Le symptôme d'une crise qui couve depuis plusieurs décennies

Nuit d'Halloween : ça pourrait chauffer mais pourquoi tant de violence ?

  • Publié le 31 octobre 2019 à 02:59
  • Actualisé le 31 octobre 2019 à 07:10

Depuis 2017, la fête d'Halloween est émaillée d'incidents à La Réunion. Quelques feux de poubelles les années précédentes dans une ou deux communes puis la contagion a gagné le département. D'année en année, les incidents s'aggravent. En 2018, des commerces ont été pillés, des heurts entre jeunes et forces de l'ordre ont éclaté, Halloween est devenu le prétexte à un déchaînement de violences. Aujourd'hui, le préfet prend ses dispositions, il a décidé de renforcer le déploiement des forces de l'ordre et de le compléter par des mesures de polices administratives. Est-ce vraiment la solution, ne faudrait-il pas prendre le problème à la racine et chercher de quoi cette violence est le symptôme ou le résultat ? (Photo photo d'illustration RB imazpress )

Ce n'est plus ce que c'était

Promue par les commerçants, la grande distribution notamment, la tradition d’Halloween est arrivée à La Réunion il y a une quinzaine d'années. On a alors vu des marmailles tout sourire déguisés en personnages effrayants faisant du porte à porte criant joyeusement "un bonbon ou un sort". Mais cette ambiancce bon enfant désomais laissé place à des incendies de voitures, de poubelles, des groupes masqués, encagoulés parfois armés de battes de base-ball ou autres progressant dans la nuit, profitant de l’obscurité pour commettre leurs exactions. Certains sont venus piller, d‘autres en découdre avec les forces de l’ordre, d’autres encore dégrader, vandaliser ou tout simplement regarder.

La surenchère

C’est devenu un triste concours. À qui fera le plus de dégâts, qui brûlera le plus de voitures. Quelle commune ? Quel quartier ? C’est l’escalade. L’année dernière, le phénomène était appelé "la purge" en référence à un film d’horreur sorti quelques semaines plus tôt. Les consignes alors diffusées sur les réseaux sociaux pour ce 31 octobre 2018 laissaient peu de place au doute quant aux intentions des "organisateurs": "toute personne seule dehors sera mêlée, frappée. Toutes les armes sont autorisées. Les vols de téléphone, scooter, voiture etc sont autorisés. Brûlez tout ce que vous voyez : poubelles, commissariats si possible. Tout officier des forces de l’ordre que vous croisez devra automatiquement être mêlé"…

Lire aussi : violences urbaines dans plusieurs villes de La Réunion

Plusieurs quartiers de La Réunion s’embrasent. Des commerces sont pillés, les forces de l’ordre, déployées en nombre essuient des jets de projectiles et ripostent avec des tirs de grenades lacrymogènes, des voitures et des poubelles incendiées… Le Chaudron (Saint-Denis), la Cressonière et Cambuston (Saint-André), le Port, Saint-Pierre, Sainte-Suzanne, Bras-Panon, la Possession, Plateau Caillou (Saint-Paul) et Saint-Paul ville, toutes ces communes sont en proie à des violences urbaines.

Des centaines de jeunes expriment, de la pire des manières, ce qui est leur désarroi. Car si la violence est bien sûr condamnable, elle traduit aussi les égarements d’une jeunesse qui se sent oubliée. D’une jeunesse frappée par un chômage massif, absente du débat local mais aussi national. Une jeunesse oisive, qui galère, vivote, stagne, les petits boulots se font de plus en plus rares, la vie chère ronge leur quotidien, le chômage les travaille, ils sont loin de tout, de l’emploi, des préoccupations politiques, de la formation professionnelle…

Les heurts ont recommencé à la venue d'Emmanuel Macron

Lors de la venue d’Emmanuel Macron, les heurts ont recommencé. Depuis l’épisode Gilets jaunes et les échauffourées en marge du mouvement qui se produisaient la nuit, La Réunion n’avait plus connu de tels événements. La visite du président, son manque de considération et d’annonces concrètes pour cette jeunesse désabusée ont mis le feu aux poudres. Au Port, au Chaudron, à La Possession, ils étaient des centaines à vouloir se rendre "visibles", à vouloir faire entendre leur voix. Une fois de plus, nous le répétons, la méthode est condamnable, la violence, les dégradations, le vandalisme sont condamnables, inexcusables et injustifiables.

Un profond mal-être

Mais il faut voir plus loin, cela traduit surtout un profond mal-être. Le président est à La Réunion, les heurts recommencent, le message est clair, ces jeunes veulent marquer les esprits. C’est un appel à l’aide adressé au chef de l’État pour qu’il prenne des mesures à la hauteur des problématiques. Car dans ces quartiers, la galère est un héritage qui se transmet de père en fils, de mère en fille. Un peu cliché direz-vous, certains s’en sortent mais combien sont-ils ? Les autres, la majorité savent déjà ce qui les attend. Ils ne croient plus en rien. Le mot est passé de génération en génération "tu ne peux compter que sur toi même, les politiques ne t’aideront pas, ce sont de belles paroles, rien ne changera dans ta vie, il faudra te battre pour tout."

Alors ils sont en colère. En colère contre ce système, en colère contre ces politiques qui ne viennent dans leur cité, dans leur quartier, qu’à l’approche d'un scrutin pour leur promettre monts et merveilles, en colère contre ces plans, mesures et autres dispositifs censés favoriser l’emploi, la formation dans ces zones oubliés, mesures qui mettent des années à être mises en place, quand ça aboutit…

De belles paroles mais pas d'actes forts

Interrogé sur ces violences urbaines, Emmanuel Macron a condamné et fait passer un message : "je veux dire à ces jeunes qui s'adonnent parfois à ces violences de manière récurrente que ça n'apporte aucune solution. Ces difficultés je les ai vues, et je veux m'attaquer à leurs racines". Mais concrètement, comment s’attaque-t-il à ce mal qui ronge notre île depuis si longtemps ? Ils sont nombreux à avoir essayé avant lui et on a vu ce que ça a donné.

"La violence donne une mauvaise image qui n'est pas que la réalité de ces quartiers", "il y a un autre visage des quartiers, collectivement par les actions qu'on mène je souhaite qu'on puisse aider cette jeunesse " a également indiqué le président. On ne peut être qu’acquiescer. Bien sûr, ces quartiers dits fragiles ne se résument pas à ces actes de violence. Bien sûr, il s’agit là d’une minorité. Bien sûr, il faut impérativement aider cette jeunesse mais après avoir dit ça, on fait quoi ?

La violence ne change rien

En 2005, les banlieues se sont embrasées en Métropole, presque quinze ans plus tard, on a entendu les mêmes discours, les mêmes belles paroles, les mêmes professions de foi. Que des voeux pieux, quinze ans plus tard, qu’est-ce qui a changé ? Les banlieues, les cités, les quartiers chauds, fragiles, peu importe comment on les nomme ne sont pas une priorité. Pour le gouvernement actuel, pour les gouvernements qui se sont succédés. Personne n’a pris le problème à bras le corps. Personne ne s’est attaqué au mal par la racine. On commente, on dresse le constat puis on laisse la situation pourrir. La jeunesse crie son mal-être, demande un changement radical, un plan Marshall mais elle n’est pas entendue.

Les mesurettes annoncées par le président lors de son passage dans l’île ne calmeront pas la colère qui gronde. Car au quotidien, qu’est-ce qui a changé pour ces Réunionnais laissés pour compte ? Rien. Absolument rien. Rien, c’est aussi ce qu’ils attendent de leurs élus locaux, du gouvernement, du chef de l’État. À quoi bon s’accrocher encore à ce mince espoir ? À quoi bon se dire que les choses peuvent encore changer ? À quoi bon attendre ? À La Réunion, la désillusion et le désarroi sont légions. Des problèmes de fond rongent notre île depuis plusieurs décennies, depuis toujours diront certains. Dans l’indifférence générale. Les décideurs avec leurs bons mots et leurs bonnes intentions ne font qu’empirer les choses. Où sont les actes ?

Renforcer le dispositif de maintien de l'ordre, est-ce la solution ?

Depuis qu’Emmanuel Macron est parti, les tensions sont toujours là. Les jeunes ont promis de remettre ça ce 31 octobre, en réponse, le préfet a choisi de renforcer son dispositif de maintien de l’ordre. Est-ce cela la bonne réponse ? Oui, peut-être dans l'immédiat.

Mais pas sur le court terme, encore plus sur le long terme.

Car croire que l'on peut mater la colère d'une jeunesse - et au final d'un peuple -, en désespérance uniquement par la répression produit (et continuera de produire) l'effet exactement inverse.

C'est à l'origine de cette désespérance qu'il faut s'attaquer et pas seulement à ses conséquences toutes aussi condamnables qu'elles soient. Tant que cette vérité première n'aura pas été comprise, colère et violence ne cesseront de prospérer. Il est encore (à peine) temps d'enfin s'en rendre compte.

fh / www.ipreunion. com / redac@ipreunion.com

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7 Commentaires
Titik974
Titik974
4 ans

Faut arreter de justifier leurs actes. Ces jeunes la plupart sont mineur donc encore scolarisé et vivent chee les parents. La plupart passe leur journée a dormir ou à squatter les halles d'immeubles. Ils veulent avoir un boulot directement dans leur main et ne veulent pas bouger leur cul. Ils utilisent tout pretexte pour casser bruler ect. Soit disant pas de boulot mais ils ont vetements de marque telephone dernier cri, et peuvent meme s'acheter zamak rivotril scooter. Le problème c'est qu'ils veulent avoir tout sans rien forcer. Faut dire les choses comme elles sont et ne pas chercher a justifier leurs actes.

Irène
Irène
4 ans

Eh bien en attendant vous justifiez tous ces actes !! Oui la vie est dure et pour autant on doit tous céder à la facilité de la violence ?!!! Oui c'est dur de trouver du travail, on peut se former non ?!! Oui manger correctement est un gageure en ces temps actuels !! Pour autant dois je voler, trucider, briser les efforts d'une personne qui n'a pas baisser les bras ?!! Je ne souhaite pas montrer cet exemple à mes enfants !!Je suis pour une évolution pour tous dans la sérénité et le respect des gens, de notre espace commun et des lieux publics et Vous ?!

Tristan
Tristan
4 ans

Y a pas de travail, on ouvrira pas tous une pizzeria et on deviendra pas tous champion de karaté. Arrêtez de délirer, nous ne sommes pas au plein emploi. Par contre le Président est devenu irresponsable, et tout le gouvernement, fonctionnaires et privés pareil, démerdez vous !

Mano
Mano
4 ans

Jacques a...dit Education = 0...et des exemples récents ont prouvé que lorsque l'éducation est là et donc des parents "éducateurs"....les marmailles sont en l'air et nous en sommes fiers...chanson, lutte, karaté, gymnatisque...et dans bon nombre de domaines...donc c'est possible sans qu'un quelconque Pdt ne vienne nous dire ce qu'il y a lieu de faire !

gramoun
gramoun
4 ans

Tant qu'il y aura de "beaux esprits" pour justifier ainsi par la "désespérance" ces actes injustifiables, la violence continuera à s'installer et à se développer. Posons nous la question: en quoi la situation à la Réunion ou en France est elle plus "désespérante" qu'ailleurs ? Et dans quel autre pays les auteurs de violences et de dégradations connaissent ils une telle clémence, une telle impunité ?

vive manu!
vive manu!
4 ans

il faut arrêter de "déculpabiliser" cette fange de racaille en disant que la faute c'est au chÃ'mage, au mal être, les politiiciens, etc....ces fameux "jeunes" sont des oisifs qui veulent que tout leur tombe du ciel! les seuls coupables de cette situation c'est bien cette racaille qui ne veut pas ce casser le cul en cherchant et en allant travailler!

Jacques
Jacques
4 ans

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