Ce dimanche 15 septembre 2024, a eu lieu un pique-nique partage à initiative de Greenpeace La Réunion et de la SREPEN. Ce dernier a attiré plus d'une centaine de citoyennes et citoyens et avait pour objectif d'évoquer les travaux d'aménagement du bassin de Grande Anse (Petite-Île). Parmi les associations environnementales et citoyennes Vie Océane, l’Agence de Recherche pour la Biodiversité à La Réunion, 5000 pié d'bwa, Oasis Réunion, Bio Consomm'Acteurs Réunion, Extinction Rebellion, Doumoun la Plaine, Attac étaient présentes pour débattre lors des ron kozé. Nous publions ci-dessous le communiqué (Photo : Greenpeace)
La journée a commencé avec la plantation d’un porcher (hibiscus populneus), un pied de bois indigène apporté par Marie Faham. A son pied, les enfants ont apposé leur nom sur des galets de coraux et de pierres volcaniques. L’endroit et l'action et l'endroit sont symboliques : en face du bassin pour protéger le littoral.
Après une présentation du projet d’extension du bassin de baignade de Grande Anse, le ron kozé a commencé sur les besoins d’un tel aménagement. En effet, un des objectif des travaux du bassin est d'offrir une piscine pour apprendre la natation aux élèves de Petite Île. Les enseignants des classes élémentaires et les professeurs d’Éducation Physique et Sportive présents ont soulignés que le bassin était très éloigné des écoles des Hauts de Petite Île.
De plus, les conditions en mer rendaient l'apprentissage de la nage difficile. Pourquoi ne pas plutôt offrir des conditions plus propices à cet apprentissage en construisant une piscine à mi-pente? Cela permettrait aussi de dynamiser l’activité économique de la commune et de renforcer sa vie sociale. L'exemple du bassin d'apprentissage nettement moins coûteux à Jean Petit est inspirant.
Puis la parole est donnée à deux scientifiques universitaires spécialisés dans l’étude du recul du littoral et des mécanismes qui dégradent le récif corallien de La Réunion. Le constat est très alarmant : le récif corallien de la Réunion est extrêmement fragilisé.
Ils regrettent qu’aucune étude scientifique ne garantirsse la reconquête et la résilience de la biodiversité marine dans le bassin après les travaux d'aménagement. Pourtant, le maire de petite Île, Serge Hoareau laisse entendre le contraire lors du JT de 19h à Antenne Réunion le 27 juillet 2024. Pour cela, il compare la réussite socio-écologique de l’aménagement de 1985 au projet d’extension actuel alors que le contexte social, climatique, d’artificialisation des sols et de pression touristique est incomparable.
L'exposition de photos de la biodiversité récifale du bassin a permis de faire découvrir toute cette richesse de vie menacée par ce projet. Et de rappeler que la préservation de cette biodiversité marine n'est pas qu'une préoccupation de naturaliste, d’adepte de plongée ou une lubie d'écolos. C'est toute l'activité économique de la pêche qui dépend du récif et de sa biodiversité.
Les scientifiques rappellent ensuite que le récif joue un rôle majeur comme barrière naturelle pour protéger le littoral. Les travaux prévus vont quasiment doubler la surface du bassin en construisant un mur de 10 mètres de large environ sur 2 mètres de haut avec des roches. Mais cela risque d'accélérer l'érosion de la côte. Les vagues en se fracassant contre le contour du bassin vont retirer le sable. Ce qui pourrait amener à la disparition d’une des plus belles plages de La Réunion. Faudra t'il alors ramener du sable pour compenser ce phénomène? Grande Anse, dite la plage la plus sauvage de La Réunion, deviendrait-elle la plage la plus artificielle de La Réunion ?
Un pique-nique partage sous le son du rouler a permis une pause conviviale et des échanges informels. C'est ensuite la question du modèle touristique souhaité à La Réunion qui réalimente les débats. Car si les travaux d'aménagement de Grande Anse sont prévus c'est avant tout pour augmenter son attractivité touristique. Le site est ciblé en priorité dès 2013 par le Comité d’Orientation Stratégique du Tourisme pour La Réunion.
Grande Anse fait partie de ces "petits" projets dans un grand modèle de développement du tourisme que les citoyennes et citoyens dénoncent. Avec ce million de touristes souhaité par la Région d’ici 2030, c'est le tourisme de masse qui se développe, aux dépens de la tradition réunionnaise et sans retombée économique équitable. Une alternative à ce modèle serait un tourisme qui profite à davantage de Réunionnais. Des chambres d'hôtes ou des vacances à la ferme seraient autant de possibles à envisager. Un tourisme authentique, qui permettrait de goûter aux savoir-faire culinaires, de partager des moments privilégiés et de découvrir les richesses de l’île sans impacter la qualité de vie des habitants de l’île et sa biodiversité.
Les conclusions des débats ont été claires, le projet d’extension du bassin de baignade de Grande Anse n’assure aucune garantie quant à la préservation de l’environnement (récif et plage) et du patrimoine culturel réunionnais. La consultation publique a recueilli majoritairement des avis négatifs. Une pétition contre le projet a collecté plus de 5700 signatures. L'avis du commissaire enquêteur en charge du dossier devrait être public dans les prochains jours.
C'est maintenant au Préfet, Jérôme Philippini de donner on feu vert, ou non, pour des travaux qui dureront trois longues années. Afin de faire entendre l'avis des scientifiques, un courrier cosigné sera adressé au Préfet quant à la nécessité absolue de préserver le récif corallien pour favoriser sa biodiversité et protéger le littoral de l'érosion. Les enseignants envisagent aussi de donner leur avis sur l’inégale accessibilité du bassin entre les écoles des Hauts et des Bas et de la faisabilité restreinte d’apprendre à nager dans l’océan. En espérant que le Préfet considère les multiples voix qui se lèvent contre ce projet lors de sa décision sur son utilité publique.