Pas ou très peu de pluie, événement pluvieux intense mais très court, des chaleurs au-dessous des normales de saison… à La Réunion, nos ressources manquent d'eau. Une sécheresse qui frappe également l'Hexagone où deux tiers des nappes phréatiques sont sous les normales. Mais alors, qu'en est-il à La Réunion ? Réponse…
En dépit des quelques pluies de ces dernières semaines, une bonne partie des nappes phréatiques de La Réunion affiche des niveaux très faibles.
"Même si certaines sont conformes à la normale, on a des déficits", note Anli Bouhrane, hydrogéologue à l'Office de l'eau.
Des déficits présents notamment dans cinq secteurs : Saint-Gilles, Le Port, Sainte-Marie, Sainte-Suzanne et Saint-André.
L'expert nous explique, "le recharge des nappes provient de la pluviométrie. Mais d'après les chiffres de Météo France, on a observé pendant trois mois des déficits. Un déficit estimé à plus de 30%. Du coup, on estime que l'on a perdu un tiers de la recharge à laquelle on pouvait s'attendre". "On a perdu 33% de volume d'eau qui rechargeait habituellement les nappes dans une année normale", ajoute-t-il.
Pourtant, la pluie était bien partie avec Cheneso qui "a ramené beaucoup de pluies en janvier, mais finalement février, mars et avril n'ont pas été à la hauteur de nos espérances". Le déficit de pluviométrie en février étant de 65%, 35% en mars et 10% en avril.
Concernant les rivières, "on observe une baisse des débits qui s'expliquent par le manque de pluie". Cinq cours d'eau sont d'ailleurs particulièrement impactés : la rivière Sainte-Suzanne, rivière Saint-Jean (Bras-Panon), la rivière des Marsouins et dans les Hauts celle de Bras-Noir (Plaine des Palmistes). "Sur les autres rivières on a une baisse des débits déjà enclenchée mais ils restent à peu près conformes à la normale pour la période", précise Anli Bouhrane de l'Office de l'eau.
Pour les rivières Saint-Jean et Bras-Noir d'ailleurs, "on a atteint le deuxième débit le plus faible observé depuis la mise en place des observations il y a dix ans".
- Une situation décrite comme critique -
Selon Anli Bouhrane, hydrogéologue, on peut même parler de situation critique "comme on part avec un niveau plus bas que la normale dans les nappes et que l'on observe déjà des débits de rivière plus faibles". Avec ce constat, "on s'attend à entrer dans une période de crise plus rapidement que l'année dernière".
"Il faut imaginer qu'au début de l'année, il y ait des événements pluvieux intenses qui ramènent beaucoup d'eau. Sauf qu'après les nappes et rivières se déchargent. Pendant l'hiver, les petites pluies viennent donc ralentir cette décharge pour freiner la baisse des débits." Sauf que cette année, il n'y a eu que très peu d'eau.
En effet, selon Météo France Réunion, "la dernière saison des pluies s'est avérée extrêmement déficitaire, avec un déficit de cumuls de l'ordre de 30% entre décembre 2022 et avril 2023", nous explique François Bonnardot, météorologue. Un déficit "que l'on retrouve en moyenne tous les 10 ans".
Depuis le démarrage de la saison sèche au mois de mai, "on est globalement sur un déficit mais pour l'instant le mois de juin est particulièrement sec, en dehors de l'épisode isolé de Saint-Joseph".
Regardez plutôt :
Mais pourquoi, alors que la pluie tombe (même un peu), les rivières et les nappes ne se rechargent pas ?
"Cette année, les pluies – parfois conséquentes comme sur le littoral nord ou à Saint-Joseph – n'ont pas permis de recharger les nappes et rivières. Ces pluies conséquentes "génèrent un ruissellement et des dégâts pour la population mais ne va pas permettre d'améliorer la situation en termes de ressources en eau".
Des phénomènes courts mais intenses, conséquence d'une température de la surface de l'océan particulièrement chaude pour la saison, "avec une anomalie d'un à deux degrés". Des phénomènes qui, dans les années à venir, pourraient se reproduire en raison de la hausse de température des océans.
"Il faudra attendre la prochaine saison des pluies pour avoir des pluies suffisantes pour combler les déficits accumulés depuis quelques mois", précise François Bonnardot.
- Une situation qui ne devrait pas s'arranger -
Si beaucoup de nappes sont au plus bas, cela ne devrait pas s'améliorer dans les semaines à venir. "Il n'y a pas suffisamment de recharge pour maintenir un niveau haut pendant le premier semestre", indique Anli Bouhrane, hydrogéologue.
"Si les pluies hivernales cela pourra peut-être sauver notre saison et ralentir la baisse", maintenant, "si la pluie n'est pas au rendez-vous – comme c'est le cas actuellement – il pourrait y avoir des coupures par la suite".
Quel impact cela peut-il avoir ? L'impact est simple : la sécheresse. "On va avoir des agriculteurs qui auront besoin de plus d'eau pour arroser mais avec moins de plus, cela risque d'impacter l'approvisionnement pour l'irrigation", précise l'Office de l'eau.
Ensuite, les communes qui s'approvisionnent à partir des rivières et qui captent l'eau via les sources seront directement exposées. "C'est d'ailleurs pour cela que les communes dépendantes des ressources en eau superficielles sont les premières à être impactées par les coupures d'eau."
Des communes comme celles de la Cirest (Saint-André, Salazie, Bras-Panon, Plaine des Palmistes, Saint-Benoît). Ce qui, selon Anli Bouhrane, "est assez paradoxal", pour les villes qui sont les plus arrosées de l'île.
Les communes qui s'alimentent via les nappes pourront elles fonctionner plus longtemps, et ce, malgré les déficits.
De plus, comme le note François Bonnardot, face à la hausse des températures et au changement climatique, "on n'aura pas forcément à l'échelle annuelle une baisse significative des précipitations mais un contraste plus fort sur des périodes sèches - qui seront sévères et longues - et des périodes intensément pluvieuses".
"Ce qui veut dire que la répartition de l'eau sera moins bien dans le temps et la recharge des ressources sera sûrement mise à mal par cette instabilité."
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- Grosses inquiétudes dans l'Hexagone -
En France hexagonale, le ministre Christophe Béchu faisant état d"'inquiétudes très vives" sur certaines zones comme le couloir rhodanien et la Méditerranée.
Depuis, et malgré les pluies – souvent dévastatrices – pas d'amélioration " car elles sont absorbées par la végétation et ne pénètrent donc pas jusqu'aux nappes phréatiques, principales réserves d'eau potable", ajoute le ministre de la Transition écologique.
Le ministre de la Transition Écologique, Christophe Béchu présente la carte des nappes phréatiques en direct dans #LaMatinale pic.twitter.com/2MJ0RheYFZ
— CNEWS (@CNEWS) June 14, 2023
Avec le dérèglement du climat, "l'eau tombe parfois de manière plus brutale, plus concentrée, et une grande part de cette eau qui tombe est absorbée à cause de l'augmentation des températures", avec pour double conséquence "moins d'eau pour les activités humaines et de l'autre côté, des catastrophes provoquées par le ruissellement et des orages extrêmement violents", comme ceux connus dans certaines régions ces dernières semaines.
"Longtemps, on a vécu comme des enfants gâtés en pensant qu'on n'allait jamais manquer d'eau", a déclaré Christophe Béchu, pointant notamment du doigt une bétonnisation trop importante - "ces 50 dernières années, on a plus artificialisé les sols qu'en 500 ans".
Il faut donc désormais se dire que dans les années à venir, nous aurons "moins d'eau disponible". À nous de "lutter contre le gaspillage".
ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com
Le manque d'eau ça sera un problème récurent dès maintenant il faudrait prendre des décisions en adéquation pour une meilleure gestion de l'utilisation d'eau sur tous les plans ...
A priori il tombe assez d'eau à LA RÉUNION,mais une grande partie de celle-ci est perdue. Mais comme d'habitude, aucune anticipation et gestion optimisée depuis le temps qu'on en parle. On ne sait que se lamenter à chaque fois.