRANCE,alors çà devient banal