Un combustible hautement inflammable

Batteries au lithium : elles sont difficiles à importer et impossibles à exporter

  • Publié le 6 décembre 2023 à 15:27
  • Actualisé le 6 février 2024 à 15:26

Difficile à importer et impossible à exporter… les batteries au lithium sont entrées dans notre quotidien avec l'essor de l'électrique. Et pourtant ces petites batteries pleines d'énergie sont un véritable défi en termes de recyclage. D'autant que ces derniers mois, les départs de feu de ces batteries font la Une des médias. Des incendies difficiles à maîtriser comme ce fut le cas ce 23 novembre 2023 dans un container du Port. Si le risque incendie n’est pas nouveau dans la filière déchets, les batteries au lithium sont une nouvelle cause importante des départs de feu. Ce métal alcalin est hautement inflammable en cas de choc, dégradation, chaleur ou humidité. Or le lithium se trouve désormais partout, dans les téléphones portables, vélos et trottinettes électriques, télécommandes, écouteurs sans fil, consoles de jeux… Une double peine pour La Réuniondéjà confrontée à des difficultés pour traiter les déchets dangereux.

Souvenez-vous… le 23 novembre dernier, un container stockant 200 batteries au lithium a pris feu au Port Ouest. Si pour l'heure les circonstances de l'incendie restent à déterminer, le Capitaine des pompiers intervenant sur les lieux du sinistre, avait déclaré, "ce feu peut être dangereux car la fumée des batteries peut être toxique et provoquer un dégagement d'acide fluorhydrique". Il avait également indiqué "ne pas savoir quand le feu serait éteint mais qu'en raison des batteries, cela allait prendre du temps".

Des batteries au lithium dont le risque inflammable est tel qu'il est impossible de les exporter une fois utilisée en dehors de La Réunion. De même, les compagnies maritimes d'affrètement refusent de transporter des appareils transportant du lithium, n'étant pas neuf.

Lire aussi - 200 batteries au lithium prennent feu au Port Ouest : incendie maîtrisé mais pas éteint

- Les compagnies maritimes frileuses à l'idée de transporter du lithium -

Imaz Press a interrogé Philippe-Alexandre Rebboah, président du SICR (syndicat du commerce Réunion), également directeur général de LEAL Réunion (importateur des marques BMW Group).

Comment expliquer qu'on ne puisse exporter les batteries au lithium usagées vers l'Hexagone mais qu'on puisse importer des véhicules neufs en comportant.

Philippe-Alexandre Rebboah explique que "paradoxalement, les batteries au lithium neuves transitent par bateau, que ce soit des bus, des voitures, des camions…".

"Les compagnies chargent ces véhicules et comme les véhicules sont neufs les boitiers sont en sommeil et cela réduit la consommation d'énergie et évite tout risque d'incendie."

C'est d'ailleurs face à ce risque que les compagnies maritimes refusent les transports de tout moyen de transport électrique d'occasion.

"Le lithium, au contact de l'air (s'il y a un défaut sur la batterie) s'embrase et pas grand-chose n'arrête l'incendie, même en étant immergé ça peut brûler", explique Philippe-Alexandre Rebboah.

"Les voitures d'occasion ne sont pas autorisées – ou alors il faut que le particulier à ses frais prenne un conteneur réfrigéré et alors cela se chiffre en plusieurs milliers d'euros", note le président du SICR.

Pour bien comprendre, "la notion de neuf donne plus de garanties. Dès lors que ce n'est plus neuf cela veut potentiellement dire qu'il y a un défait et là on est plus garant de la stabilité de la batterie au lithium".

La compagnie maritime locale Mer Union refuse les véhicules d'occasion. "On n'est pas habilité à les transporter", explique Christelle Goinden-Flambard, directrice. "On ne prendra pas le risque de transporter ce type de batteries, jugées trop instables."

Elle évoque d'ailleurs l'incendie du Port. "Cette image illustre bien la complexité du sujet et rend vigilant par rapport à la cargaison et la marchandise que l'on transporte", précise la directrice de Mer Union.

- Le casse-tête du tri efficace -

"Quand il y a une panne, un accident ou qu'il est venu le temps de changer la batterie, il faut changer plusieurs modules constituant la batterie. Des modules qui, associés, permettent à la voiture de rouler."

Là où le problème se pose, c'est qu'une fois ces batteries utilisées, impossible de les importer ni même de les stocker ensemble.

"Sur le territoire jusqu'à présent, aucune solution n'existe pour réexporter ces déchets car il n'y a pas de traitement local, même si un appel à projet a été fait par l'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) et que des pistes sont à l'étude", souligne Philippe-Alexandre Rebboah.

Sauf que, même si les acteurs se concertent, "les compagnies maritimes restent frileuses à charger ces déchets, car autant la batterie est stable dans un véhicule neuf, autant quand le module est sorti de son logement il représente un risque inflammable".

Des incendies se sont d'ailleurs déjà produits sur des navires, comme le 26 juillet 2023 où un cargo a dramatiquement pris feu au large des Pays-Bas. S'il est trop tôt pour affirmer avec certitude l'origine du sinistre, tous les soupçons se tournent vers une voiture électrique comme point de départ de cet incendie qui a fait un mort et plusieurs blessés

Généralement, un incendie de batterie commence dans une seule cellule au sein d’un bloc. Une batterie peut s’enflammer pour trois raisons principales : un dommage mécanique, tel qu’un écrasement ou un percement lors d’une collision entre véhicules, un dommage électrique dû à un court-circuit externe ou interne ou encore une surchauffe.

"C'est pourquoi il faut pouvoir sécuriser les différents intervenants pour que l'export des batteries au lithium voit le jour."

Un travail de collaboration entre Suez et la compagnie maritime CMA-CGM est déjà en cours pour finaliser un process d'exportation des batteries dans un conteneur à la température régulée, un "reefer".

Ajouté à cela des sarcophages ignifugés pour éviter tout risque de propagation d'un incendie. 

Autre projet en cours, "trouver un système pour vider ces modules et les rendre inertes", précise Philippe-Alexandre Rebboah, président du SICR. Car même si la batterie affiche 0%, "il reste toujours de l'électricité dedans".

Si ce process est validé et que l'ensemble des acteurs sont d'accord, le projet de réexportation des batteries au lithium pourrait voir le jour à La Réunion au premier trimestre 2024.

"Cela permettrait de faire un test car on part d'une page blanche", note le président du SICR.

Reste un autre point de difficulté et pas des moindres : le financement. "Toute cette opération a un coût mais après on n'a pas la possibilité de faire différemment." En comparaison des batteries au plomb, le chiffre serait fois dix.

Une nécessité, alors qu'à La Réunion, près de 200 tonnes de batteries au lithium sont stockées, en attente de recyclage.

Lire aussi - 3.700 tonnes de déchets vont (bientôt) quitter La Réunion

- Un enjeu pour l'avenir… mais pas à n'importe quel prix -

Si le SICR s'évertue avec des acteurs locaux à trouver des solutions, "c'est que l'électrique est un enjeu environnemental et économique".

"Derrière il y a toute une filière à monter et à financer car même si l'on veut tendre vers l'électrique, jusqu'à maintenant, personne n'avait pensé à ce scénario des batteries stockées sans solution de recyclage."

Pour Christelle Goinden-Flambard, directrice de Mer Union, "il faut adapter notre mode de consommation et vivre avec la particularité de notre insularité".

À terme, ce que pense Philippe-Alexandre Rebboah, "c'est de trouver un modèle plus vertueux que j'achète, je consomme, je jette". "Il faut trouver un moyen de réemploi de ces batteries sur le territoire pour valoriser les différents métaux."

"Il y a un schéma à mettre en en place car on a le sujet de la mobilité électrique pour sortir des énergies fossiles, qui va de pair avec le développement et la massification des batteries… Mais aujourd'hui la réalité c'est que ces batteries on ne sait pas les exporter", souligne Emmanuel Braun, directeur adjoint de la DEAL (Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement).

Face à un avenir où ces batteries seront de plus en plus présentes, "il faudra que le gouvernement légifère sur de nouvelles normes de stockage pour éviter tout risque de propagation d'incendie".

ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

guest
3 Commentaires
Habitant
Habitant
9 mois

Je trouve que cet article comme tant d'autres surfe un peu trop sur la peur des véhicules électriques et leurs batteries.
Je donne l'exemple des mots utilisés pour l'incendie du bateau au Pays Bas: dramatique, et l'utilisation du verbe au conditionnel.

Attention à ne pas créer des peurs irrationnelles comme avec le requin par exemple.

Nous ne sommes pas la première région au monde où se met en place l'électrification des voitures et autres moyens de transport.
A titre d'exemple, les pays scandinaves ont des années d'avance sur nous. Comment font-ils? Les voitures y circulent très régulièrement sur des bateaux soit pour traverser des fjords, soit pour aller de Norvège, Suède vers la Finlande.

Deuxièmement, cette histoire montre encore le niveau d'impréparation à la Réunion aux sujets de demain, notamment la transition énergétique. En gros, il est dit dans l'article qu'on n'a rien prévu.

J'aimerais qu'au delà des discours, on soit plus dans l'action sur notre île!
C'est maintenant qu'il faut faire les choses, pas dans 10 ans ...

ducon
ducon
9 mois

Sauf qu'avant d'écrire il faut se documenter... pour l'incendie au pays bas pas de bol mais en fait le feu s'est déclaré dans une zone ne contenant que des véhicules thermiques et les véhicules électriques (dans une autre zone) ont été globalement épargnés et n'ont donc pas pu être la source de l'incendie...

Reste à savoir si le reste est aussi bien documenté... ou si le "journaliste" à fait pareil deux coups de google sans chercher à creuser :(

Du grand journalisme d'investigation une fois de plus... on fait du sensationnel et on passe à l'info suivante... pas besoin de vraies infos pour les réunionnais il n'y a que le sensationnel qui les intéresse, ils ne sont surement pas assez intelligents pour qu'on se donne la peine de vérifier ses infos... (Bonjour ducon, comme vous vous nommez vous-même, merci pour ce commentaire, soyez assuré que nous travaillons tous les jours pour arriver à votre niveau... Belle journée - Modérateur)

Antipode
Antipode
9 mois

Merci pour cet intéressant article ; effectivement, en-fait le challenge c'est de sortir de la société de conso-consu-mation !