Pas de gagnant pour le Président

Macron exige une large coalition avant de choisir un Premier ministre

  • Publié le 11 juillet 2024 à 11:38

Emmanuel Macron, muet depuis le second tour, est sorti de son silence: le chef de l'Etat, qui s'est envolé pour Washington ce mercredi 10 juillet pour participer à un sommet de l'Otan, s'est adressée aux Français dans une lettre publiée dans la presse régionale. Refusant la victoire du NFP, il appelle l’ensemble des forces politiques à "bâtir une majorité solide" pour gouverner, un appel au "compromis" et à la poursuite du "front républicain" relayé par ses troupes en quête d’une large coalition au Parlement.

Sortant de son silence trois jours après le second tour des élections législatives anticipées, le président de la République s’est adressé aux Français dans une lettre publiée par la presse quotidienne régionale.

Non seulement "personne ne l’a emporté" dimanche, selon lui, mais il faut "inventer une nouvelle culture politique" face à la coexistence inédite de trois blocs dans l’hémicycle: le Nouveau Front populaire, le bloc macroniste et le Rassemblement national.

Le chef de l’Etat, en déplacement à Washington pour un sommet de l’Otan, demande ainsi à "l’ensemble des forces politiques se reconnaissant dans les institutions républicaines, l’Etat de droit, le parlementarisme, une orientation européenne et la défense de l’indépendance française, d’engager un dialogue sincère et loyal pour bâtir une majorité solide, nécessairement plurielle, pour le pays".

Il espère voir se former "un projet pragmatique et lisible" et exhorte les partis à "concrétiser par les actes" le front républicain qui a permis de contrer le RN, arrivé troisième dimanche soir avec 143 députés en comptant ses alliés.

Mais toutes ces tractations prendront "un peu de temps", une période à l’issue de laquelle Emmanuel Macron "décidera de la nomination du Premier ministre".

Allant à l'encontre de ce que prévoit les institutions, Emmanuel Macron s'obstine à refuser de nommer un Premier ministre issu du bloc majoritaire de l'Assemblée nationale. S'il n'attaque aucun parti dans cette sortie bien plus mesurée qu'à son habitude, son refus de travailler avec une partie de la gauche se traduit dans le comportement de certains de ses soldats les plus fidèles.

Gérald Darmanin, Aurore Bergé, Edouard Philippe : tous appellent à un rapprochement avec les partis de droite pour gouverner, excluant de facto toute une partie de la gauche.

Après avoir de lui-même décidé de provoquer le chaos dans le pays en prononçant une dissolution précipitée, qui se termine désormais d'une façon qui ne lui convient pas, le Président laisse aujourd'hui aux élu.es la délicate tâche de trouver un terrain d'entente apaisé. Le tout après trois jours de silence et un départ pour Washington.

- Tollé -

Une lettre qui a créé - sans surprise - un tollé. A gauche, Jean-Luc Mélenchon a estimé que le Président "refuse de reconnaître le résultat des urnes qui a placé le Nouveau Front Populaire en tête des votes et des sièges à l'Assemblée". "C'est le retour du droit de veto royal sur le suffrage universel. Il prétend donner du temps pour  former une autre coalition par magouilles après les élections" a-t-il dénoncé.

Clémence Guetté, une des députées mises en avant par LFI pour un éventuel poste de Première ministre, a fustigé un Président "plus seul que jamais" qui "brutalise". "Il avait jeté la France dans les bras de l'extrême droite, nous l’avons évité. Maintenant, le Nouveau Front populaire doit gouverner", écrit-elle sur X.

"Emmanuel Macron aussi, en 2022, 'ne l'a pas emporté'", "il a été élu pour faire barrage", a rappelé de son côté député de la Somme François Ruffin, qui a rompu avec LFI.

"Cela ne l'a pas empêché de faire la retraite à 64 ans, de brutaliser les citoyens et les institutions", a-t-il souligné. "Cette manière de gouverner, avec arrogance et toute puissance, personne à gauche ne souhaite la reproduire".

"Ça fait 7 ans qu’on nous sert le ‘en même temps’ à toutes les sauces. Mais on ne peut pas perdre et gagner en même temps. Il faut accepter le verdict des urnes du 1er et du 2nd tour de l’élection", a réagi la secrétaire nationale des Écologistes Marine Tondelier sur X.

"La logique institutionnelle lui dicte d’appeler les chefs de parti du Nouveau Front populaire pour nous demander de lui proposer le nom d’un Premier ministre et un gouvernement", a-t-elle ajouté.

A l'extrême-droite, Jordan Bardella a estimé qu'Emmanuel Macron "organise la paralysie du pays en positionnant l’extrême gauche aux portes du pouvoir, après d'indignes arrangements". "Et son message est désormais: débrouillez-vous. Irresponsable!", s'est indigné le président du Rassemblement national.

- Visions diverses -


Cette prise de parole décisive intervient au moment où le camp présidentiel se démultiplie à l’Assemblée nationale pour dégager une majorité.

Les macronistes tentent ainsi de convaincre que le Nouveau Front populaire, arrivé en tête des législatives de dimanche avec 190 à 195 députés, et tout particulièrement La France insoumise, ne sont pas légitimes pour gouverner seuls.

Dans un communiqué, les députés Renaissance ont ainsi plaidé pour "des alliances programmatiques" au sein d’une "coalition de projet allant des sociaux-démocrates à la droite de gouvernement", sans LFI.

Mais dans le détail, plusieurs lignes se chevauchent dans les rangs macronistes sur la stratégie à adopter.

Certains, menés notamment par Gérald Darmanin, lorgnent essentiellement la droite pour trouver des alliés. "Il peut y avoir un Premier ministre de droite, ça ne me gênerait en rien", a ainsi déclaré le ministre de l’Intérieur sur CNews et Europe 1.

Cela rejoint la posture de l’ancien Premier ministre Edouard Philippe, qui plaide lui pour la signature d’un "accord technique" avec Les Républicains, en vue "d’avancer et de gérer les affaires du pays pendant au moins un an".

- Groupe Renaissance fragilisé ? -

Mais une autre frange du camp présidentiel, notamment son aile gauche, voit plus large. Sacha Houlié, marcheur de la première heure et ex-président de la commission des Lois, a annoncé qu’il ne "siégera pas" au groupe Renaissance, préférant tenter de créer un groupe "qui aille de la droite sociale à la gauche socialiste".

Dans la même veine, la prise de position du patron du MoDem François Bayrou risque de ne pas passer inaperçue.

Ce proche allié d’Emmanuel Macron a martelé auprès de l’AFP qu’on "ne peut pas faire un gouvernement d’union nationale avec un seul camp", plaidant pour la désignation d’un Premier ministre capable de "rassembler", sans s’exclure lui-même de ce scénario.

Les mains tendues peuvent-elle aboutir ? Certains responsables de la droite semblent s’ouvrir à l’idée, d’autres sont plus sceptiques.

"Nous ne participerons pas à des coalitions gouvernementales", a affirmé le président fraîchement élu du groupe LR rebaptisé « Droite républicaine », Laurent Wauquiez. Mais il n’écarte pas un "pacte législatif" pour la "revalorisation de la France qui travaille".

A gauche, plusieurs responsables ont déploré que le chef de l’Etat, selon eux, ne respecte pas le résultat des élections.

"Sa majorité a perdu (...) Il y a une force politique qui est en tête, donc elle a gagné", a déclaré le député insoumis Eric Coquerel, président de la commission des finances sous la précédente législature. Le chef de l’Etat "doit rendre service à ce pays en arrêtant de biaiser pour essayer de garder le pouvoir", a-t-il ajouté sur franceinfo.

La gauche, qui continue de revendiquer Matignon mais n’a toujours pas proposé son équipe gouvernementale, dénonce les "manigances" du camp présidentiel.

Le NFP bataille aussi en interne entre ses deux principales composantes, des Insoumis à peu près stables entre 70 et 80 élus, et un Parti socialiste (PS) revigoré qui espère faire au moins jeu égal pour proposer un Premier ministre issu de ses rangs, comme son premier secrétaire Olivier Faure.

www.imazpress.com avec l'AFP

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5 Commentaires
Phil
Phil
10 mois

Déni de démocratie ... il avait eu moins de députés que le Nouveau Front Populaire la dernière fois et avait gagné selon lui !! Alon Sobat !!

Déni
Déni
10 mois

Deni démocratique

HULK
HULK
10 mois

C'est quand même la gauche et l'extrême gauche qui ont appelé à voter pour lui, il ne faut pas changer l'histoire.

Man974
Man974
10 mois

Macron, avec l'aide de ses complices de Droite et d'extrême-Droite, a fait de ce pays une dictature !

parce que vous Êtes gouvernés par Les Ratés En Mo
parce que vous Êtes gouvernés par Les Ratés En Mo
10 mois

Le gamin à l’ Elysée a décidé de prendre la parole sur la situation politique en France après les élections législatives.

Un intéressant de première a déjà publié trois aux lettres aux Français depuis sa première élection en 2017.

Que faut-il retenir de la lettre aux Français ?

Le gamin à l’ Elysée ne se laissera dicter par personne, en l’espèce par aucun groupe politique, le choix du prochain Premier ministre. C’est lui et lui seul qui décidera le moment venu.

Rien dans le slip, il laisse filer, avec un gouvernement « continuera d’exercer ses responsabilités, puis sera en charge des affaires courantes », comme le veut la tradition républicaine.