Les cinq membres d'équipage déposent un recours

Navire sri-lankais : un seul migrant obtient le droit d'entrer en France et de demander l'asile

  • Publié le 5 août 2022 à 09:38
  • Actualisé le 5 août 2022 à 09:39

Le dimanche 31 juillet 2022, un navire sri-lankais, avec à son bord six hommes, a accosté au Port, à la Pointe des Galets. Des membres d'équipages épuisés par leur traversée. Après avoir été pris en charge et placés en zone d'attente à l'aéroport Roland-Garros, tous ont demandé l'autorisation d'entrer en France au titre de l'asile. Sur ces six personnes, une seule obtient l'autorisation d'entrer en France. Les cinq autres ont été déboutés de leur demande. (Photo rb/www.ipreunion.com)

L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a examiné chacune de leur demande. Ce jeudi, tous ont été fixés sur leur sort. Seul un membre de l'équipage a reçu le droit d'entrer en France au titre de l'asile et donc, l'opportunité pour lui de demander l'asile.

Les cinq autres sri-lankais font face à des rejets de leurs dossiers. "Les demandes ont été jugées comme dépourvues de crédibilité et jugées comme manifestement infondées", explique Maître Xavier Belliard, avocat de deux migrants sri-lankais.

Concernant ses deux clients, l'avocat a décidé de déposer un recours devant le tribunal administratif. Il explique cependant que, "si le juge des libertés et de la détention estime dans les 24 heures qu'il y a des irrégularités de procédure, ils seront libres de sortir et pourront enregistrer une demande d'asile". Le tribunal administratif a quant à lui 72 heures pour rendre sa décision.

Pour eux, reste donc seulement l'espoir que le tribunal administratif les autorise à rester en France. Sinon, ils devront retourner au Sri-Lanka.

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- La demande d’asile, une procédure complexe –

Comme nous l’expliquait Maître Xavier Belliard, avocat de deux sri-lankais, l’accueil de ces migrants se fait en plusieurs étapes. Placés en zone d’attente, ils ont d’abord dû demander le droit d’entrer en France au titre de l’asile. Une procédure différente de la demande d’asile en elle-même.

Concernant la demande d’entrer en France au titre de l’asile, cette procédure vise à autoriser ou non l’entrée sur le territoire de l’asile. Dans le cadre de sa mission, l’OFPRA auditionne les personnes et transmet au ministère de l’Intérieur un avis motivé portant sur le caractère irrecevable ou infondé de leur demande. Cela s’apprécie au regard des déclarations du demandeur, explique l’OFPRA.

Si l’OFPRA juge la demande recevable, alors elle donne autorisation à la personne d’entrer sur le territoire. Dans ce cas, le migrant peut effectuer une demande d’asile auprès de la préfecture. Une demande instruite par l’OFPRA qui donne une décision favorable ou défavorable.

Dans le cas où la personne ne satisfait pas aux conditions d’entrée, elle est maintenue en zone d’attente pour une durée maximale de 20 jours, sous contrôle du juge des libertés et de la détention. Elle peut également demander un recours devant le tribunal administratif. 

- Six navires et plus de 300 sri-lankais arrêtés à La Réunion -

Depuis 2018, les navires de migrants sri-lankais se succèdent. En tout six bateaux ont accosté sur notre île, avec un total de 356 sri-lankais à bord. De nombreuses demandes d’asile ont été formulées, certaines acceptées, d’autres rejetées. Quelques dizaines de sri-lankais ont pu rester en France. Tous les autres ont été renvoyés dans leur pays.

Le premier navire arrive en mars 2018, avec six Sri Lankais retrouvés au large de Saint-Gilles à bord d'un radeau de fortune. Ils entament ensuite une procédure de demande d’asile. Certains ont depuis regagné leur pays.

En octobre 2018 à bord d’un bateau en relatif bon état, huit Sri-lankais sont interceptés. Le bateau aurait navigué plusieurs jours en pleine mer. Ils sont expulsés vers leur pays quelques jours plus tard. À leur retour au Sri Lanka, les huit hommes encourrent une lourde peine de prison pour avoir - selon les lois sri lankaises -, illégalement quitter leur île. Malheureusement, lors du rapatriement de ces derniers, il y a eu un couac. Les migrants, escortés la Police aux frontières (PAF) ont été mis dans un avion en direction de Maurice. Sauf qu’aucune compagnie aérienne n’acceptait de les embarquer sans escorte. Or, les agents de la PAF n’avaient pas de visa sri-lankais ou indien sur leurs passeports. Finalement, le préfet a délivré en urgence des visas.

Le 14 décembre 2018, 62 personnes, dont  une dizaine de femmes et d'enfants, arrivent à bord d'un bateau de pêche. D'abord placés en zone d'attente, tous les migrants ont été remis en liberté par le tribunal au motif que leurs droits ne leur avaient pas été notifiés à leur arrivée dans l'île.

Le 26 décembre 2018, un nouveau bateau de migrants est arrivé au Port-Ouest, avec à son bord, sept passagers. Les sept hommes arrivés à bord du bateau de pêche le "Roshan" ne remplissent pas les conditions d'entrée sur le territoire français. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a donc rejeté leur demande. Une partie des sept sri-lankais arrivés seront renvoyés dans leur pays dès le jeudi 3 janvier 2019.

Le 4 février 2019, un bateau avec à son bord environ 70 personnes dont 5 enfants et 8 femmes, est intercepté au large à 5 kilomètres de la côte de la commune de Saint-Philippe. Le 14 février, 64 des 70 migrants sont expulsés de La Réunion et renvoyés dans leur pays à bord d'un avion spécialement affrété.

Le 13 avril 2019, à bord d'un bateau en mauvais état, 120 personnes tentent d'accoster dans le port de Sainte-Rose. Elles sont interceptées. Parmi elles se trouvent trois ressortissants indonésiens soupçonnés d'être des passeurs. 60 des 120 migrants seront ensuite expulsés vers leur pays. Les passeurs seront jugés le 15 mai par le tribunal correctionnel de Saint-Denis. Ils sont condamnés à des peines de prison allant de 12 à 18 mois de prison ferme pour "aide à l'entrée ou au séjour irrégulier en bande organisée". Ils feront appel mais finiront par se désister de leur requête. Leurs condamnations sont donc définitives.

- Cinq bateaux interceptés au départ au Sri-Lanka -

Plusieurs sri-lankais n’ont eu pas pu gagner le rivage de La Réunion. Leur navire a été intercepté bien avant l’arrivée sur notre territoire.

Le 8 août 2018 un bateau avec 21 occupants (19 hommes et deux femmes) est intercepté, à 117 milles marins de Chilaw (Ouest du Sri-Lanka), dans les passagers, deux déserteurs de l’armée.

Le 11 septembre 2018 : un chalutier transportant 90 personnes, 89 hommes et une femme, est arrété au large du Sri-Lanka

Le 14 février 2019, les forces spéciales d’intervention et la marine du Sri Lanka ont arrêté 21 personnes, dont trois femmes et quatre enfants qui s’apprêtaient à quitter illégalement le territoire, rapporte le Daily Mirror. Ils étaient cachés dans une maison située à Siyambalanduwa. Peu de temps après, trois hommes, les présumés passeurs ont été interpellés dans une Résidence à une centaine de kilomètres plus au sud, à Pannegamuwa avec deux véhicules et près de 627.000 roupies (environ 3.100 euros).

Le 7 mars 2019, au moins 30 migrants ont été arrêtés par la marine sri-lankaise à 74 kilomètres au sud du Sri-lanka, rapporte le Daily Mirror. Deux patrouilleurs ont intercepté un chalutier transportant des migrants illégaux. "Nous soupçonnons qu'ils tentaient de rejoindre l'île de La Réunion," a déclaré le porte-parole de la Marine Isuru Suriyabandara.

Le mercredi 6 novembre 2019, onze personnes ont été interceptées par les autorités sri lankaises alors qu'elles tentaient de venir illégalement à La Réunion.

- Trois passeurs interpellés -

Autour des migrants, une traversée bien mystérieuse… Plus de 4.200 kilomètres séparent les deux îles. Aux commandes de ces navires, des hommes, des passeurs. "Ce qui est certain, c’est qu’il y a manifestement des filières d’immigration illégales qui sont à l’œuvre, actives depuis le mois de mars 2018. Elles organisent ces afflux" disait la préfecture fin 2018, interrogée par Imaz Press.

Pour la première fois en 2019, des hommes ont clairement été soupçonnés d’être des passeurs. Les trois marins indonésiens avaient ainsi été déférés devant le tribunal de Champ Fleuri pour "aide à l'entrée ou au séjour irrégulier en bande organisée et condamnés à des peines de prison allant de 12 à 18 mois de prison ferme. Le bateau dans lequel ils se trouvaient transportait 120 migrants sri-lankais.

- L’avenir sombre des Sri Lankais candidats à l'immigration -

Comme l’indique Médecin du Monde, les six hommes arrivés dernièrement à La Réunion " sont partis dans l'urgence", assure-t-elle. Elle ajoute : "ils étaient tous en short et sans chaussures, seul l'un d'entre eux avait un pull".

Des personnes qui fuient leur pays, un pays en proie aux conflits depuis plusieurs années, sur fond de persécutions contre les minorités. Ces dernières semaines, la situation s'est largement empirée, le pays vivant la pire crise économique de l'histoire de l'île...

La crise a été aggravée par une série de mauvaises décisions politiques. L'île, qui a fait défaut en avril sur sa dette étrangère de 51 milliards de dollars, n'a même plus assez de devises pour financer ses importations essentielles, et espère un plan de sauvetage du Fonds monétaire international (FMI).

De violentes manifestations ont agité le pays, se concluant sur l'invasion du palais présidentiel le 10 juillet dernier. Le Premier ministre Mahinda Rajapaksa et le Président Gotabaya Rajapaksa ont finalement démissionné, peu après de violentes attaques perpétrées par les partisans du premier contre des manifestants antigouvernementaux, ayant fait au moins 78 blessés. Dinesh Gunawardena et Ranil Wickremesinghe ont été désignés pour le remplacer.

Rien, absolument rien ne peut donc empêcher ces hommes, femmes, enfants a tenter la traversée : ils n'ont rien à perdre alors pourquoi ne pas tout risquer pour espérer trouver une vie meilleure.

ma.m/www.ipreunion.com/redac@ipreunion.com

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