Surcharge informationnelle au travail

Mails, pièces jointes, réunions digitales... une étude met en garde contre le stress numérique

  • Publié le 19 mai 2023 à 13:20
  • Actualisé le 19 mai 2023 à 13:23

Recevons-nous trop d’e-mails au travail ? C’est en tout cas ce que semble indiquer une étude de l’Observatoire de l’infobésité et de la collaboration numérique (OICN), réalisée par Mailoop, une PME d’analyse des pratiques numériques. Pendant deux ans, l’entreprise a épluché 58 millions d’en-têtes d’e-mails de plus de 9.000 personnes, issues de cinq entreprises. Résultat, ces derniers reçoivent en moyenne 144 courriels par semaine. C’est plus pour les managers et les dirigeants d’entreprises : il faut compter près de 200 e-mails pour les premiers, et jusqu’à plus de 400 pour les seconds. Pour tenir en ordre cette tonne d'e-mails, nous passons 30 % de notre journée à les consulter et les trier. Un usage excessif et inadapté qui participe à notre "stress numérique" au travail.

Le trop-plein de mails et d'informations "remet en question le sens et le rapport au travail ainsi que les modes de fonctionnement", précise l'Observatoire.

"Ce mille-feuille communicationnel entraîne un effet rebond du nombre de messages et un zapping permanent entre les canaux, qui fragmentent et émiettent l'activité de travail. Il en résulte un sentiment de densification du travail et de surcharge cognitive, préjudiciable à la qualité du travail et à la santé des travailleurs", note Suzy Canivenc, chercheure à la Chaire Futurs de l'industrie et du travail.

Sur l'ensemble des emails que l'on reçoit chaque jour – environ 66 – les deux tiers sont envoyés pour qu'une action soit décidée (63%), et le tiers restant pour information (31%).

Sur ces pourcentages, 63% sont dirigés vers nos collègues en interne.

Concernant les habitudes de traitement, 16% sont répondus, 5% sont transférés, 15% ont plus de spectateurs que d'acteurs, 2% sont des emails "parapluie" (plus de cinq personnes en copie pour une seule personne en destinataire principal), 25% sont la conséquence du "répondre à tous".



Avec ces usages, ces envois, ces réunions, ces échanges… cela peut générer des risques psychosociaux spécifiques (technostress). "Le stress numérique est un des fléaux de notre époque", souligne Mathilde Le Coz, DRH France-Mazars.

Le premier de ces risques étant le volume d'emails envoyés et reçus. "C'est le premier indicateur révélateur de l'infobésité, souvent aggravé par les responsabilités managériales."

Selon l'Observatoire, "personne ne doit gérer plus de 100 emails par jour".

Dans l'usage, l'email "est devenu un outil de conversations instantanées". Des notifications qui "participent à l'hyper-réactivité" et "donnent un sentiment d'urgence permanent générant stress et anxiété". 51,4% des emails étant répondus en une heure.

Le second de ces risques étant l'hyper-connexion. Pourtant, depuis 2017, le droit à la déconnexion se limite à un été mis en œuvre. "Cinq ans plus tard, beaucoup de chartes ont été publiées pour peu d'effets mesurés."

Pourtant, ces temps de repos en baisse détériorent la santé des salariés. Sur le panel de 9.000 salariés, 117 passent leurs soirées reconnectées. 31% même des salariés sont hyperconnectés.

Une hyper-connexion dont découle l'isolement numérique. 12,3% des salariés interagissent avec moins de 10 personnes différentes par semaine.

- Du "bruit" notoire pour notre santé -

Ces mails, ce temps passé sur l'ordinateur, ont été fortement accélérés par le télétravail et la digitalisation des échanges.

Beaucoup de ces messages ne sont pas indispensables. Ils sont même qualifiés de "bruit numérique" par l’Observatoire de l’infobésité. En effet, plus de 30% des courriels sont dus à l’utilisation de la copie, 25% sont générés par le "répondre à tous", 18% au transfert et 17% à ce que l’Observatoire appelle l’usage conversationnel du courriel, à savoir plus de dix aller et retour.

L’Observatoire de l’infobésité, dans lequel sont impliqués notamment l’Université de Bordeaux Montaigne et Mines Paris, affirme qu’au-delà de trois messages, le téléphone ou le tchat sont plus adaptés.

Pourtant, 90% des collaborateurs et collaboratrices ne les utilisent pas régulièrement. 50% des personnes utilisent plus le tchat que l'email. L'objectif étant que 50% des dirigeants sont présents régulièrement sur les outils collaboratifs.

- Une "perte de temps" qui occasionne du stress -

Avec ces échanges, les salariés ont souvent l'impression de "manquer de temps" ou d'"être sous l'eau". Des emails à profusion, des rendez-vous, des réunions qui prennent de la place dans le temps accordé au travail et "augmentent la charge mentale".

Aujourd'hui, selon l'Observatoire, 70% des collaborateurs et collaboratrices interrompent leur tâche quand surgit une notification. "Sachant qu'il faut au moins 30 minutes sans interruption pour que le cerveau soit au maximum de ses capacités, les temps de travail intense disparaissent progressivement", note l'étude. "Les efforts de reconcentrations multiples génèrent une fatigue cognitive toujours plus importante."

89% du temps de travail des dirigeants est perturbé par l'envoi d'emails. D'ailleurs, 74% d'entre eux n'arrivent pas à traiter l'ensemble de leurs emails au quotidien.

Et les emails ne sont pas les seuls à accentuer la charge mentale. Les réunions également. 15% des réunions ne laissent pas le temps de respirer, selon l'étude de l'Observatoire. Parfois, même 21% des réunions se chevauchent, laissant encore moins de temps.

Inévitablement, cette surcharge informationnelle "maladive" devient une cause majeure de risques psychosociaux, de burn-out ou de bore-out pour certains employés qui n'y trouvent plus de sens.

- Des ressources qui polluent l'esprit et la planète -

Des emails, des pièces jointes, des réunions par visio… ces échanges que l'on pense rapide et sans danger, le sont pour les salariés, mais aussi pour l'environnement.

"Les flux de communication migrent toujours plus vers des services hébergés sur le cloud. Les données virtuelles y sont physiquement hébergées, et de nombreuses fois répliquées, au sein de datacenters qui consomment toujours plus d'énergie avec l'explosion des volumes de données."

Ces datacenters qui représentent près de 3% de la consommation mondiale en 2022 et qui, d'ici 2030 ; devraient représenter plus de 10%. Sachant qu'un mail, pour son usage et son stockage, émet 7,1 kilos de CO2 par an. Tout en sachant que de nombreuses données sont stockées inutilement.

Ce sont d'ailleurs les pièces jointes qui sont responsables de la plus grande partie du poids des emails. 85% du volume total du partage de fichiers est généré par 10% des emails.

Pour pallier cela, l'Observatoire de l'infobésité et de la collaboration numérique (OICN) préconise de "définir une durée de vie par défaut à l'information, pour qu'ensuite la conservation de longue durée soir l'exception". 

Il est également important de se déconnecter régulièrement et de prendre des pauses pour permettre à notre cerveau de se reposer et de se ressourcer.

ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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