Entretien

Les start-ups, un "vrai moteur pour l'économie réunionnaise" pour Elisabeth Péguillan

  • Publié le 7 juin 2024 à 09:24

Depuis une dizaine d'années, le mot start-up est sur toutes les lèvres du monde entrepreneurial. En mai dernier, dix start-ups réunionnaises étaient d'ailleurs conviées au plus grand salon européen dédié à l'innovation et aux technologies, VivaTech. Pour autant, la ligne entre une entreprise classique et une start-up peut être floue pour certaines personnes. Elisabeth Péguillan, directrice générale du Village by CA, nous explique la différence – et ses avantages.

• Start-ups, entreprises…Y a-t-il vraiment une différence ?

Une start-up, c'est en fait une entreprise. Par contre, une entreprise n'est pas forcément une start-up. La différence est que la dernière est une entreprise qui apporte une solution ou un service innovant, quel que soit le secteur, et qui a un fort potentiel de développement. C'est un peu ça le modèle, mais il ne faut pas perdre de vue que c'est finalement une entreprise aussi, elles sont complémentaires.

Certes les produits sont innovants et la croissance est assez rapide, mais cela reste des entreprises classiques avec des problématiques de management, de sourcing…

• Une start-up doit être forcément appartenir un secteur d'activité particulier ?

Pas du tout, le mot d'ordre est l'innovation, et cela se décline dans toutes les activités : le BTP, l'agriculture, le social, l'éducation, la santé…On en a eu l'illustration sur le salon VivaTech : il y avait tous les secteurs d'activité représentés, tous les types de besoin étaient là pour toucher tout type de marché. C'est vraiment quelque chose qui n'est pas cloisonné.

• Le gouvernement parle beaucoup des start-ups, existe-t-il donc des aides ?

Des aides existent, que ce soit en France hexagonale ou dans les Outre-mer, pour stimuler ce type d'activité. Ce sont des entreprises qui créent les outils de demain, et donc forcément il y a un accompagnement. Chaque territoire cherche à soutenir ces entreprises parce qu'elles construisent l'économie de demain. C'est d'ailleurs tout le but de notre incubateur : accompagner les start-ups pour qu'elles développent tout leur potentiel.

En accompagnant des start-ups, on aide aussi les activités qui sont connectées à ces dernières : on a un chef d'entreprise qui va développer la start-up, mais il y a souvent beaucoup de liens avec d'autres secteurs derrière. Cela fait travailler des laboratoires, l'université, des étudiants…Les start-ups demandent par ailleurs des ressources financières importantes et sont donc connectées avec les acteurs du financement.

À La Réunion, quand une startup se créé elle créé de l'emploi localement mais pas que.

• Qu'est-ce que c'est, un incubateur ?

C'est là où le Village by CA intervient : on est un accélérateur. On accompagne des entreprises matures, on fait un diagnostic et on scanne l'entreprise sur toutes ses dimensions pour construire son avenir. La première chose à faire est d'évaluer la capacité à évoluer, pour trouver quelles problématiques peuvent être améliorées.

Notre accompagnement dure trois ans, pendant lesquelles on réactualise régulièrement le plan d'action, on adapte au fur et à mesure, et bien sûr même après le départ de la start-up on continue à les suivre pour voir ce que ça devient.

Le Crédit Agricole investit sur le territoire où il est implanté, c'est une façon de soutenir le développement et l'innovation locale pour créer un écosystème physique et vivant.

En sept ans, on a accueilli 62 startups, qui ont créé 773 emplois et qui ont levé 23 millions d'euros au total, dans des secteurs différents : dans l'éducation, le tourisme, le numérique, les ressources humaines, les objets connectés… Actuellement, on en suit 34.

Le recrutement se fait au fil de l'eau, et on a quelques critères assez simples : l'entreprise doit être déjà créée ou sur le point de l'être, avoir entre 0 et 5 ans, être innovante, avoir un modèle économique crédible.

• Beaucoup pensent que c'est un pari risqué, qu'en pensez-vous ?

Cela peut être vrai, notamment pour celles qui ont besoin d'une croissance rapide : la startup doit être prête à être réactive, il faut être en capacité de produire et délivrer au rythme des commandes, avoir les équipes derrière… Tout dépend de comment on est accompagné et de si on l'est.

Il y a par exemple un taux d'échec beaucoup plus fort sur les startups non accompagnées. Elles démarrent souvent avec de très petites équipes, et il faut de l'accompagnement sur les nombreuses problématiques qui vont se présenter (recrutement, application, site internet, packaging…) au fur et à mesure de la croissance. Quand on a un rythme de développement très rapide, c'est compliqué de tout faire en même temps, d'où l'importance d'être accompagné

• Quel regard posez-vous sur l'écosystème des start-ups réunionnaises ?

J'ai eu l'opportunité de travailler dans ce secteur depuis les premiers pas de la construction de l'innovation à La Réunion, au début des années 2000. 20 ans plus tard, j'ai l'occasion d'avoir le bonheur de voir l'évolution de l'écosystème local.

Quand vous parliez de ça en 2010 c'était compliqué, il n'y avait pas de visibilité, de crédibilité, on pariait vraiment sur l'avenir et sur les capacités du territoire. Je voyais qu'il y avait des talents, et aujourd'hui ils sont enfin valorisés.

Quand je vois que La Réunion est présente avec un stand avec la CPME, la CCIR, la Région, que je vois tous ces gens qui se déplacent et nos startups qui se mesurent aux nationaux : c'est un pari gagné. Et je crois que, si on se met en ordre de marche et qu'on se professionnalise, demain nous pourrons avoir de belles pépites et être un vrai moteur pour l'économie réunionnaise.

Ce n'est pas simple, on est loin de tout, mais c'est faisable et on l'a montré.  

www.imazpress.com / redac@ipreunion.com

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