En clubs et à l'école

MMA : le sport de combat en vogue a (aussi) des vertus éducatives

  • Publié le 10 mai 2024 à 16:03

Si le MMA est un sport en vogue, foncièrement populaire chez les jeunes, on ne peut pas nier que les images qui circulent sur les réseaux sociaux sont parfois d’une extrême violence, bien loin a priori des préceptes de l’École de la République. Et pourtant, le MMA scolaire existe bel et bien dans plusieurs endroits de l’île, enseigné par des profs passionnés, présents également dans le tissu associatif des clubs, qui défendent ses vertus éducatives (Photo sly/www.imazpress.com)

Sur le tapis, quatorze marmays ont entamé un corps à corps sans agressivité, encadrés par les deux profs de MMA 974, le club qui les accueille.

Ils ont entre quatre et onze ans et sont venus goûter au plaisir des sports de combat. Mais ce n’est ni du baby judo ni de la boxe éducative, souvent très convoités par les parents pour canaliser l’énergie débordante de leur progéniture, qui sont enseignés cet après-midi-là.

C’est en fait du MMA (mixed martial arts), que ces enfants pratiquent dans un esprit de découverte éducative, à l’intérieur d’Equinox Gym, à la Pointe-des-Châteaux, à Saint-Leu.

Le MMA est en effet enseigné aujourd’hui dès le plus jeune âge. Il a même fait son entrée à l’école, dans les premier et second degrés, ce qui à bien des égards peut être considéré comme une petite révolution des mentalités, quand on sait à quel point il était voué aux gémonies il y a dix ans encore par ses contempteurs.

Ces derniers continuent d’ailleurs de croire, à tort ou à raison, qu’enseigner un art martial aussi controversé est une hérésie, a fortiori dans l’univers sacralisé de l’école.

"Quand j’ai commencé à l’enseigner, j’ai été confronté à des profs d’EPS qui me disaient que je donnais des armes aux enfants pour apprendre à se battre alors que mon but était juste de leur enseigner une manière de gérer leurs émotions", livre Imara Saïd, professeur de physique-chimie au collège de la Pointe-des-Châteaux et coach à MMA 974.

Depuis, le débat n’a cessé de croître entre des détracteurs qui stigmatisent le MMA pour le déchaînement de violence gratuite qu’il personnifierait et une autre partie de la population qui le regarde avec beaucoup plus d’indulgence et moins d’a priori.

C’est le cas de Rémi. Il est le papa de Pablo, l’un des bambins présents, qu’il n’a pas hésité un instant à inscrire à MMA 974.

"Je trouve que le MMA apprend à mon enfant le respect, le contrôle de soi, dans la vie de tous les jours, affirme ce père très impliqué. Je n’y vois que des bon côtés d’autant que dans l’enseignement que suit Pablo, il n’y a pas de coups échangés. C’est juste l’apprentissage d’un sport très complet qui est à lui seul la quintessence de tous les arts martiaux réunis*."

- "Un bon moyen de diminuer la violence dans les collèges" -

Rémi fait partie de ceux qui ne partagent pas l’idée, véhiculée par d’autres, selon laquelle le MMA serait uniquement le prolongement caricatural des Jeux du Cirque, un combat sanglant entre dégénérés mus par des pulsions bestiales, comme certaines vidéos de l’UFC que l’on voit fleurir sur les réseaux sociaux tendraient à le prouver.

Au contraire, d’après lui, le MMA scolaire ou associatif aiderait à façonner des gamins "plus structurés", que la majorité des autres.

C’est de cela qu’il est question aussi dans le discours de Cédric Certenais, à la fois professeur d’EPS au collège de Trois-Bassins et entraîneur à MMA 974.

"A la Réunion, je fais partie d’un groupe de professeur d’EPS qui s’intéresse au MMA depuis 2011, raconte ce dernier. On a été les premiers à faire un traitement didactique du MMA parce que l’on croit qu’il est un bon moyen de diminuer le niveau de violence dans certains collèges. Le premier objectif est qu’il soit pratiqué en toute sécurité bien entendu ; le deuxième objectif est qu’il puisse cibler des apprentissages prioritaires à l’école à savoir la gestion des émotions, le développement des patterns moteur de base comme sauter, rouler, tirer ou pousser, mais aussi qu’il favorise l’appréhension de différents rôles sociaux chez les enfants, comme le fait d’être tour à tour arbitre, combattant et coach."

Léa est la maman de Manoa (11 ans), Adam (9 ans), Salem (7 ans) et Barak (4 ans), quatre des quatorze bambins en train de s’amuser sur le tapis. Elle souscrit à son tour au fait que le MMA porte en lui des vertus éducatives. "J’ai été séduite par l’univers, la pédagogie des coaches et de fil en aiguilles, j’ai amené mes enfants à pratiquer l’activité", confie-t-elle.

"Je trouve qu’à MMA 974, les coaches sont toujours dans la bienveillance, motivés par l’idée de faire progresser les élèves.

Mais on n’est jamais dans du combat de rue avec eux, sinon je n’y aurais pas mis mes marmays. J’ai moi-même été confrontée à des violences conjugales aggravées donc croyez-moi, j’ai la hantise des coups. Je sais ce que c’est. Mais en le pratiquant moi-même, j’ai découvert un sport qui était à l’opposé de l’image que je m’en faisais, un sport dont le but n’est pas d’apprendre à porter des coups, juste pour faire mal à l’autre, mais d’apprendre à se sortir de situations compliquées lorsque par exemple nos vies sont en danger. C’est ce que j’ai voulu en premier lieu montrer à travers cette pratique à mes enfants. Un autre aspect de ce que représente le combat pur et dur."

- "Une réponse au harcèlement scolaire" -

C’est l’idée à laquelle on adhérera ou pas, que le MMA ne serait pas juste le réceptacle des maux de la société, mais au contraire un moyen pui

ssant de répondre aux problématiques de celle-ci, telles que la délinquance ou le harcèlement scolaire. "Comment répondre en effet à ces problématiques de harcèlement avec l’aide du MMA ?", s’interroge Cédric Certenais, d’abord en constatant que le harceleur a souvent tendance à considérer l'autre comme un objet, qu’il est dénué de toute empathie, donc incapable de se mettre à la place de la victime.

"Dans ces conditions, le MMA nous aide car il développe l’altérité. En mettant les corps face à face, on permet à l’élève d’appréhender l’autre, de le toucher et de ne plus le considérer comme un objet" dit-il.

"L’une des stratégies pédagogiques va consister à développer l’empathie cognitive chez l’enfant, c’est à dire le rendre capable de percevoir chez l’autre un sentiment, une humeur, sa météo du jour ce que j’appelle être capable de se mettre à sa place. Ce sont ces mécanismes psychologiques chez l’enfant que les scientifiques nous invitent à positionner sur les temps d’apprentissage en MMA pour lutter contre le harcèlement" ajoute-t-il.

Selon Imara Saïd, le MMA peut aider à optimiser l’aide apportée aux jeunes victimes de violence. "J’ai affaire au club, à des enfants qui ont fait l’expérience de situations violentes subies, en ont nourri des angoisses et viennent nous voir avec leurs parents pour tenter de trouver des parades", dit-il.

"Avec le support MMA, l’idée est de désacraliser chez eux le rapport physique, de passer par-delà leurs peurs, l’appréhension induite par le fait de les toucher. On leur apprend à banaliser le rapport avec l’autre afin de rendre l’interaction normale." Et de leur rendre ainsi leur confiance en eux-mêmes.

- "On développe un MMA aseptisé en milieu scolaire" -

A l’opposé des combats féroces de l’UFC, la plus grande organisation mondiale de MMA professionnel, où le KO est la norme, le MMA éducatif cherche au contraire à véhiculer d’autres valeurs que la négation d’autrui.

"On développe un MMA aseptisé en milieu scolaire, loin des standards de l’UFC, reprend Cédric Certenais. Par exemple, en cycle 3 (CM1, CM2, 6e ), ce que nous visons en tant que prof tient en trois compétences à développer chez nos élèves: avoir une posture sociale, être capable de gérer la victoire ou la défaite donc ses émotions et être capable de respecter la règle."

Tout en restant évidemment focalisé sur la notion de plaisir. Car, "on ne peut qu’apprendre dans le ludique", prolonge Imara Saïd.

"La vraie violence, ce n’est pas de faire faire du MMA à nos enfants, c’est de les mettre devant des écrans", ajoute Cédric Certenais, en guise de conclusion.

fp/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

* Le MMA (mixed martial arts) combine à la fois les techniques de percussion telles que coups de pied, de poing, de genou et de coude, issues de la boxe anglaise et du muay-thaï, mais aussi les techniques de préhension en corps à corps, de projections et de soumission, héritées du grappling, lui-même issu du jiu- jitsu brésilien et de la lutte ainsi que des techniques particulières de percussion au sol (ground and pound). dimension de la citoyenneté, dimension santé physique et psychologique à travers le MMA

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