Rapport

Mayotte : une situation financière "à surveiller", estime la Cour des comptes

  • Publié le 5 août 2024 à 18:40
  • Actualisé le 5 août 2024 à 18:51

La chambre régionale des comptes de Mayotte a ouvert le contrôle des comptes et la gestion de la commune de Mamoudzou à Mayotte en septembre 2023. Son rapport avancer plusieurs recommandations : une surveillance accrue de la situation financière de la commune, un meilleur contrôle des commandes publiques, et une meilleure organisation en matière de scolarité. Nous publions le communiqué de la CRC Mayotte ci-dessous (Photo d'illustration rb/www.imazpress.com)

Ces observations portent sur la situation financière, les ressources humaines et la compétence scolaire, (premier cahier) et sur la commande publique (second cahier). La chambre formule quatre recommandations.
 
Le dernier examen de gestion de la ville de Mamoudzou avait porté sur les exercices 2014 à 2018. En 2024, la chambre constate que sur les 22 recommandations adressées (dont 14 pour la commande publique), une grande majorité d’entre elles n’a pas été mise en œuvre. La quasi-totalité des observations formulées à cette époque reste toujours d’actualité.
 
- Une situation financière à surveiller -
 
Avec une dynamique des dépenses de fonctionnement plus importante que celle des recettes, l’épargne brute s’est dégradée, passant de 8,5 M€ en 2018 à 0,1 M€ en 2022. Elle amorce néanmoins un redressement en 2023 en raison d’une reprise des produits de gestion plus importante que celle des charges. Malgré ce redressement, la capacité de désendettement représente encore près de 26 ans au 1er janvier 2024. L’épargne brute n’est donc pas encore suffisante pour revenir à un équilibre pérenne.
 
S’il convient de relever l’important effort réalisé pour encadrer les processus et les procédures internes, notamment dans leurs aspects financiers, cet effort de formalisation semble peu exploité dans son application, au vu des nombreux dysfonctionnements relevés en matière de ressources humaines et de commande publique. Plusieurs anomalies ont été relevées par la juridiction financière : avantages accordés, régime indemnitaire à clarifier, maîtrise des heures supplémentaires, gestion des frais de déplacement, etc.
 
 - Des défis en matière de compétence scolaire -
 
Les nouvelles investigations se sont inscrites dans le cadre d’une enquête de la chambre menée sur la compétence scolaire à Mayotte. La municipalité en fait d’ailleurs un axe stratégique prioritaire de sa mandature.
 
En octobre 2023, la commune comptait près de 17 000 enfants scolarisés en maternelle et en primaire, en augmentation de 18 % depuis 2018. Face à cette croissance, elle n’a plus la capacité de les scolariser tous normalement et a ainsi recours à divers systèmes dégradés (rotations, classes itinérantes, co-enseignements, etc.). En dépit de ces mesures, elle n’arrive pas à accueillir tous les enfants. Pour autant, elle en accepte qui ne relèvent pas de son territoire. Cette situation est porteuse de complications et de désorganisations.
 
Il n’en demeure pas moins que la ville met en œuvre des moyens considérables pour faire face aux besoins scolaires, tant en fonctionnement qu’en investissement. D’importants efforts sont faits sur la sécurité intérieure et extérieure, y associant d’ailleurs depuis peu le tissu associatif. L’actualisation du plan pluriannuel d’investissement (PPI) en 2021 a intégré de nouvelles opérations concernant la sécurité (5 M€), l’éclairage (15 M€), le bâtiment (13 M€), l’enseignement et l’éducation (70 M€) et le sport et la jeunesse (50 M€).

Depuis 2018, la commune a engagé divers travaux de réhabilitation de ses groupes scolaires et de construction de nouvelles écoles, de salles de classes et de réfectoires. Leur réalisation n’arrive pourtant pas à suivre l’agenda des financements. Enfin, la ville compte un seul réfectoire de cantine construit, mais qui n’est toujours pas fonctionnel. Ce projet, mal coordonné avec la caisse des écoles, a pris un retard d’au moins une année scolaire, malgré de nombreux équipements pourtant déjà en place.
 
Si l’accueil périscolaire est généralisé et totalement pris en charge par le denier public, il demeure peu développé malgré les moyens consentis. Les animateurs, bien que qualifiés pour la plupart, se contentent en général de garder les élèves. Compte tenu de la participation de l’État, la charge nette supportée par la commune pour la masse salariale des 260 animateurs périscolaires s’est élevée à 1,46 M€ en 2022.
 
- La commande publique : malgré des efforts, des défaillances persistantes -
 
Le domaine de la commande publique fait l’objet d’un rapport spécifique. Si des efforts ont pu être faits, notamment sur la formalisation des procédures, force est de constater qu’aucune recommandation n’est totalement mise en œuvre. La plupart sont toujours d’actualité en 2024.
 
Tout d’abord, la nouvelle organisation n’est pas encore aboutie. Sur le fond, de nombreuses anomalies ont été relevées, tant sur la passation que sur l’exécution des marchés. Que ce soit sur le recueil des besoins, les délais de procédure, le respect des seuils règlementaires de mise en concurrence, ou les modalités de renouvellement, d’attribution et de suivi des marchés, la plupart des défaillances relevées sont porteuses de risques juridiques importants. Quant aux protocoles transactionnels, la commune doit veiller à n’y recourir que pour clore une contestation née ou prévenir une contestation à naître, non pour couvrir a posteriori le manquement aux règles contraignantes de la commande publique.
 
Les incohérences et les confusions relevées sur les marchés de collations scolaires passés par la commune pour le compte de sa caisse des écoles illustrent une désorganisation du processus de la commande publique, que manifestent aussi le manque de qualité dans les réponses reçues et l’incomplétude des pièces justificatives réclamées sur les dossiers examinés.
 
De nombreuses défaillances pourraient être évitées si les marchés étaient rigoureusement suivis, ce qui suppose la mise en œuvre d’un outil fiabilisé, malheureusement toujours manquant à ce jour. Par ailleurs et corrélativement, un effort considérable doit être mené sur l’archivage des pièces de l’ensemble de la procédure pour les marchés attribués, depuis la recherche des fournisseurs ou prestataires jusqu’à la réception des marchés, mais aussi pour les consultations qui n’ont pas abouti.
 
Les avancées qui ont néanmoins pu être constatées sur la période sous revue nécessitent d’être poursuivies. La commune, tout comme sa caisse des écoles, doivent porter rapidement des efforts importants pour appliquer complètement les recommandations du précédent contrôle et, ainsi, améliorer la mise en œuvre des règles de la commande publique car c’est non seulement une obligation légale, mais également et surtout le moyen de rendre plus performante sa politique d’achat.
 
La commune indique être parfaitement consciente de ses défaillances sur la période contrôlée. Elle affiche des ambitions fortes, et s’appuie pour cela sur la réorganisation de la direction de la commande publique opérée à compter de juillet 2023 et sur le lancement prochain d’un audit de la fonction achat.

 
 

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