Depuis quinze jours déjà, le Piton de la Fournaise est entré en éruption. Quinze jours de fissures éruptives, de coulées de lave, de trémor en baisse puis en hausse, puis qui stagne… Seule chose qui n'a pas changé, le front de coulée se situe toujours à 1,8 kilomètre de la RN2. Et si la lave n'est que peu visible et que l'activité semble faiblir, cela ne veut pour autant pas signifier que la première éruption de l'année est arrivée à sa fin. Vous voulez savoir pourquoi ? Philippe Kowalski, directeur adjoint de l'Observatoire volcanologique du Piton de la Fournaise (OVPF) nous l'explique (Photo : rb/www.imazpress.com)
En effet, "il n'y a pas grande évolution, le trémor reste stable", note Philippe Kowalski, directeur adjoint de l'Observatoire volcanologique du Piton de la Fournaise (OVPF). L'écoulement de la lave s'effectuant maintenant en partie tunnel de lave à proximité immédiate du cône en cours d'édification.
▶️Communiqué de l'OVPF-IPGP - 16/07/2023 - 11h10 Pas de changement majeur dans l'activité éruptive au #PitondelaFournaise.
— Observatoire Volcanologique Piton de la Fournaise (@ObsFournaise) July 16, 2023
- Les laves actives sont actuellement localisées au delà de 1500 m d'altitude. ????
Le communiqué complet sur ce lien ????https://t.co/bQNJmIW563 pic.twitter.com/dDfxxA5FbJ
N'allez donc pas croire que – si la lave ne se montre plus tellement – cela signifie impérativement que l'éruption est terminée.
Pour bien comprendre, "une éruption, c'est la remontée du magma des profondeurs qui arrive à la surface et dès lors que ça remonte c'est comme une bouteille de limonade qui va avoir des bulles de gaz et lors de la remontée le gaz va partir d'un côté et le liquide de l'autre", nous explique Philippe Kowalski.
"Après, si le phénomène est plus violent il peut y avoir des projections de lave en hauteur et cela forme le cône éruptif", ajoute-t-il.
Autre phénomène que peut provoquer l'éruption, "c'est que s'il y a beaucoup de vent et que le débit de gaz est fort, la lave projetée à la sortie va former les cheveux de Pelé". Des morceaux qui peuvent aller jusqu'à 40 centimètres de long et pour lesquels l'ARS met en garde.
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- Une éruption, c'est quoi ? -
Alors que de nombreux Réunionnais se pressent sur la route des Laves pour voir ce qu'ils appellent l'éruption, certains sont parfois déçus de ne pas apercevoir la lave jaillir.
Tout simplement parce que "la lave n'a jamais arrêté de couler et ce, même si le débit est plus faible", précise le directeur adjoint de l'OVPF.
"Si la lave n'est plus en surface, elle continue de couler en-dessous". Philippe Kowalski image même ses propos en avançant l'exemple d'un gâteau cuit à l'extérieur mais coulant à l'intérieur.
"Au contact de l'atmosphère, la lave se solidifie mais à l'intérieur le liquide (la lave) se déplace dans ce que l'on appelle le tunnel de lave."
Mais jusqu'à quel point la lave peut-elle descendre ? "Tout dépend du débit de la lave", dit-il, mais également des conditions et du relief.
C'est d'ailleurs là qu'il faut alerter les randonneurs en quête de sensations. Car même si le front de coulée en surface est stoppé, que la lave jaillit moins, en sous-sol, elle coule telle une rivière au ralenti. "Quand on voit une coulée lisse on pense que l'on peut y aller, sauf que l'on se trouve sur la croûte et à tout moment", tient à préciser Philippe Kowalski.
Prenons l'exemple tragique de 2003. Un jeune homme s'est aventuré sur les coulées lors d'une éruption. Sauf que des fissures étaient en train de s'ouvrir. Selon les dires, le jeune homme l'aurait contourné et serait monté sur une bosse. C'est alors que la fissure s'est ouverte et que le jeune homme est tombé dedans.
- Lave ou pas lave, quand s'arrête l'éruption ? -
Le fait de ne pas voir la lave couler amène souvent son lot de question : c'est la fin de l'éruption ? Déjà terminé ?
Si Philippe Kowalski expliquait que la lave poursuit son écoulement en sous-sol et ce même si elle n'est pas visible en surface, il nous explique également à quel moment l'Observatoire déclare l'éruption terminée.
"Nous avons des instruments sur le volcan – des sismomètres - qui mesurent comment vibre le sol. Quand il y a un écoulement du fluide à l'intérieur d'un conduit cela le fait vibrer et sous l'effet du magma, mélangé aux gaz et à la lave, tout cela remonte à la surface et c'est ce qu'on appelle le trémor." Dès lors "que le trémor disparaît, il n'y a plus d'écoulement, plus d'éruption", poursuit le spécialiste.
C'est là que l'OVPF en informe la préfecture qui elle, de son côté – en fonction du plan Orsec décide ou pas de revenir en phase de vigilance.
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Nous avons également interrogé Philippe Kowalski plus en détail sur d'autres points que peut-être certains Réunionnais et autres d'ailleurs ignorent sur notre emblématique Piton de la Fournaise.
Y-a-t-il des zones plus sensibles au Piton que d'autres ?
"Le volcan a des "rift zone", c’est-à-dire qu'il y a des zones de fragilité. Ces zones sont celles de Saint-Philippe ou de Sainte-Rose. D'ailleurs, si on regarde des cartes pour voir où sont les pitons, les cônes volcaniques, on se rend compte que cela part du sommet vers le nord-est et sud-est et ça traduit bien que ces deux régions sont des zones fragiles où le magma peut passer plus facilement."
Le directeur adjoint de l'OVFP ajoute tout de même qu'une troisième zone de fragilité existe, "mais moins évidente à comprendre, c'est celle qui part du sommet du volcan et va vers la Plaine des Cafres". Une zone que le magma emprunte rarement. "C'est arrivé mais il y a des milliers d'années" précise-t-il.
Quel âge à notre volcan ?
Le Piton de la Fournaise est âgé d'environ 500.000 ans. "Au début il, n'y avait rien, et puis il y a eu une éruption qui a commencé à faire couler de lave, donner vie à une île ronde (dont le sommet est le Piton des Neiges) et le magma au lieu de remonter est parti sur le côté. Ce qui a donné vie au Piton de la Fournaise."
Quel est le type de notre volcan ?
"Nous sommes sur un volcan intraplaque, c'est-à-dire au milieu de plaques tectoniques. Un volcan également dit rouge car on a de la lave."
Le Piton de la Fournaise est aussi un volcan dit effusif. "Cela veut dire que la lave s'écoule", précise Philippe Kowalski.
Le seul moment où il peut y avoir une explosion, c'est lorsque "l'on a des glissements de terrain qui surviennent ou des effondrements qui, au contact de l'eau, transforment l'eau en vapeur et là se produit une explosion".
Un volcan intraplaque qui, lorsque le point chaud va perforer la plaque, fait remonter une matière qui est toujours la même : le basalte. Et ce, quelle que soit la couleur des roches.
Comment se nomment les laves refroidies ?
"Suivant les laves et la façon dont elles refroidissent, elles n'ont pas le même aspect", détaille Philippe Kowalski. "On parle de lave massive ou encore de roche bleue, notamment quand le basalte refroidi mais qu'il reste encore un peu de gaz. Lorsque le gaz s'évapore la roche devient dense et compacte, parfois lourde."
En revanche, "lorsque la lave se projette en surface, cela peut donner les cheveux de Pelé."
"C'est aussi comme un champagne, dès lors qu'on ouvre il y a des bulles et là ces bulles refroidissent et des scories se forment. Suivant la taille des morceaux, on peut avoir des roches ou des cendres."
Le Piton est-il considéré comme dangereux ?
À cette question, le directeur adjoint de l'OVPF nous répond : "tous les volcans sont dangereux et le Piton également". "Néanmoins si on le compare aux autres volcans il l'est moins."
C'est tout de même une lave à 1.200 degrés qui sort des entrailles du Piton.
Quand a eu lieu l'effondrement du Dolomieu ?
"L'effondrement a eu lieu en 2007 lors d'une éruption", nous explique-t-il. "On considère l'effondrement de 300 mètres de haut.
Le flanc est se déplace-t-il ?
Comme nous l'indique Philippe Kowalski, "le flanc est se déplace tous les ans, à chaque éruption car on imagine les fissures qui écartent le volcan".
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